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Chine: Bo Xilai, l'ex-étoile montante du régime, condamné à la prison à vie

Chine: Bo Xilai condamné à la prison à vie
Reuters

IBo Xilai, l'ex-dirigeant chinois à l'origine du plus vaste scandale politico-criminel qu'ait connu le régime depuis la fin de la révolution culturelle, a été condamné dimanche 22 septembre à la prison à vie. "La cour prononce une peine de prison à vie avec privation permanente des droits politiques", indique l'énoncé du jugement rendu public sur Sina Weibo, un équivalent chinois de Twitter, par le tribunal de Jinan, la capitale de la province du Shandong (est), où son procès délocalisé s'était tenu le mois dernier.

Bo Xilai a été condamné pour corruption, détournement de fonds et abus de pouvoir, notamment dans l'affaire de l'assassinat par son épouse Gu Kailai de l'homme d'affaires britannique Neil Heywood. La cour "condamne Bo à 15 ans d'emprisonnement pour détournement de fonds et à 7 ans pour abus de pouvoir", détaille encore la sentence, ajoutant que "tous ses biens sont confisqués".

Un verdict sévère

Ce verdict --particulièrement sévère-- tire un trait définitif sur la carrière du plus haut responsable politique --il était membre jusqu'à l'an dernier du Bureau politique du Parti communiste chinois (PCC)-- traduit en justice depuis la condamnation en 1998 de l'ex-maire de Pékin, Chen Xitong, et celle du maire de Shanghai, Chen Liangyu, en 2008, tous deux pour corruption.

Lors de son procès en août, il avait été accusé d'avoir empoché pour plus de 2,6 millions d'euros de pots-de-vin et détourné des fonds publics d'une valeur de plus de 600.000 euros, notamment pour l'acquisition en 2001 d'une villa à Cannes, sur la côte d'Azur française, gérée par Neil Heywood et un homme d'affaires français, Patrick Devillers.

Ambitieux et charismatique, un temps perçu comme un rival de l'actuel président Xi Jinping, cet ancien ministre du Commerce avait pris la tête en 2007 de l'immense métropole de Chongqing (sud-ouest) dont il est parvenu à faire un pôle économique majeur.

Il s'était singularisé en y orchestrant une campagne de réhabilitation des valeurs maoïstes les plus "rétro", parallèlement à une répression violente sous prétexte de lutte contre les "mafias", qui s'est soldée par près de 5.000 emprisonnements, dont beaucoup d'entrepreneurs privés.

La chute d'un "prince rouge"

Sa chute l'an dernier, véritable coup de théâtre, avait été provoquée par la défection de son bras droit, le chef de la police de Chongqing, Wang Lijun. Brouillé avec son patron, ce "superpolicier" avait demandé, en vain, l'asile politique au consulat américain de Chengdu, la capitale du Sichuan.

Il avait alors révélé, entre autres, que l'homme d'affaires britannique avait été assassiné par la propre épouse de Bo Xilai, Gu Kailai. Cette brillante avocate, qui aurait agi pour des motifs financiers et pour "protéger" le fils du couple, a été condamnée l'an dernier à la perpétuité.

Pour Bo Xilai, c'était la fin. Populaire dans son fief de Chongqing et dans les secteurs nostalgiques du maoïsme, ce "prince rouge", fils d'une des figures de la révolution communiste, l'est moins dans les hautes sphères du régime: sa personnalité flamboyante et son populisme y sont perçus comme une menace pour une direction "collégiale" qui marche au consensus depuis la disparition de Deng Xiaoping en 1997, dernière figure historique du communisme chinois.

Bo Xilai fera une dernière apparition à l'assemblée en mars l'an dernier --il balaiera devant la presse les rumeurs de sa chute imminente-- avant de disparaître entre les mains de la police interne du PC chinois, détenu au secret.

Un choc immense

Mais le choc est tel au sein du parti et dans l'opinion que le congrès du PCC, qui doit renouveler en octobre toute la direction en place depuis 10 ans --Xi Jinping y succède à Hu Jintao-- en est retardé d'un mois. Il faudra attendre près d'un an pour que Bo Xilai, dépouillé entre temps de tous ses titres, fasse sa réapparition, cette fois devant ses juges en août dernier à Jinan.

Surprise, à la barre, Bo Xilai n'est pas l'humble "repenti" habituel des procès chinois. Il confirme son fort tempérament en tenant tête à ses juges et ses accusateurs, nie en bloc la quasi-totalité des faits de corruption reprochés, traite sa femme de "folle" et de "menteuse" --elle témoigne contre lui dans une vidéo-- et Wang Lijun, son ex-bras droit, de personnage "vil".

La sévérité du verdict de dimanche est aussi une sanction de ce comportement défiant, selon les analystes. Surprise encore, le procès s'éternise: cinq jours d'affilée, loin des 24 à 48 heures habituelles. En outre, la justice, toujours sous contrôle étroit du Parti, innove en "tweetant" les débats, suivis par des millions d'internautes. Depuis le début de l'affaire, la seule version disponible des faits est la version officielle.

On apprendra néanmoins de la bouche de Bo Xilai que le superpolicier Wang Lijun était épris de son épouse meurtrière. Ou que leur fils Bo Guagua, caricature de "jeunesse dorée" chinoise, menait grande vie à travers le monde. Le verdict de dimanche clôt le scandale, mais, pour l'image de la nomenklatura chinoise, déjà très dégradée dans l'opinion, les dégâts restent.

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