Des textes américains, on en monte peu au Québec, encore moins à Québec. Le comédien Charles-Étienne Beaulne, passionné de la dramaturgie de nos voisins, n'a pas eu fort à faire pour convaincre le metteur en scène Olivier Lépine de monter Coronado de Dennis Lehane. «C'est un super casse-tête! Un univers sombre, un bon suspense. Ça m'apparaissait comme un beau terrain de jeu.», répond Olivier Lépine. Celui qui a porté sur scène des univers aussi forts que Barbe Bleue et Roméo et Juliette s'est donné comme défi de pousser au maximum la théâtralité de ce texte, en s'éloignant du réalisme.
Dennis Lehane a assurément une écriture cinématographique, à en juger par les grands films qu'ont donné les adaptations de certains de ses romans. Mystic River, Gone Baby Gone, Shutter Island, rien que ça. Mais qu'en est-il de son écriture dramaturgique? À la lecture de la pièce, on est frappé par le rythme rapide, donné par des scènes courtes et très punchées. On pense à David Mamet. «Oui, dans la vivacité, mais moi je vois une parenté avec Breaking Bad. Comme dans la série, les personnages sont plutôt antipathiques, ils ont l'air tous un peu fourbes. Comme des animaux en cage, ils se zieutent. Et plus la série avance, plus on trouve de scènes qui sont courtes mais formées d'une longue tirade d'un seul personnage, un genre de plaidoyer qui dérape. Et il y a ça aussi dans notre spectacle.»
C'est à la demande de son frère, l'acteur Gerry Lehane, que le romancier américain a écrit Coronado, nous apprend Olivier Lépine : «son frère se plaignait de jouer constamment le même genre de rôle, de ne jamais jouer des "toughs" et des brigands. Il lui a dit "écris-moi donc une pièce".» Que ne ferait-on pas par amour fraternel? Lehane s'est donc attelé à la tâche et Coronado, sa seule pièce à ce jour, a été créée à New York en 2005. Dans la production des Miettes dans la caboche, le rôle conçu pour Gerry Lehane est interprété par Nicolas Létourneau.
Coronado, c'est un récit articulé autour de huit personnages qui, à des degrés divers, plongent dans l'illégalité. Deux amants fomentent un crime. Un fils sorti de prison. Un psychiatre attiré par une patiente. «Mais ce se ne sont pas des paumés», précise Olivier Lépine. «Ils ont fait un mauvais choix ou ils se sont trouvés avec quelqu'un qui a fait un mauvais choix et en subissent l'effet domino. La vie les a fait dévier pour un moment. Ce sont pas des gens qui ont vécu dans la bouette toute leur vie.»
Huit personnages, huit acteurs, toujours présents sur scène. «Chacun joue avec un seul autre personnage, parfois avec deux. Mais ils n'ont aucune interaction avec les autres. Trouver une énergie à huit, c'est un beau défi.»
Parlant défi, même à une semaine de la première, Olivier Lépine confie se casser encore la tête sur la logique de ce puzzle écrit par Lehane. «Au début des répétitions, on pensait qu'on donnait trop d'indices, mais là, ma crainte, c'est que les gens ne comprennent pas!», confie-t-il en riant. «On va vraiment être attentifs aux réactions et continuer à travailler le spectacle pendant les représentations si on voit que les spectateurs ne comprennent pas trop les liens entre les personnages.»
Une première au Québec
La pièce de Lehane a déjà été présentée en France, mais la compagnie Des miettes dans la caboche a travaillé à partir du texte américain. «On ne l'a pas transposé dans un contexte québécois mais dans une langue qui est plus proche de la nôtre. On a seulement enlevé quelques références, par exemple autour de la religion, parce qu'on n'a pas une culture aussi religieuse au Québec que dans certains coins des États-Unis.» Quoique ces temps-ci...
Coronado, une production de la compagnie Des miettes dans la caboche
Théâtre Premier Acte, du 15 octobre au 2 novembre
Texte : Dennis Lehane
Adaptation : Pénélope Bourque
Mise en scène : Olivier Lépine
Avec Charles-Étienne Beaulne, Joëlle Bourdon, Jean-Pierre Cloutier, Danielle Le Saux-Farmer, Guillaume Pelletier, Jack Robitaille, Sophie Dion et Nicolas Létourneau
www.premieracte.ca
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