Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Témoignage de Cameron Bay, actrice porno séropositive : «On tourne sans préservatif»

Sida : l'actrice porno testée positive témoigne
Twitter/CAMS_FUNBOXXX

A part un sac à dos rempli de vêtements, Cameron Bay ne possédait rien quand elle a commencé à travailler comme escort-girl il y a un an, dans l'espoir de reconstruire sa vie. Il y a quelques mois, elle a fait sa première séance porno, une orgie de dix personnes. Neuf autres scènes plus tard, elle apprenait qu'elle avait le Sida, une nouvelle qui a mené à un moratoire dans l'industrie du porno. Il est difficile de dire où et quand elle a pu contracter la maladie.

Elle déclare que sur les scènes, aucun de ses partenaires sexuels masculins n'a jamais utilisé de préservatif. Une actrice l'avait même mise en garde: «N'en parle même pas, car il y en a d'autres qui attendent pour te remplacer.»

«J'ai appris qu'il y avait toujours quelqu'un de plus jeune et de plus sexy, prêt à faire ce que vous ne voulez pas faire. C'est un monde de requins», a expliqué Bay au HuffPost, lors d'une interview exclusive. «Je pense que nous devrions, du coup, avoir plus le choix. Mettre un préservatif devrait être un choix.»

En novembre dernier, les électeurs de Los Angeles ont fait passer une loi rendant obligatoire l'usage du préservatif dans le porno, et ce malgré une forte mobilisation de l'industrie contre cette mesure. Mais des gens qui travaillent dans ce milieu racontent que la nouvelle loi n'est pas appliquée.

Après avoir eu des relations sexuelles avec cinq hommes dans sa première scène porno, Bay a eu une infection rénale qui l'a rendue malade durant des semaines (voir photo). Elle a tourné toutes ces scènes à Los Angeles pour les magazines Hustler, Zero Tolerance et 21st Sextury. La seule scène qui n'a pas été shootée à LA était la dernière, tournée le 31 juillet pour Kink.com à San Francisco, où se trouve le siège de l'entreprise. C'est aussi la seule fois où elle a pratiqué le BDSM («Bondage, Discipline, Domination, Soumission, Sadomasochisme») et le sexe anal.

Pour ce dernier tournage, on a indiqué à Bay que les préservatifs étaient optionnels. Elle a répondu aux personnes sur place qu'elle laisserait le choix à son partenaire masculin. Bay a expliqué au HuffPost qu'elle ne pensait pas avoir besoin d'un préservatif parce que son partenaire avait été testé négatif aux MST. Kink.com a confirmé au HuffPost qu'un préservatif avait été proposé à Bay mais qu'il n'avait pas été utilisé.

Durant la scène, un acteur a frappé trop fort la jeune femme, la blessant gravement à la poitrine gauche. Kink.com a réglé les frais d'hôpitaux à travers son assurance accident de travail et le docteur de Bay lui a demandé de ne pas travailler durant deux semaines, le temps que sa poitrine guérisse. L'opération chirurgicale qu'elle devait faire pour ses seins, artificiellement grossis, a été reportée, et ce peut-être de façon permanente puisqu'elle a le Sida.

Kink.com nous a confirmé que les blessures des acteurs lors d'un tournage étaient couvertes par leur assurance accident du travail, mais la Direction des ressources humaines de l'entreprise n'a pas souhaité commenter la blessure de Bay.

Lors du même tournage, il y a un incident isolé où «les choses ont mal tourné», a déclaré Bay. «Disons qu'il y a eu un incident et qu'on aurait dû arrêter de filmer », explique-t-elle, refusant de donner les détails. «De mauvaises décisions ont été prises par certains d'entre nous.»

« Je débutais dans ce métier. Quand on m'a dit que je pouvais tourner en sécurité, j'ai dit : 'Ok,cool'. Je n'avais aucune idée de la réalité. Je n'ai pas compris. »

Quand Bay a appris qu'elle avait le Sida le 21 août, un moratoire a été décrété sur les tournages de porno à L.A.. Contrairement à sa blessure au sein, on ne peut relier de façon certaine sa contraction du virus à un tournage en particulier : du coup, la jeune femme doit payer seule son traitement très onéreux. Sans assurance maladie, elle n'est pas certaine de pouvoir se l'offrir. La plupart des acteurs porno n'ont pas d'assurance santé.

Les pilules dont elle a besoin pour ralentir la maladie -qui lui ont déjà causé des symptômes semblables à ceux de la grippe durant une semaine- coûtent 2000 dollars par mois. «Je dépense plus en traitement médicaux en une journée qu'en deux mois de loyer» a-t-elle indiqué. «Je m'étais constitué des économies pour vivre trois mois sans travailler, mais j'en ai déjà dépensé une bonne partie pour ce traitement.»

Quand elle a appelé une assurance santé pour savoir si elle pouvait y souscrire, une gestionnaire de cas lui a expliqué qu'elle ne pourrait pas être couverte durant deux ans. «Elle m'a dit que si je survivais deux ans, je ne représenterai plus un si gros risque et que je pourrais alors rappeler», explique Bay.

Qui plus est, maintenant qu'elle a été identifiée au niveau national comme le « patient zéro » ayant contracté le sida et conduit au moratoire sur le porno, Bay ne s'attend plus à retrouver du travail avec d'autres acteurs. Le monde du porno est si petit qu'elle a eu le sentiment de devoir rendre public son résultat positif au test VIH, raconte-t-elle. Désormais, pour joindre les deux bouts, elle projette de faire des films en solo via une webcam, depuis chez elle.

Le dernier test négatif de Bay au VIH a eu lieu le 26 juillet, ce qui lui permettait de tourner jusqu'au 26 août. Mais elle explique qu'elle a décidé de se faire tester plus tôt, le 19 août, parce qu'elle avait entendu qu'un acteur avec lequel elle avait travaillé avait l'hépatite C. C'est alors qu'elle a été stupéfaite d'apprendre qu'elle avait le sida.

« Heureusement que j'ai fait ce test pour l'hépatite C. Je devais tourner la semaine suivante. J'aurais pu contaminer mes partenaires sans le savoir. »

C'est à cause de cela que Bay estime que le système actuel ne fonctionne pas. Selon elle, au lieu d'être testés tous les 30 jours, les acteurs devraient l'être sur le plateau, avant chaque tournage. Autrement, explique-t-elle, un acteur peut contracter une MST après un test négatif, mais avoir encore 30 jours de tournage devant lui.

Six jours après que Bay ait été déclarée séropositive, la Free Speech Coalition (FSC, une association de défense de la pornographie) qui supervise une base de données des tests MST de tous les acteurs, a levé le moratoire, déclarant que tous ceux qui avaient travaillé avec Bay avaient été testés négatifs.

Une semaine après la levée du moratoire et la reprise des tournages porno, le petit ami de Bay, Rod Daily, un acteur de porno gay, a annoncé qu'il était également porteur du sida. Bay et Daily n'ont jamais tourné ensemble, mais sont officiellement amoureux depuis deux ans. Aucun d'eux ne peut être sûr de la façon dont il a contracté la maladie.

Deux jours après la déclaration de Daily, un troisième acteur a été testé positif, poussant la FSC à imposer de nouveau le moratoire. Le fait que deux acteurs aient été testés positif après que le moratoire ait été levé ont conduit certains, dont Bay, à dire que celui-ci aurait dû être maintenu plus longtemps.

Bay déclare espérer que plus d'acteurs de cette industrie s'informeront sur les risques qu'ils encourent, afin de prendre des décisions en toute connaissance de cause : « L'éducation est un pouvoir. J'ai plus lu ces dernières semaines que depuis mes années de lycée ».

Elle explique aussi que si elle avait fait ces recherches avant de tourner, elle aurait réclamé aux producteurs un préservatif à chaque fois et aurait quitté le plateau si cela lui avait été refusé : « Car au bout du compte, ce qui est en jeu, c'est votre sécurité. Et une feuille de papier indiquant que vous êtes apte à tourner ne veut absolument rien dire.»

Retrouvez les articles du HuffPost sur notre page Facebook.
Bonnie Rotten

Les stars du porno au naturel

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.