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Charte des valeurs québécoises: entre méfiance et acceptation

Charte des valeurs québécoises: entre méfiance et acceptation

Le Mouvement laïque québécois (MLQ) a salué le projet de charte des valeurs québécoises présenté mardi matin par le ministre des Institutions démocratique, Bernard Drainville, alors que d'autres, comme la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) et la Fédération des femmes du Québec (FFQ), se sont montrés plus sceptiques.

La présidente du MLQ, Lucie Jobin, s'est réjouie que la laïcité va « enfin être inscrite dans la charte des droits et libertés de la personne ». La charte va en outre baliser les différentes demandes d'accommodements, ce qui « va permettre aux gens de savoir ce qui est recevable ou non recevable », a-t-elle affirmé à Radio-Canada.

Mme Jobin dénonce toutefois la politique de « deux poids deux mesures » du gouvernement péquiste, qui refuse toujours de retirer le crucifix de l'Assemblée nationale « au nom de l'Histoire ». « On trouve que c'est plus ou moins logique », souligne la présidente du MLQ.

Le président de la FAE a également soulevé un certain nombre de ce qu'il qualifie « d'incohérences ». « Toute la question de l'octroi de dérogation, qui ferait en sorte que certains employés de l'État porteraient sur leurs épaules la laïcité, alors que d'autres employés municipaux ou d'universités ou d'hôpitaux pourraient par un vote d'un conseil d'administration être dispensés de ces obligations. C'est pour tout le monde ou pour personne », a dénoncé Sylvain Malette.

Ce dernier craint également « des dérapages » dans l'encadrement du port des signes religieux « facilement visibles ». « Qu'est-ce qui est ostentatoire? On semble s'appuyer sur le jugement individuel », déplore M. Malette.

Le Québec fragmenté juridiquement

Même son de cloche provenant du coprésident de la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements religieux en 2007-2008, Charles Taylor. Il estime que le gouvernement du Québec ratisse trop large dans sa définition de la neutralité de l'État.

Le sociologue Gérard Bouchard dénonce le « droit de retrait » auquel aurait droit le personnel des cégeps, des universités, des établissements de santé et les municipalités, qui va selon lui « entraîner la fragmentation juridique du Québec ».

« Ça me paraît inacceptable du point de vue du droit », a-t-il affirmé à Radio-Canada, ajoutant que « ça va donner un feu vert aux municipalités et aux institutions pour se libérer de la loi ».

Le président du Conseil musulman de Montréal, Salam Elmenyawi, s'est dit déçu et choqué par cette charte qui, selon lui, n'est rien d'autre qu'une loi permettant au gouvernement d'exercer une discrimination contre des minorités dont il est responsable.

Selon l'organisation juive B'nai Brith Canada, le projet de charte « brime le droit à l'expression religieuse des minorités ». « Voilà une des décisions les plus inconstitutionnelles que peut prendre un gouvernement. La notion même que c'est l'État qui décidera ce qui constitue un signe religieux visible et ostentatoire est tout simplement aberrante », soutient Allan Adel, président national de la Ligue des droits de la personne de B'nai Brith Canada. « Quelle surprise que le parti de René Lévesque, qui était très à l'écoute des minorités québécoises, décide de suivre un chemin aussi inéquitable », ajoute l'organisation juive, qui se dit « rassurée de constater que le gouvernement fédéral a laissé entendre qu'il était prêt à contester la constitutionnalité de la charte ».

La Fédération des femmes estime que le gouvernement Marois a choisi la mauvaise cible avec cette interdiction du port de signes religieux visibles dans la fonction publique. Cette mesure punira les femmes qui portent le hijab simplement parce qu'elles sont croyantes, alors que les taux de chômage sont très élevés chez les femmes d'origine maghrébine, souligne la présidente de la FFQ, Alexa Conradi.

La présidente de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Louise Chabot, se montre prudente sur la question d'interdire le port de signes religieux ostentatoires dans l'appareil étatique et préfère consulter ses membres avant de se prononcer.

Tout en appelant à un débat serein, Mgr Pierre-André Fournier, président de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec (AECQ), réitère sa position pour une laïcité applicable « à des institutions, et non à la société dans son ensemble ».

En entrevue sur les ondes de RDI, le conseiller municipal d'Hérouxville André Drouin, à l'origine d'un controversé « code de vie » qui interdit notamment la lapidation, s'est dit « extrêmement heureux ». « Ça fait sept ans que j'attends après ça d'un parti politique », dit-il, ajoutant que le Québec ne fait que suivre l'exemple de plusieurs pays européens en posant des balises.

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