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L'état d'urgence déclaré pour un mois en Égypte (EN DIRECT/VIDÉO/PHOTOS)

L'état d'urgence déclaré pour un mois en Égypte

EN DIRECT - Des affrontements entre partisans du président renversé Mohamed Morsi et les forces de l'ordre égyptiennes ont fait 278 morts, dont 43 policiers, et plus de 1400 blessés dans le pays, selon un dernier bilan fourni par le ministère de la Santé.

Les violences ont éclaté après que les autorités ont entrepris d'évacuer les places Rabia Al-Adawiya et Nahda, au Caire, où campaient des partisans du président Morsi depuis le coup d'état du 3 juillet. Les autorités affirment maintenant avoir repris les deux places.

Quelques heures après le début de l'intervention, le président égyptien Adli Mansour a décrété l'état d'urgence pour un mois dans le pays. Selon le communiqué de la présidence, il « a donné pour mission aux forces armées, en coopération avec la police, de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir la sécurité et l'ordre ainsi que pour protéger les biens publics et privés et les vies des citoyens ».

Devant la tournure des évènements, le vice-président Mohamed ElBaradei a remis sa démission. Le Prix Nobel de la paix, qui jouit d'un certain prestige dans les chancelleries occidentales, et qui agissait comme une caution pour les nouveaux maîtres du pays, a expliqué son geste en affirmant qu'il lui était difficile « de continuer à assumer la responsabilité de décisions avec lesquelles [ il ] n'est pas d'accord ». Mohamed ElBaradei croit qu'il était possible de mettre fin à la crise politique sans effusion de sang.

Les affrontements de mercredi ne se déroulent pas qu'au Caire. Le ministère de la Santé a rapporté 41 morts dans la province de Minya, et 35 autres dans la province du Fayoum, situées toutes deux au sud du Caire. Un responsable du même ministère a évoqué 10 morts à Alexandrie, deuxième ville du pays. Une source médicale de Reuters a aussi affirmé que cinq personnes avaient été tuées à Suez.

Un couvre-feu a été d'ailleurs décrété pour Le Caire et les provinces de Guizeh, d'Alexandrie, de Beni Sueif, de Minya, d'Assiout, de Sohag, de Beheira, du Nord et du Sud-Sinaï, Suez et Ismailia. Il sera en vigueur de 19 h à 6 h « jusqu'à nouvel ordre », a déclaré un porte-parole du gouvernement.

Plus tôt dans la journée, l'Agence France-Presse a rapporté qu'un de ses journalistes avait dénombré 124 cadavres, tous des hommes, dans une morgue de fortune installé près de la place Rabia Al-Awadiya, principal lieu de rassemblement des partisans de Mohamed Morsi. La plupart des victimes portaient des marques de blessures par balles à la tête et à la poitrine, selon ce qu'a déclaré une infirmière travaillant dans un hôpital du Caire a déclaré à Reuters.

Le ministère égyptien de l'Intérieur soutient que 43 policiers ont perdu la vie dans tout le pays mercredi.

De son côté, la confrérie des Frères musulmans, dont est issu Mohamed Morsi, estime plutôt le bilan à 2200 morts et 10 000 blessés parmi les manifestants. Ce nombre est toutefois impossible à vérifier de sources indépendantes.

Place Rabia Al-Awadiya, les forces de l'ordre ont utilisé de la machinerie lourde pour enfoncer les barrières de fortune faites de pavés et de sacs de sable. Du gaz a été utilisé pour déloger les manifestants et des témoins rapportent que leurs tentes ont été incendiées. Des hélicoptères de la police survolaient la capitale lors de l'intervention.

La télévision égyptienne a montré, en direct, des images d'hommes menottés, assis sur le sol, et des familles qui portaient des sacs, escortées hors des sites.

« Ça a commencé vers 7 h 15. Ils ont d'abord tiré des gaz lacrymogènes pendant une demi-heure, une salve après l'autre, mais nous sommes restés là », raconte un mmanifestant Mohamed Ali. « Ensuite, ils ont commencé à tirer à nos pieds et je me suis retrouvé seul, j'ai perdu mes amis. »

« Les tirs venaient de partout, de la police au sol, des hélicoptères de l'armée et des snipers sur les toits », soutient un autre protestataire, Achour Abead. « Beaucoup d'enfants et de femmes ont été tués. »

« Notre sang a-t-il aussi peu de valeur? Maintenant, nous appelons au djihad. Dieu obtiendra sa vengeance sur ces bouchers. Les rues sont pleines de sang », a dit Majdi Issam, un jeune partisan des Frères musulmans qui avait les cheveux éclaboussés de sang.

« Ce n'est pas une tentative de dispersion, mais une tentative d'écraser, d'une façon sanglante, toute voix opposée au coup d'État militaire. »

— Gehad El-Haddad, porte-parole des Frères musulmans, sur Twitte

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Les Frères musulmans ont appelé les Égyptiens à descendre dans la rue pour montrer, une fois de plus, leur colère. Des partisans de la confrérie ont effectivement tenté de bloquer de grands axes routiers de la capitale, pour tenter de paralyser le pays.

Le gouvernement égyptien a annoncé que le trafic ferroviaire au départ et à destination du Caire était interrompu pour éviter que des partisans de Mohamed Morsi se rendent au Caire, et renforcent ainsi les rangs des contestataires.

Selon l'Agence France-Presse, au moins quatre églises de la communauté copte, les chrétiens d'Égypte, ont été incendiés, notamment dans les provinces d'el-Menia et de Sohag (centre). Des militants coptes accusent les partisans de M. Morsi de mener « une guerre de représailles » aux chrétiens. Le patriarche des coptes avait approuvé le coup d'État du 3 juillet.

Le ministre de l'Intérieur a de son côté nié que que deux dirigeants des Frères musulmans, Essam El-Erian et Mohamed El-Beltagi, ont été arrêtés. M. El-Beltagi avait lui-même nié son arrestation quelques heures plus tôt. Il a cependant confirmé que sa fille de 17 ans avait été tuée place Rabia al-Adawiya, après avoir reçu une balle dans la poitrine et une dans le dos.

Réprobations internationales

Le secrétaire d'État américain John Kerry a jugé que les évènements de mercredi étaient « lamentables » et constituaient « un grave coup porté à la réconciliation et aux espoirs du peuple égyptien pour une transition démocratique ».

« La responsabilité revient au gouvernement intérimaire et l'armée, qui à eux deux ont l'ascendant dans ce conflit, d'empêcher davantage de violence et de proposer des options constructives parmi lesquelles le remaniement de la Constitution et l'organisation d'élections législatives et présidentielle », a-t-il déclaré lors d'une intervention surprise au cours du point presse quotidien du département d'État.

M. Kerry n'a rien au sujet de l'assistance militaire annuelle de 1,3 milliard de dollars que les Américains versent à l'armée égyptienne. Le département d'État se borne a répéter que cette aide fait toujours l'objet d'une révision.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, condamne pour sa part « dans les termes les plus fermes les violences qui se sont produites au Caire quand les services de sécurité égyptiens ont utilisé la force » contre les manifestants, a indiqué mercredi son porte-parole. Il « déplore que les autorités égyptiennes aient choisi d'utiliser la force pour répondre aux manifestations ».

L'Union européenne a jugé « extrêmement préoccupants » les récents développements en Égypte. « Nous réaffirmons que la violence ne mènera à aucune solution et nous exhortons les autorités égyptiennes à procéder avec la plus grande retenue », a déclaré Michael Mann, le porte-parole de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton.

Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a pour sa part condamné « avec la plus grande fermeté les violences sanglantes intervenues en Egypte » et a demandé « un arrêt immédiat de la répression », Il dit avoir saisi le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon et les principaux partenaires de la France « pour qu'en urgence une position internationale soit prise en ce sens ».

Le chef de la diplomatie canadienne, John Baird,se dit profondément inquiet et appelle les deux parties à la réconciliation. Il exhorte les autorités égyptiennes à instaurer une démocratie transparente pour atténuer les tensions.

Le Royaume-Uni, la Suède, l'Italie, le Qatar et l'Iran ont également condamné l'utilisation de la force pour disperser les manifestants.

La Turquie a exhorté la communauté internationale à faire immédiatement cesser le « massacre » en Égypte.

Des semaines de confrontation

Cette opération intervient après l'échec de la diplomatie internationale qui a déployé beaucoup d'efforts pour tenter d'éviter un bain de sang.

Depuis des semaines, des milliers de partisans de Mohamed Morsi campaient dans ces deux endroits pour protester contre la destitution par l'armée, le 3 juillet, du président islamiste, le premier chef d'État librement élu dans l'histoire de l'Égypte.

Ses partisans étaient retranchés derrière des barricades, avec femmes et enfants. Les Frères musulmans ont toujours répété que ces rassemblements étaient pacifiques. Toutefois, le gouvernement les accusait d'être des « terroristes » et de stocker des armes sur les campements.

Des photos prises ce matin montrent que certains pro-Morsi étaient effectivement armés.

Les manifestations au Caire

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