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Le système fédéral d'accès à l'information se détériore, dit la commissaire Suzanne Legault

Le système fédéral d'accès à l'information se détériore
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OTTAWA - Les citoyens qui demandent des comptes au gouvernement fédéral en se servant du système d'accès à l'information sont mieux de s'armer de patience: le système est miné par un réel manque de volonté et de ressources, constate la commissaire à l'information du Canada dans son rapport annuel déposé jeudi.

Lançant un cri d'alarme, Suzanne Legault parle même d'une «détérioration flagrante» du système.

En charge du commissariat depuis sept ans, elle dit n'avoir jamais vu l'accès à l'information aussi mal en point.

Les citoyens et les médias qui requièrent de l'information du gouvernement et des institutions fédérales subissent de trop longs délais pour avoir ce qu'ils demandent, ou encore se voient trop souvent refuser l'accès à des documents, est-il décrit dans le document annuel.

Par exemple, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait tout bonnement cessé d'accuser réception des demandes par manque d'employés. «À ce moment-ci, nous sommes incapables de vous donner un délai quant au règlement de votre demande», écrivait même la GRC.

«C'est contraire à la loi», a laissé tomber la commissaire.

La Défense nationale a obtenu une prorogation de délai de plus de trois ans, alors que le maximum prévu par la loi est de 30 jours, à moins d'une justification.

Parcs Canada n'a pas touché à une demande d'accès pendant 11 longs mois, relève le rapport.

Et pour illustrer, Mme Legault mentionne que les citoyens qui voudront connaître ce que le gouvernement a fait ou entend faire pour Lac-Mégantic, devront attendre environ un an avant d'avoir des réponses. Elle dit avoir fait ce calcul en se basant sur les demandes d'extension de délai demandées par Transport Canada.

Si l'information est divulguée un ou deux ans après la demande, ce n'est souvent plus pertinent, souligne d'ailleurs la commissaire.

Mme Legault rapporte que les institutions justifiaient habituellement les retards en soulignant que les resserrements budgétaires avaient eu un effet direct et négatif sur les services qu'elles étaient en mesure d’offrir.

«Certains ministères n'ont plus les ressources nécessaires», déplore-t-elle.

En raison de ces problèmes, le nombre de plaintes à son bureau a bondi, note la commissaire. En 2012-13, 1596 plaintes ont été formulées, soit une augmentation de 9 pour cent par rapport à l'année précédente. Les plaintes administratives ont augmenté de leur côté de 42 pour cent.

Les institutions fédérales qui ont généré le plus de plaintes sont l'Agence du revenu (336), la GRC et Citoyenneté et Immigration, ces deux dernières en cumulant plus d'une centaine chacune.

Et parce que son bureau a reçu dans les six premiers mois 1200 plaintes, elle s'attend à en avoir un total de 2300-2400 cette année.

«Lorsque le système d'accès à l'information vacille, non seulement la participation des Canadiens au gouvernement est contrecarrée, mais au bout du compte, la santé de la démocratie canadienne est en jeu», a déclaré jeudi Mme Legault.

La commissaire réclame un financement plus important pour que soient traitées adéquatement et en temps opportun les demandes d'accès à l'information.

Et elle déplore qu'il n'y ait aucune conséquence pour ceux qui ne respectent pas la loi.

Pour elle, il faut du leadership au sein du gouvernement et il revient d'abord et avant tout à Tony Clement, en tant que président du Conseil du Trésor.

Celui-ci a pourtant défendu le bilan de son gouvernement après le dépôt du rapport, s'en déclarant même «fier».

Il a fait valoir que le gouvernement a répondu à 54 000 demandes l'an dernier, dévoilant plus de six millions de pages.

Se faisant questionner sur les dures critiques de Mme Legault, il a rétorqué: «Je sais ce qu'elle a dit. Les faits parlent d'eux-même», a-t-il répondu, avant d'énumérer à nouveaux ses chiffres.

Il a par contre concédé qu'il y avait certains problèmes de manque de personnel sur lesquels il fallait se pencher.

Mme Legault ne se risque pas à commenter si la situation résulte d'une tentative délibérée du gouvernement de bloquer l'information.

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) ne s'est pas gêné.

Selon le parti, l'état pitoyable du système est une conséquence des compressions du gouvernement dans la fonction publique — budgets fondus et abolitions de postes — mais aussi d'une tentative de cacher l'information aux citoyens.

«Mais aussi, il y a, du côté du gouvernement conservateur, il y a des directives qui tendent à éviter de répondre aux questions», a lancé le député néo-démocrate Alexandre Boulerice.

Selon lui, le gouvernement instaure une culture du secret.

Le NPD déplore que les Canadiens soient ainsi privés d'informations cruciales sur la façon dont leur argent est dépensé et les décisions sont prises.

La commissaire souhaite que la loi sur l'accès à l'information soit modifiée de façon urgente, notamment pour tenir compte de l'évolution des technologies. Le commissariat présentera ses propositions de changements législatifs à l'automne 2013.

De nombreux gouvernements ont ignoré les demandes de réformes au cours des années, note-t-elle cependant.

Et pourtant, c'est nécessaire, insiste la commissaire.

«Parce que le système ne fonctionne pas.»

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