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Fusion Publicis-Omnicom: Fusion Publicis-Omnicom : Entrevue de Maurice Lévy au HuffPost

Fusion Publicis-Omnicom : Entrevue de Maurice Lévy
AFP

L'opération a été préparée dans le plus grand secret pendant six mois. Dimanche 28 juillet, Maurice Lévy, à la tête du groupe français Publicis, numéro trois mondial de la publicité, et John Wren, son homologue du groupe américain Omnicom, numéro deux du secteur, ont dévoilé à Paris un projet d'union qui doit propulser au 1er rang le bien nommé Publicis Omnicom Group.

Le nouveau groupe, dont le capital sera partagé à 50/50 entre les actionnaires des deux sociétés, sera coté sur les bourses de Paris et New York, et codirigé par les deux hommes. Au milieu de l'année 2016, le premier passera cependant les rênes au second, et se contentera d'un rôle de président non exécutif.

Ensemble, les deux groupes représentent un géant de 130.000 employés et une valeur boursière combinée d'environ 26,5 milliards d'euros, leur permettant de passer loin devant l'actuel numéro un mondial du secteur, le britannique WPP.

Problèmes de concurrence, conflits entre clients, impact social, fiscalité... cette fusion surprise a soulevé de nombreuses questions et autant d'inquiétudes. En bon communiquant, Maurice Lévy le sait et tente de rassurer marchés financiers et responsables politiques. Son équipe à contacté Le Huffington Post pour organiser cette interview.

L'opération est conditionnée aux autorisations des autorités de la concurrence, la fusion peut-elle encore échouer ?

Non. Nos avocats ont analysé la situation de manière très sérieuse et quand on regarde les chiffres que publient les grands groupes, cela devrait aller. Je m'attends à ce que la concurrence nous mette des bâtons dans les roues et je serais déçu qu'elle ne le fasse pas. Nos concurrents inondent les analystes, les clients, les journalistes. Mais si vous regardez notre cours de bourse, vous verrez qu'il se porte bien, le marché y croit.

L'opération sera-t-elle bouclée fin 2013 ?

Plus probablement en début d'année prochaine.

Pourquoi avoir installé le siège social du nouveau groupe aux Pays-Bas ?

Nous ne pouvions en aucun cas donner l'impression aux clients et aux collaborateurs qu'un des deux groupes absorbait l'autre. Nous avons donc décidé de nous installer dans un pays d'Europe proche de nos racines communes.

Énormément d'entreprises européennes ont leur siège aux Pays-Bas et réalisent leurs opérations dans leurs pays respectifs. EADS a aussi son siège aux Pays-Bas, comme STMicroelectronics ou l'alliance Renault-Nissan… Les Pays-Bas sont un pays neutre; en d'autres temps on aurait peut-être choisi la Suisse ou la Belgique mais aujourd'hui on ne peut plus car l'effet d'image est très négatif.

Nous facturons et payons l'impôt dans les pays dans lesquels nous menons nos activités. Nous conserverons nos activités opérationnelles en France et continuerons d'y payer des impôts. Il ne faut ni comparer, ni fantasmer.

Pierre Moscovici a indiqué qu'il sera "vigilant" quant au respect de vos engagements pris envers la France.

Il y a ce qu'on lit dans la presse et il y a la conversation que j'ai eue avec Pierre Moscovici. Il m'a adressé un soutien très clair. Il m'a bien sûr demandé ce que cela allait provoquer pour l'emploi au sein du groupe. Je l'ai rassuré en lui disant que nous n'envisagions pas de restructuration ou de sortir des activités du territoire français.

Bien au contraire, les opérations que nous avons réalisées dans le passé ont développé un certain nombre d'emplois dans le pays. Et nous espérons que le rapprochement avec Omnicom avec l'enrichissement de l'offre que nous proposerons à nos clients permettra de développer encore nos opérations françaises. Nous sommes conscients de la situation de l’emploi en France et aimons notre pays. Notre engagement a été sans faille à ce jour.

Par ailleurs, nous aurons un conseil d'administration à 50/50 et les décisions seront prises à la majorité des deux tiers. Ne commençons pas à spéculer.

La CGT évoque une fusion déraisonnable et de futurs "plans sociaux", des "recours abusif aux ruptures conventionnelles", et des "externalisations".

La CGT est peu représentative à Publicis. Elle a essayé un certain nombre de manifestations; elle a réussi à réunir environ 25 personnes sur un groupe de plus de 5000 collaborateurs en France. Les propositions et les remarques de la CGT sont très approximatives, je le regrette. J’aimerais tant qu’elle s’engage dans un dialogue réaliste et constructif.

Vous détenez le contrat pour Coca-Cola, Omnicom celui pour Pepsi. Selon Bank of America, "la fusion pourrait poser des problèmes de conflits entre clients"

C'est une question soulevée par la concurrence. Chez WPP par exemple, ils gèrent dans le même groupe Colgate-Palmolive, Unilever, Procter&Gamble, Kimberly-Clark et une partie de Estée Lauder (des multinationales qui produisent toutes des produits de grande consommation destinés à l'hygiène, ndlr). Mais le fait de gérer des clients qui sont sur le même segment fait partie de la vie de nos agences. Bien sûr, qu'il y ait des conflits n'est pas une révélation mais il nous appartient d'y apporter des solutions et nous y travaillons.

Vous avez mené l'internationalisation du groupe Publicis dans les années 90, que représente cette nouvelle étape ?

Marcel Bleustein-Blanchet a fait les premières étapes sur l'Europe dans les années 70. J'ai été nommé président du directoire en novembre 1987. À ce moment là on faisait environ 70% de notre chiffre en France et les 30% restants en Europe. Je me suis alors engagé à développer Publicis pour faire face à la mondialisation et rentrer en compétition avec les grands groupes mondiaux, des Américains pour la plupart.

Depuis, le développement des pays émergents et leurs croissances effrénées ont radicalement transformé le marché, davantage mondialisé et complexifié. La Chine est devenue le troisième marché mondial derrière les États-Unis et le Japon, alors qu'il n'y avait absolument aucune publicité dans les années 80. La première fois que j'y suis allé, les seules publicités que j'ai pu voir étaient de la propagande d'État. Le Brésil était le vingtième marché mondial à l'époque, c'est aujourd'hui le sixième. Plus encore, le développement d'Internet et de la communication numérique a bouleversé la vie des gens et les modèles économiques. Ceux des médias comme ceux des agences de publicité.

Ces bouleversements ont donné naissance à de grands groupes extrêmement puissants. C'est pour cela que nous menons aujourd'hui cette action de regroupement. En réunissant les forces d'Omnicom et de Publicis nous créons un ensemble d'une grande richesse capable d'investir dans les nouvelles technologies et leurs talents. Il ne s’agit en aucune façon d’une hostilité à l’égard de ces grands groupes avec lesquels nous entretenons des relations d’amitié et de partenariat.

En septembre 2002, nous avions fait une acquisition qui nous permettait quasiment de doubler de taille (BCom3 pour 3,42 milliards d'euros, opération doublée d'un "accord stratégique" avec Dentsu, le premier publicitaire japonais, détenteur de 15% du capital du nouveau groupe, ndlr). C'était une acquisition difficile, mais nous n'avions pas tout à fait la même expérience, pas tout à fait les mêmes moyens qu'aujourd'hui et l’avions remarquablement bien intégrée.

Publicis est un groupe davantage centralisé que Omnicom, les cultures d'entreprise des deux groupes ne sont-elles pas trop éloignées ?

Il y a les valeurs et il y a la culture d'entreprise. Sur les valeurs, nous sommes strictement comparables, nos groupes ont des valeurs humaines rigoureusement identiques. Nous partageons le respect des individus, des cultures, de la diversité, une éthique irréprochable et le fait de bien traiter nos collaborateurs de part et d'autre.

Sur la culture d'entreprise, il y a des différences. Ils sont Américains, nous sommes Français. Ils sont attachés à leurs racines et nous aussi. Mais nous réalisons déjà 48% de notre chiffre aux Etats-Unis.

La Deutsche Bank estime qu'il faudra "au moins deux à trois ans avant que la nouvelle entité ne soit pleinement intégrée".

A mon avis ce sera moins que long que cela, nous fusionnons seulement la holding, pas nos réseaux respectifs.

Le groupe prévoit-il des acquisitions ?

Nous avons de petites acquisitions en cours et on va les mener à bien. Nous aurons peut-être des acquisitions de taille moyenne pour un segment ou un pays, mais pas de gros projet."

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