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Le géant Gallimard a-t-il le droit d'ouvrir une maison d'édition au Québec?

Le géant Gallimard a-t-il le droit d'ouvrir une maison d'édition au Québec?

Au début du mois d'août, le journal Le Devoir avait révélé que le groupe français Gallimard avait décidé de créer au Québec une filiale consacrée à l'édition.

Frédéric Brisson, responsable du programme de deuxième cycle en édition à l'Université de Sherbrooke, remet en question la légalité de la manuvre dans un billet publié mardi sur le blogue de l'Association nationale des éditeurs de livres (ANEL).

Selon lui, il y a dans cet événement le germe d'un bouleversement important de l'écosystème du livre québécois.

Pour étayer son argumentation, il s'appuie sur deux principes directeurs de la Politique sur les investissements étrangers dans l'industrie du livre, implantée en 1974.

L'un limite les investissements étrangers dans une nouvelle entreprise aux co-entreprises sous contrôle canadien, l'autre interdit aux groupes étrangers l'acquisition d'une entreprise existante sous contrôle canadien.

Selon lui, l'application de ces deux principes depuis 40 ans a eu des retombées « extrêmement positives ».

Ne pas répéter l'erreur commise dans le reste du Canada?

Il précise qu'au Québec les diffuseurs français déjà établis disposaient de droits acquis, mais qu'aucun n'avait lancé de programme d'édition. La concurrence pour attirer les gros noms, véritables vaches à lait des catalogues d'éditeurs québécois, était donc locale.

L'arrivée d'un gros joueur français comme Gallimard pourrait changer la donne.

Il compare la situation de l'édition québécoise à celle du Canada anglais, où des filiales d'éditeurs étrangers, déjà implantées avant 1974, ont pu attirer les auteurs les plus en vue qui ont, du même coup, boudé les éditeurs canadiens-anglais.

Il dénonce le laxisme avec lequel, selon lui, la Politique sur les investissements étrangers est appliquée pour accueillir les investisseurs.

Le livre de Stephen Harper publié chez un éditeur américain

Une anecdote symptomatique, selon lui : quand le premier ministre du Canada, Stephen Harper, a voulu publier un livre sur l'histoire du sport national, A great game : the forgotten Leafs and the rise of professional hockey, il s'est tourné vers un éditeur américain, Simon & Schuster qui, depuis, a pignon sur rue au Canada.

Interrogé à ce sujet, Richard Prieur, directeur général de l'Association nationale des éditeurs de livres, reconnaît que l'interprétation de la loi sur les investissements étrangers dans le domaine du livre est préoccupante, d'autant plus qu'à sa connaissance, les intentions de Gallimard restent floues, même si la feuille de route de l'éditeur est rassurante.

Il rappelle par exemple que, par le passé, Gallimard a édité des auteurs québécois qui n'arrivaient pas à se faire publier à l'époque, comme Réjean Ducharme.

Pour lui, la menace de passage du milieu du livre entre des mains étrangères est bien réelle, même si la situation est beaucoup moins préoccupante qu'au Canada anglais.

Pour l'ANEL, la vigilance est donc de mise.

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