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«Jobs», le film: Steve Wozniak, le vrai génie d'Apple c'est lui

Le vrai génie d'Apple, c'est lui
PulpPlayground.com

APPLE - Et si les scénaristes du film Jobs, qui sort ce mercredi, s'étaient trompés sur la marchandise? Et si le vrai génie de l'aventure Apple n'était pas le bon Steve? Oui, Wozniak, au lieu de Jobs. Le truculent ingénieur, co-fondateur de la pomme, profite d'une belle exposition dans le film de Joshua Stern. Les non-initiés y découvriront un personnage haut en couleur, seul vrai cerveau à l'origine des premiers micro-ordinateurs.

La bande-annonce du film:

Le film ne se fourvoie guère, en soulignant que Steve Jobs avait bel et bien une vision globale des attentes du public. Le PDG d'Apple, décédé en octobre 2011, a su développer des concepts novateurs mais avait surtout le don inné pour les vendre. Steve Wozniak, dit "Woz", c'est le génie caché, le savant un peu fou, aux maladresses souvent attendrissantes. "Woz était très brillant, mais émotionnellement, c'était un vrai gamin", dira Jobs dans sa biographie autorisée.

Rarement avare en commentaires sur son ancienne entreprise (dont il percevrait encore 120 000 dollars par an), on ne compte plus ses sorties dans la presse technologique."l'iPhone en retard sur la concurrence" (2013), "Android meilleur qu'iOS" (2012), "J'ai grandi avec des valeurs prônant l'ouverture et le partage de technologies, quelque chose s'est refermé? " (2012), "Avant d'être racheté par Apple, Siri était un outil incroyable, aujourd'hui c'est une bouse" (2012).

Steve Wozniak, c'est un peu l'oncle déluré que l'on n'ose plus inviter aux repas de famille. Pour preuve, il n'a jamais été associé à l'entreprise depuis le retour de Jobs chez Apple en 1997. Pas sûr que des milliers de pèlerins viennent allumer une bougie au siège de Cupertino le jour où il s'éteindra...

Les deux Steve, un miroir sur la schizophrénie d'Apple

La relation entre les deux hommes n'a jamais été évidente, surtout les quelques années ayant précédées la mort de Jobs. Ce dernier aurait même refusé de signer la préface de l'autobiographie de son "ami" (iWoz, 2006). Deux talents, deux caractères, qui ont conduit à développer une certaine schizophrénie chez Apple. L'entreprise s'est toujours autoproclamée révolutionnaire, tout en tissant des liens étroits avec les conglomérats des télécommunications et du divertissement (AT&T, Disney, majors musicales...)

(Wozniak et Jobs, en 1976)

Cette contradiction revient à prendre la machine à remonter dans le temps, en nous ramenant dans le garage de la famille Jobs. Là où un jeune binoclard et chevelu du nom de Steve Wozniak bidouille des circuits imprimés, avec le garçon de la maison. Les deux acolytes se sont rencontrés en 1971 et partagent la même passion pour l'électronique et Bob Dylan. Leur premier "coup" est la "blue blox", que Jobs a longtemps évoqué pour cultiver son anticonformisme. Cette petite machine servait à pirater le réseau téléphonique longue distance, capable d'appeler gratuitement.

L'histoire est volontiers simplificatrice, puisque c'est Wozniak qui a réellement conçu la petite boîte bleue. Jobs a simplement tenté de la vendre. C'est aussi lui qui a imaginé l'Apple I, l'un des tous premiers micro-ordinateurs de l'histoire, mais aussi l'Apple II (1977), première machine de ce type à se vendre en masse. L'Apple II est certainement l'une des plus grandes inventions du XXème siècle.

"Voilà ce qui m'agaçait. Personne n'a jamais compris que c'est moi seul qui ai conçu et fabriqué les premiers ordinateurs Apple", clame-t-il dans son autobiographie. Co-associés dans la réussite des débuts, Wozniak et Jobs ont chacun apporté leur pierre à l'édifice, mais de façon radicalement différente.

Sans Wozniak, Jobs n'aurait rien eu à vendre

Jobs c'est celui qui décroche les contrats, un poste fondamental, celui qui fait entrer les ordinateurs dans les foyers. Mais que serait le talent de Steve Jobs, s'il n'avait rien eu à vendre? Wozniak est le vrai génie, dont les inventions ont changé le monde. De multiples anecdotes viennent jalonner l'histoire des deux informaticiens, parfois avec quelques coups bas.

Alors employé d'Atari, Jobs demande à son ami de concevoir le circuit électronique de la borne d'arcade "Breakout". Ils s'entendent sur un partage des gains, alors estimés à 700 dollars au total. Wozniak apprendra des années plus tard que la prime était en réalité de 5000 dollars, ce qui acheva de dégrader leur relation. "Il ne faut jamais garder rancune. C'est la meilleure façon de vivre heureux", dira-t-il plus tard dans iWoz.

Mais Wozniak n'a pas toujours été le dindon de la farce. Lorsqu'il laisse éclater sa colère lors de la conception de l'Apple II, "Woz" menace d'aller construire "son propre ordinateur". Pas fou, Jobs accède à ses souhaits: l'ordinateur sera bien équipé de 8 emplacements pour la mémoire, et non 2, comme le souhaitait le grand manitou. Mais ce sera la dernière fois: Jobs n'en a fait qu'à sa tête sur le Mac, fermant la machine et laissant moins de latitude à l'utilisateur.

Enfin, pour déposer la marque Apple en 1976, les deux hommes ont consenti chacun à vendre un "bijou de famille". Jobs cède alors son Combi Volkswagen, quand Wozniak vend avec regret sa calculatrice ultra-moderne HP pour 1300 dollars. Cherchez le vrai ingénieur...

Danse avec Wozniak

Après un malheureux accident d'avion en 1981 et des semaines d'amnésie, Wozniak s'est peu à peu retiré d'Apple. Quand il revint, ce ne fut que pour demander un simple poste d'ingénieur. Il quitta officiellement l'entreprise en 1987, soit quelques mois après que Jobs eut été éjecté au terme d'une guerre des chefs. Il a parrainé plusieurs festivals de rock au début 1980, avant de retourner à l'université pour passer ses diplômes d'informatique. C'est sous le pseudonyme de "Rocky Raccoon" (ndlr: combinaison du nom de son chien et de celui de sa femme) qu'il a passé ses examens.

Sa fortune est aujourd'hui inconnue, même s'il reste actionnaire (largement minoritaire) d'Apple. Il distille volontiers sa parole et se plait à commenter les tendances de l'informatique. Il s'est publiquement déclaré franc-maçon (Grande loge de Colombie-Britannique), même s'il ne partage pas toutes les croyances. On le connaît grand amateur du jeu "Tetris": il a soumis tellement de records au magazine Nintendo Power, qu'il a cessé d'être publié. Pour tromper les éditeurs, il a recommencé à renvoyer ses scores en alphabet inversé: "Evets Kainzow".

S'il a récemment critiqué le film avec Ashton Kutcher, il participe néanmoins à l'écriture d'un autre biopic consacré à Steve Jobs. Ce film devrait avoir des allures plus "hollywoodiennes", avec Aaron Sorkin au scénario, déjà auteur de "The Social Network". Alors, Steve Wozniak, grand incompris ou subite envie de retour à la lumière? Il faut dire que sa participation à la version américaine de "Danse avec les stars" en 2009 a fait des émules...

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