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Porno pour femmes: L'entrevue d'une réalisatrice de films XXX

Porno pour femmes: L'entrevue d'une réalisatrice de films XXX

Le porno n’est pas vraiment fait pour les femmes, c’est vrai. Mais cela ne signifie pas que les femmes n’aiment pas le porno – nous n’aimons simplement pas le porno classique qui infériorise souvent les femmes et les font passer pour de simples jouets avec lesquels s’amusent les hommes.

Une femme est en train d’essayer de changer la donne : Petra Joy, dont le film « A taste of joy » vient juste de remporter un « Porna award 2013 » décerné par Dusk !, la seule chaîne de télé porno destinée à un public féminin.

Nous avons profité de l’opportunité de l’interroger sur le féminisme, les femmes dans le porno et la raison pour laquelle elle était rentrée dans cette industrie.

Petra sur le tournage de son film A Taste Of Joy

Pourquoi pensez-vous que vos films sont populaires chez les femmes ?

Petra Joy: Je pense que c’est parce qu’ils rendent le porno agréable à regarder pour une femme – la femme est au centre de l’attention et j’emploie des amateurs plutôt que des acteurs. Certains sont amants dans la vraie vie et on y voit beaucoup l’homme – ses belles mains, son corps – qui donne du plaisir à la femme. Beaucoup d’entre nous aimeraient voir ça.

Le porno classique est-il sexiste ?

Petra Joy: Oui, la plupart des films sont faits par des hommes pour des hommes, donc quand les femmes disent qu’elles n’aiment pas ça, c’est parce que ces films ne montrent que très peu les hommes. Le fait que le porno devienne de plus en plus extrême est une tendance inquiétante de cette industrie – une fellation forcée est une mode inquiétante.

Beaucoup de ces films dégradent les femmes et nous devons changer ça. En tant que féministe, c’est important parce qu’on peut se demander pourquoi on laisserait aux mains des hommes toute une catégorie de films.

C’est aussi très inquiétant pour les adultes plus jeunes – je me sens responsable parce que je veux montrer de la diversité, des personnes qui traitent les autres avec respect, et qui respectent aussi les limites.

Nous avons besoin de films porno alternatifs. On est inondé par des images qui ne montrent rien de tout ça. La voie pour y parvenir est celle de l’éducation sexuelle et de l’imagerie – faire l’amour en se protégeant plus, montrer les baisers autant que les scènes de sexe.

Pourquoi n’employez-vous pas d’acteurs ?

Petra Joy: Jusqu’ici, je n’ai pas employé de star du porno car ce que les femmes n’aiment pas dans le porno classique est la léthargie qu’on lit dans les yeux, l’artifice. On a besoin de ressentir de l’authenticité dans ce qu’on voit pour l’apprécier. Si c’est votre travail à plein temps, vous risquez forcément de faire semblant.

Certes, il y a des stars du porno qui peuvent mettre de la passion dans leur travail, mais beaucoup font des choses dont elles n’ont pas envie et le public n’est pas idiot. Il se rend compte quand les gens s’ennuient, qu’ils ont mal ou qu’ils ne sont pas à l’aise.

C’est important pour moi que le sexe se développe sur le tournage. Mon travail ne doit pas être intrusif, il ne doit pas être contraignant. Je ne dis pas : « Coupez », je n’utilise pas un éclairage spécial et je ne vais pas m’approcher pour faire des gros plans. J’aime être surprise ; or, parfois, les gens dans mes films font des choses auxquelles je ne m’attendais pas, et ça, c’est excitant.

(La suite de l'entrevue ci-dessous)

Vous employez donc des véritables couples?

Petra Joy: J’ai souvent filmé des gens qui étaient amants, mais n’entretenaient pas forcément une relation suivie.

Ils partagent mon envie de retrouver la magie et la sensualité du sexe, de valoriser les femmes et de laisser les hommes faire l’expérience de ce que signifie être un objet de désir. Ces gens ne sont pas des exhibitionnistes qui se disent : « Bon sang, ça va être super excitant de faire l’amour devant une caméra ». Ils sont plutôt du genre à dire: « Je pense que ce que vous faites est super, est-ce que je peux participer ? »

Toutes les femmes dans le film sont des féministes engagées. Moi même je fais d’abord ces films pour servir la cause des femmes.

Il est temps désormais que des femmes s’emparent de la caméra, que ce soit pour filmer, produire ou écrire.

Comment en êtes-vous venue à faire ce métier ?

Petra Joy: Dans les années 80, alors que je faisais l’école de cinéma de Cologne, je suis entrée dans le mouvement anti-porno.

J’ai loué 70 films porno, je les ai regardés durant deux semaines et j’ai été très déçue. Je n’étais pas excité et les images étaient terrifiantes – les femmes se faisaient cracher dessus, gifler… C’était très misogyne.

L’un des films était presque un snuff movie, la pellicule était granuleuse, et des femmes s’y faisaient poursuivre dans une forêt ; elles étaient violées et les hommes les torturaient avec du fil barbelé.

J’ai donc décidé de faire mon premier film qui s’appelait ‘Smash The Chains’ (« Briser les chaînes »), j’avais une vingtaine d’années et j’étais féministe. J’ai ensuite fait des ateliers sur le porno – on étudiait la façon dont le langage et le montage de ces films dégradaient les femmes. J’ai ensuite tourné des documentaires sur le sexe pour la télévision.

Et puis j’ai lancé ma propre entreprise, Strawberry Seductress, qui proposait des séances de photos érotiques pour les femmes et les couples. Mes clients – des hommes dégoûtés du porno classique et des femmes qui souhaitaient trouver quelque chose pour elles – m’ont demandé quels types de films je pouvais leur recommander. Mais je ne savais pas vraiment ce qui aurait pu répondre aux attentes de ces femmes ou de ces couples qui regardaient les films ensemble.

J’avais mon propre matériel de réalisation et je me suis dit : « Pourquoi ne pas le faire moi-même ? » Mon premier film porno s’appelait ‘Sexual Suchi’ - je l’ai filmé en quelques semaines avec un couple d’amis. L’une de mes clientes a financé la production parce qu’elle soutenait l’idée derrière mon travail.

Comment l’industrie porno a réagi à ce film ?

Petra Joy: Elle l’a rejeté – ils ont dit : « On n’y voit pas d’éjaculation faciale, il n’y a pas de star ». Mais, contre toute attente, le film a marché. Les gens ne voulaient plus voir les mêmes trucs de mauvaise qualité, c’était nouveau. Voici comment tout a commencé.

En quoi le porno est-il différent pour les femmes que pour les hommes ?

Petra Joy: En réalité, ce que nous voulons est l’exact opposé de ce que veulent les hommes. La sexualité d’une femme hétéro est l’inverse de celle d’un homme hétéro – les femmes ont bien des choses en commun avec les hommes homosexuels – ce pourquoi elles regardent beaucoup de porno homosexuel.

Par exemple, l’une de mes marques de fabrique est de montrer un homme seul en train de se masturber devant des femmes qui le regardent – en tant que femme hétéro, j’ai envie de voir un homme se donner du plaisir.

Pour moi, l’objet du désir, c’est l’homme. Je filme le gars, ses muscles, ses fesses. Dans un porno classique, vous voyez son sexe et son dos, moi je veux le voir lui. Dans un porno classique, vous voyez deux hommes et une femme ; dans mon film, les femmes sont les héroïnes et je me concentre sur leur orgasme.

Est-ce que les choses sont en train de changer ?

Petra Joy: La révolution dans le porno est en marche, et elle est guidée par des femmes – on ne peut plus nous arrêter ! A travers le monde, de jeunes réalisatrices prennent les choses en main – aux Pays Bas et en Australie.

Je rêve qu’un jour, des femmes produisent plus que la moitié du porno, puisque nous constituons plus de la moitié de l’humanité.

Une seule réalisatrice a déjà remporté un Oscar, seulement 6 % des femmes à Hollywood sont réalisatrices. Les femmes doivent s’emparer d’une caméra et exprimer leur sexualité au monde. Ainsi nous aurons une vue d’ensemble équilibrée, autrement, on nous lave le cerveau.

Toute cette révolution en marche n’est pas motivée par des gains financiers. Quand on parle de porno, toutes ces mauvaises connotations ressortent – la coercition, la drogue – alors que la nouvelle approche est guidée par le choix et la liberté.

Quelles ont été les réactions ? N’y a-t-il pas des femmes qui détesteront toujours le porno ?

Petra Joy: Si vous ne voulez pas regarder du porno, pas de problème. Mais si vous le souhaitez, au moins maintenant il existe quelque chose pour les femmes. Beaucoup de femmes m’envoient des mails, du genre : "Grâce à vous, j’ai essayé l’amour à trois et maintenant je sais comment faire", ce que je trouve génial.

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