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10 choses qu'on ne fait plus (ou moins) depuis l'avènement des écrans

10 choses qu'on ne fait plus (ou moins) depuis l'avènement des écrans
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Les 30 minutes de connexion internet qui étaient débitées des 12h de forfait par mois, qui empêchaient toute personne d'appeler à la maison, qui précédaient et/ou succédaient de longues heures de lecture, de sport, de jeux en plein air. Il est bien loin, ce temps de la déconnexion forcée.

On y repense presque avec nostalgie. Aurait-on atteint l'âge du "c'était mieux avant"? Certainement pas. Mais rappelons-nous de ces choses qui faisaient notre quotidien et qui, pour certaines, paraissent aujourd'hui incongrues, si ce n'est absurdes.

On ne lit plus dans certains endroits.

D'aucuns diraient qu'on a arrêté de lire en général. Télévision, jeux, informations qui nous tombent dans le bec, perte d'intérêt pour la littérature. Selon une étude de 2012, les jeunes liraient moins qu'avant. 57% des ados préféreraient regarder la télévision plutôt qu'ouvrir un livre, par exemple.

Quelle que soit la fiabilité de ces chiffres, reste un fait qu'on ne peut ignorer. On ne lit plus aux toilettes. Fini le temps où l'on trouvait de vieux Fluide Glacial qui traînaient nonchalamment sur l'étagère des WC, le magazine de notre tante, la revue psycho de notre mère et deux-trois mangas échoués par hasard appartenant au frérot. 91% des 18-25 ans utiliseraient leur smartphone aux toilettes, rapporte le New York Times.

Qu'est-ce que ça peut faire, demanderez-vous certainement. Malgré des études plus ou moins sérieuses sur le sujet, aucune corrélation n'a été établie entre la lecture aux toilettes et la bonne santé de nos intestins. Mais cela a au moins une signification (et on y reviendra plus longuement): on est incapable de se séparer de son téléphone.

On ne se perd plus.

TomTom a remplacé la carte routière dans la voiture. C'est bien pratique, d'ailleurs, même si après 5 heures de route, sa voix nous donne des envies de meurtre.

Google Map a remplacé... Quoi d'ailleurs? Avant, lorsqu'on devait se rendre à pieds à un endroit précis, on notait les indications (noms de rue, droite ou gauche... des choses somme toute utiles), ou on y allait au petit bonheur la chance.

C'est dommage, car se perdre pourrait être bon pour notre cerveau. Certains scientifiques avancent en effet l'hypothèse que toutes les avancées de notre civilisation nous rendraient moins intuitifs. Nous serions moins armés, aurions moins d'intuition que nos ancêtres, du fait de tous les outils qui nous mâchent le travail.

Se perdre a également l'avantage de laisser notre esprit vagabonder au rythme de nos pas. Et il paraît que ce sont ceux qui rêvent éveillés qui ont les esprits les plus vifs. Le philosophe Kant aurait-il écrit la Critique de la raison pure s'il n'avait pas établi un rituel de promenade quotidienne?

Autre effet néfaste: en se perdant dans les rues d'une ville, qu'on connaît ou pas, on tombe sur cette petite librairie dans laquelle on se rend désormais rarement, ou dans ce pub sympa qui pourrait devenir le quartier général de nos amis. Aujourd'hui, on ne découvre (presque) plus rien par hasard.

On ne regarde plus autour de soi.

Tout le monde a déjà fait l'expérience d'oublier son téléphone, entraînant ce sentiment à la fois effroyable et déstabilisant de ne plus savoir que faire ni comment. Comment occuper le trajet en métro? Comment prévenir mes amis que je suis en retard? D'ailleurs, où sont-ils, (c'était écrit dans un sms)?

Nous ne sommes jamais déconnectés. Pas plus pendant le sommeil que le matin au réveil, où nous sautons sur notre téléphone pour lire nos mails.

Regarder les gens dans la rue, leur sourire, admirer les paysages ou l'ambiance d'une ville qui se réveille, sont des choses que nous avons oublié de faire, les yeux rivés sur nos écrans.

On ne connaît plus l'ennui.

Qui connaît encore ce sentiment gênant d'attendre seul devant un cinéma, les mains dans les poches? On joue à Ruzzle, checke sa timeline Twitter ou stalke ses "amis" sur Instagram et Facebook.

Et alors? C'est vrai, par définition, l'ennui, c'est ennuyeux. Kierkegaard le définit même comme "la mère de tous les maux", par opposition à l'oisiveté. L'ennui permettrait pourtant, selon le philosophe Bergson, de saisir le temps dans toute son épaisseur et sa couleur. Le temps, dans l'ennui, n'est plus seulement une suite d'instants distincts les uns des autres, il est vécu. Sait-on aujourd'hui ce que signifie le temps qui passe? Même libre, ce temps est comblé.

On ne se souvient plus des numéros de téléphone.

Notre mémoire en a pris un coup. A quoi bon retenir des numéros importants lorsqu'on peut les avoir à disposition en permanence? Un adulte sur 4 ne connaîtrait pas son propre numéro de téléphone.

On ne peut le nier, avoir un répertoire en permanence dans sa poche, c'est bien pratique. Mais retenir et taper des numéros de téléphone faisait travailler notre mémoire. Selon une étude d'une université de Californie, répéter un numéro de téléphone était un processus bon pour notre mémoire à long terme.

Ne nous inquiétons pas pour autant, si notre mémoire n'est plus sollicitée par les numéros de téléphone, les nouvelles technologies lui donnent malgré tout du travail, notamment avec tous les mots de passe dont nous avons besoin: boîtes mail, banque, assurance... et bien d'autres, que j'ai dû oublier.

On n'appelle plus, on envoie des courriels ou des textos.

Passe-t-on encore une après-midi entière au téléphone avec sa meilleure amie? On a tendance à ne plus prendre son téléphone pour passer des appels, mais bien plus pour envoyer des textos ou des courriels. Dans un entretien donné à Philosophie Magazine, le philosophe italien Maurizio Ferraris avance une théorie extrêmement intéressante, selon laquelle le portable est une "machine à écrire".

"Aujourd'hui, que fait-on principalement avec son portable: on rédige des SMS, on s'envoie des e-mails, on consulte Internet, on tweete, on partage nos statuts sur Facebook, et, de temps en temps, on se parle. Tout cela avec des tablettes de la taille d'un écran d'ordinateur. Qu'est-ce que cela signifie? Qu'on a privilégié l'écriture à la présence directe. Ce que personne, pas plus les sociétés de téléphone que les films de science-fiction, n'avait prévu."

On ne lit plus, mais qu'est-ce qu'on écrit !

On n'a plus peur de tomber sur la mauvaise personne.

"Suis-je bien chez....?" Ce même Maurizio Ferraris explique que le téléphone portable est une chose profondément individuelle: il nous appartient, voire nous définit. Lorsque nous appelons une personne, nous sommes quasiment certains de tomber sur elle, ce qui n'était pas le cas lorsque nous prenions notre téléphone pour appeler sur un fixe. Tout le monde se souvient certainement de cette expérience embarrassante de composer le numéro trouvé dans les pages blanches du téléphone fixe des parents de l'amoureux(euse) de la cour de récréation. Aujourd'hui, en un sms qui lui arriverait directement, l'affaire serait réglée.

À noter que ce sentiment d'identité à son téléphone portable devrait s'accentuer avec l'arrivée sur le marché des Google Glass ou encore des puces qui pourraient être intégrées directement à nos corps.

On ne fait plus d'albums photo (ni de DVD souvenir).

Si on écrit plus de courriels et de textos qu'on ne passe des coups de fil, on a en revanche complètement laissé de côté les lettres manuscrites. Paradoxalement, on constate un renouveau de ce genre de pratiques, comme si un manque était apparu. On le voit par exemple avec les box surprises, qui sont envoyées dans nos boîtes aux lettres tous les mois. Les carnets et répertoires recommencent à vivre de beaux jours. Voire commencent à reprendre de l'importance par rapport au multimédia. On peut même maintenant faire imprimer nos dessins faits sur tablette sur un carnet.

La photo, l'audio et la vidéo connaîtront-ils ce même heureux sort? S'il existe bien d'irréductibles collectionneurs de vinyles, de VHS et de photos Polaroid, les applications photo et vidéo telles qu'Instagram et Vine rendent le multimédia accessible à tous et partageable instantanément. Avec le bonus non négligeable d'être un gain d'espace considérable.

On n'a plus de vraies discussions.

Dans un bar ou au restaurant avec ses amis, qui n'a jamais perdu le fil d'une discussion parce qu'il s'est retrouvé soudainement absorbé par un mail reçu ou la notification annonçant la fantastique nouvelle d'un nouvel abonné sur Twitter? Caitlyn Becker, qui avoue être accro au portable, se pose la question.

"Est-ce que je vis vraiment dans un monde où je préfère m'assurer qu'un parfait inconnu me suit sur Twitter plutôt qu'accorder toute mon attention à la personne que j'appellerais pour me tirer d'affaire si jamais je me faisais arrêter? Quelque chose ne va pas dans ce scénario."

On a oublié ce que c'est, une discussion de plusieurs heures sans aucune distraction. Tellement que Mauricio Perussi, un directeur artistique brésilien, a lancé le concept d'un "verre hors ligne": un verre qui ne peut tenir que s'il est posé sur un téléphone, pour que les gens soient contraints de laisser leur mobile de côté pendant quelques heures. Habile.

Pas de panique si vous n'êtes pas à proximité de ce bar, vous pouvez jouer au "phone stacking". Les règles sont simples: tous les téléphones sont empilés sur une table. Le premier qui craque et récupère son téléphone a perdu.

On ne reste plus dans l'ignorance.

Sans Diderot, Wikipedia n'aurait sans doute jamais existé. Oui mais son encyclopédie à lui, il fallait aller la chercher. Il fallait faire l'effort d'aller se renseigner. Aujourd'hui, on a Wikipedia dans nos poches. Diderot en aurait peut-être rêvé.

Qui était président des États-Unis en 1861? Quel est le nom de cet aliment super bon qui est dans mon assiette au restaurant? Quand et pourquoi a été créée cette tour en face de moi? Il suffit de sortir son téléphone pour avoir la réponse. On a oublié ce que c'était, de ne plus savoir. De devoir attendre pour avoir des réponses. On a tout à portée de main. Et c'est bien.

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