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Charte des valeurs québécoises : Drainville reste muet sur les libertés individuelles

Charte des valeurs québécoises : Drainville reste muet sur les libertés individuelles
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Le ministre québécois des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, Bernard Drainville, refuse de confirmer que la charte des valeurs québécoises que prépare le gouvernement péquiste de Pauline Marois interdira aux employés de l'État de porter des symboles religieux comme le crucifix, le hijab ou la kippa au travail, comme l'a révélé cette semaine l'agence QMI.

À l'arrivée au Conseil des ministres, jeudi matin, le ministre Drainville s'est borné à dire que son gouvernement entend baliser les demandes d'accommodements raisonnables présentées sur des bases religieuses et réaffirmer certaines valeurs, dont la neutralité de l'État et l'égalité entre les hommes et les femmes.

« On ne va pas commenter le contenu des orientations avant qu'elles ne soient dévoilées. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nos orientations vont respecter les engagements que nous avons pris », a déclaré le ministre Drainville.

« Essentiellement, ce que nous allons déposer, c'est deux choses : on va proposer d'encadrer les demandes d'accommodements religieux par des règles claires et on va assurer également la neutralité religieuse de l'État, parce que c'est une condition d'égalité. »

Bernard Drainville a assuré que le gouvernement entend déposer des « propositions très équilibrées », qui traduiront, selon lui, « un heureux équilibre entre le respect des droits de la personne et le respect des valeurs communes des Québécois ».

Le ministre soutient que des divisions qu'il a constatées ces dernières années au sein de la société québécoise « sont causées en bonne partie par l'absence de règles », d'où la nécessité d'en proposer.

M. Drainville n'a pas voulu commenter directement les propos du philosophe Charles Taylor, ex-coprésident de la commission Bouchard-Taylor, selon lequel certaines propositions pourraient évoquer la Russie de Vladimir Poutine.

« Dans ce débat-là, le ton va être aussi important que le fond. Je pense qu'il faut faire ce débat-là dans le respect des uns et des autres. M. Taylor a droit à son opinion, ça va de soi. [...] Je pense qu'on est capable d'avoir un débat mature, serein », a-t-il plaidé.

« On va déposer des orientations, on va en discuter, entre Québécois, et ensuite, il y a un projet de loi qui va être déposé à l'automne », a encore dit M. Drainville, lorsqu'on lui a demandé s'il était prêt à mettre de l'eau dans son vin pour obtenir l'appui de la Coalition avenir Québec.

« À ce moment-là, les discussions avec les autres partis politiques vont commencer. Nous, évidemment, ce qu'on va souhaiter, c'est aller chercher le plus large consensus possible, d'abord au sein de la population québécoise, ensuite au sein du Parlement, de la classe politique », a-t-il ajouté.

La première ministre du Québec, Pauline Marois, a refusé de faire le moindre commentaire au sujet de la charte des valeurs québécoises. « On va attendre que le projet soit déposé avant de le commenter, » a-t-elle laissé tomber avant de poursuivre son chemin.

Le Québec se fera traiter de tous les noms, prédit Lisée

Le ministre des Relations internationales et ministre responsable de Montréal, Jean-François Lisée, a pour sa part tracé un parallèle entre la charte des valeurs québécoises à venir et le débat entourant l'adoption de la loi 101. Il admet que le Parti québécois risque d'être cloué au pilori pour ses propositions.

« Le Parti québécois, en 1976-77, a pour la première fois eu du leadership pour un gouvernement du Québec sur la question de la langue, et depuis, tout le monde trouve, malgré les débats difficiles de l'époque, que ça a été une bonne chose », a-t-il souligné.

« Si M. Lévesque et M. Laurin avaient dit : "Ça me dérange...", il n'y en aurait pas eu, de loi 101. Alors, nous, on va faire preuve de leadership, on va traverser la tempête, on va offrir quelque chose aux Québécois d'équilibré, qui est innovateur, mais qui va, dans quelques années, faire consensus. »

M. Lisée n'a cependant pas manqué de critiquer les commentaires de Justin Trudeau. Au terme d'une rencontre avec la première ministre Pauline Marois, mercredi, le chef du Parti libéral du Canada a soutenu que la démarche du gouvernement traduisait un réflexe « défensif »en rupture avec le Québec moderne. « Ce n'est pas à notre image et ce n'est pas à notre honneur d'avoir un gouvernement qui nous représente mal dans notre générosité et dans notre ouverture en tant que peuple », a-t-il déclaré.

« Il y a une forme d'intolérance à dire que la seule réponse possible à l'arrimage entre la norme religieuse et la norme civile c'est ce que dit la Charte canadienne, et que rien d'autre, dans le monde, en Europe, n'est acceptable », a ajouté Jean-François Lisée.

« Bien sûr, il n'y aura jamais d'unanimité là-dessus », a convenu le ministre. « Mais l'important, c'est de faire preuve de leadership. »

Le gouvernement fera preuve de leadership, dit Duchesne

Le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, Pierre Duchesne, n'a pas donné plus de détails que Bernard Drainville sur les propositions que compte présenter le Parti québécois. Il a par exemple refusé de dire si le gouvernement entendait demander à des enseignantes de retirer leur voile islamique pour enseigner dans les écoles publiques.

« Vous me donnez des éléments qui peuvent être des précisions, des éléments constitutifs à un projet de loi qui n'est pas encore déposé, moi je vais laisser à mon collègue Bernard Drainville le soin de déposer les choses, si elles doivent être déposées, et de vous les expliquer en détail », a-t-il répondu.

Interrogé à son tour sur les nombreuses déclarations publiques de Charles Taylor, M. Duchesne a répondu : « Il faut que les intellectuels nous aident à ouvrir le débat, à libérer le discours, pas à l'enfermer dans des qualificatifs qui nous empêcheraient d'aller plus loin. On est dans un débat large, respectueux, je demande aux intellectuels de nous permettre et de nous éclairer à cet égard ».

Pas de surprise pour les immigrants, assure Diane de Courcy

La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Diane de Courcy, a pour sa part plaidé que les valeurs communes qu'entend définir le gouvernement ne constitueront pas une surprise pour les nouveaux arrivants.

« L'ensemble des personnes immigrantes au Québec, quand elles ont reçu leur certificat de sélection du Québec, signent une déclaration sur les valeurs communes. Alors elles ne seront pas étonnées. Et dans cette déclaration-là, on fait une série de valeurs. [...] Là-dessus, on va parler de l'égalité entre les hommes et les femmes, la société de droit, etc. », a-t-elle commenté.

Cette déclaration commune spécifie en effet que « l'État québécois et ses institutions sont laïques », et que « leurs décisions et leurs actions sont indépendantes des pouvoirs religieux. » Elle stipule cependant également que tous « peuvent choisir librement leur religion » et qu'il est « interdit de faire de la discrimination entre les personnes sur la base des motifs indiqués dans la Charte des droits et libertés de la personne », ce qui inclut la religion

« En somme, les Québécoises et les Québécois attachent beaucoup d'importance au maintien d'un climat favorisant la liberté d'expression, le droit à l'égalité entre les personnes et le respect des différences. Ces valeurs et les lois de la société québécoise font consensus et assurent à chaque personne le droit, entre autres, de s'exprimer et de choisir librement son style de vie, ses opinions et sa religion », peut-on aussi lire dans cette déclaration.

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