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André Sauvé : Être, en humour et en finesse (CRITIQUE/VIDÉO)

André Sauvé : Être, en humour et en finesse (CRITIQUE/VIDÉO)

André Sauvé peut lâcher prise. Son nouveau spectacle, Être, passe aisément la rampe. En plus de faire rire, ses textes nous amènent à nous pencher sur nous-mêmes, à évacuer nos propres névroses, et on sort finalement de la salle avec une furieuse envie de vivre… sans toutefois trop y réfléchir. C’est là le fruit des cogitations du plus intellectuel de nos humoristes. Intéressant paradoxe…

Car on connaît le style d’André Sauvé. On sait qu’avec lui, on est loin des blagues sur la vie de couple et autres anecdotes terre à terre. Et, dans ce deuxième effort solo, il amène ses réflexions à un autre niveau. En s’interrogeant notamment sur des préceptes de vie maintes fois prônés, mais rarement éprouvés, comme « être soi-même » ou « profiter du moment présent », l’artiste nous sert une bien belle leçon (mais pas du tout moralisatrice) sur le fait de vivre pleinement. Au bout de deux heures de questionnements, notre penseur en arrive à la conclusion qu’il ne faut pas songer au fait « d’être » pour, justement, « être ». Qu’en laissant le temps filer, qu’en cessant de focaliser sur nos angoisses, la vie suit simplement son cours, et les tourments et les crises de panique s’apaisent ainsi beaucoup plus rapidement. Que, comme une plante verte, on n’est qu’à un « tic » du bien-être (savoureuse analogie tracée en fin de prestation). On imagine sans peine la lourdeur du bagage que l’homme a dû traîner derrière lui pour être capable de tourner en dérision de tels enseignements, avec élégance, finesse et doigté.

Par exemple, pour illustrer son obsession de saisir l’instant, André Sauvé s’imagine être à l’étroit dans une craque, en ce sens où la minute présente passe toujours trop vite. « Pourquoi tu penses qu’on n’en mène pas large? », ironisera-t-il. Logique. Le récit de ses vacances à la mer, où il s’est rendu malade à trop vouloir « en profiter », est impayable. On est presque essoufflés de l’entendre raconter sa baignade dans les vagues.

Attente et souvenirs

S’adressant à Dieu en l’appelant « D » pour le sermonner sur les failles dans la création du monde, André Sauvé discoure longuement sur l’attente qui régit son quotidien. Attendre d’avoir 30 ans, puis 40, attendre l’été, les vacances, puis l’automne et l’hiver… « La patience, je suis pressé d’en avoir plus! » Pour illustrer ses espérances vaines, il utilise l’exemple d’un rêve récurrent, où il se tient dans une longue file d’attente qui forme un 8.

Lorsqu’il évoque ses souvenirs d’enfance, on comprend mieux l’adulte incrédule qu’il est devenu. « Le premier mot que j’ai dit, c’est “pourquoi”. Quand je partais pour l’école, je regardais ma chambre et je me demandais si elle continuait d’exister pendant que je n’étais pas là. » Le gamin avait pour héros Moïse et n’était évidemment pas très populaire auprès de ses petits camarades. « Quand on formait les équipes dans les cours d’éducation physique, on me prenait après le ballon. » Tout de suite après, le désopilant épisode où il fait état de ses difficultés à socialiser dans les soirées mondaines en interpellera plusieurs. Peu habile avec le small talk (les conversations à bâtons rompus), André dit avoir du mal à simplement joindre une conversation. « J’envie les chiens qui se reniflent », échappera-t-il pour expliquer son incompréhension du protocole à suivre en société.

Certaines phrases lancées ici et là sont aussi de véritables petits bijoux d’hilarante absurdité. « Si, dans un souper, tu dis que c’est ton grand-père qui a posé le trou dans les stylos Bic, ce n’est pas que ça crée un malaise, c’est qu’il n’y a pas grand-chose à ajouter à ça. » En effet. « Au printemps, quand la neige fond, où va le blanc ? Je serai pas tout seul à pas dormir à soir en pensant à ça! » Avec de telles préoccupations, on ne s’étonnera guère que notre drôle de philosophe fasse une fixation sur le fait d’aboutir à un montant rond lorsqu’il met de l’essence dans sa voiture.

Il faut certes être alerte pour suivre André Sauvé dans ses délires existentiels. Les monologues parfois longs d’Être pourraient rebuter les amateurs de la formule « une ligne, un punch », et vaut mieux ne pas être affligé d’un mal de tête lorsqu’on prend place pour écouter ses propos, malgré l’absence de pesanteur de ceux-ci. Mais le gaillard frisé est toujours aussi attachant, et on se reconnait dans ses observations, qui nous donnent de quoi méditer sur la condition humaine. Chapeau à un comique qui sait « être » et nous donne envie de « l’être » encore plus.

Être est présenté au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, dans le cadre du Festival Juste pour rire, jusqu’au 20 juillet. André Sauvé partira ensuite en tournée un peu partout au Québec. Pour informations : www.hahaha.com ou www.andresauve.com.

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