Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Ralenti par la Fédération internationale

Ralenti par la Fédération internationale

Le plus grand adversaire du champion du monde n'est peut-être pas Alex Bilodeau. Ajouter à sa courte liste la Fédération internationale de ski (FIS) qui interdit, par ses règlements, plusieurs manuvres aériennes qu'il est pourtant capable de réaliser.

Un texte de Marc Durand

« Ils nous mettent des bâtons dans les roues, affirme Mikaël Kingsbury, en référence aux membres du comité technique responsable des règles qui font loi en bosses.

« Je suis bloqué au plus haut degré de difficulté (DD) possible. On est rendu au double périlleux, alors que la FIS nous en permet qu'un seul. Ils n'aident pas le développement du sport. Ailleurs, on veut innover, alors que nous sommes bloqués. J'en ai fait sur la neige, je suis capable. »

Et Kingsbury nous offre, comme preuve, une séquence vidéo dans laquelle il effectue un double périlleux arrière, agrémenté d'une vrille, suivi d'un atterrissage comme si de rien n'était. Du jamais vu en compétition.

« J'en fais quatre différents, tous interdits », ajoute-t-il, tout sourire. Il faut savoir qu'il a déjà flirté avec le saut acrobatique dans le passé. Au pays, seuls lui et Bilodeau auraient démontré en être capables sur neige.

Les bosseurs n'ont droit qu'à une seule rotation inversée depuis la saison 2004. Avant, c'était strictement interdit, même si la fédération savait que plusieurs bosseurs en étaient capables. Au Québec, Vincent Dorion et Jean-François Cusson avaient d'ailleurs quitté ce sport trop « conservateur » à leurs yeux pour se lancer en ski libre, matrice des nouvelles épreuves olympiques de demi-lune et de slopestyle, là où les limites sont toujours et encore celles de leur propre capacité.

Libre, comme en plongeon, en gymnastique ou en trampoline.

« On l'appelle bosses, pas sauts »

Les athlètes et entraîneurs rencontrés au Centre National d'entraînement acrobatique Yves Laroche de Lac-Beauport sont unanimes : le sport serait encore plus spectaculaire.

« Ça se jase beaucoup », disent les bosseurs Cédric Rochon et Philippe Marquis, en accord avec le vu de Mikaël.

Par courriel, le retraité Pierre-Alexandre Rousseau est tranchant. « Personne d'autre que les athlètes devraient décider. Ils ont retardé les simples de 10 ans », écrit celui qui avait choisi de ne pas suivre ses copains Cusson et Dorion en ski libre au tournant du siècle.

« Quand j'étais bosseur, je ne voulais pas que les doubles soient permis », admet Vincent Marquis, 4e des JO de Vancouver.

« Je n'aurais pas osé en faire et ces sauts auraient vraiment avantagé les acrobates. Mais aujourd'hui, comme spectateurs, j'aimerais bien voir ça. »

Les entraîneurs de l'équipe nationale Marc-André Moreau et Jean-Paul Richard ne sont pas contre l'idée, mais considèrent que cette ouverture changerait de façon draconienne les paramètres d'entraînements.

Le spécialiste Luc Belhumeur ne croit pas le sport prêt pour le « grand saut ».

« En Amérique, il n'y a pas vraiment de problème, souligne-t-il. Mais les entraîneurs européens et asiatiques actuels n'ont pas la même expertise. L'écart entre les continents serait encore plus grand et quelques athlètes pourraient être tentés d'oser, avec les risques que cela comporte. »

Au Canada, premier pays au monde dans cette discipline, on retrouve les grands champions de sauts Steve Omischl et Nicolas Fontaine auprès des bosseurs.

Vincent Marquis ajoute au passage une question qui porte à réflexion.

« Jusqu'où doit-on tracer une ligne avant que le sport ne devienne qu'une épreuve de sauts avec des bosses dans le milieu? »

Du changement après Sotchi

La discipline, jugée et chronométrée, la rend unique et complexe à gérer, croit la juge internationale canadienne Hélène House. La moitié (50 %) de la note finale revient à l'aspect technique dans les bosses, le quart au temps de la descente et l'autre 25 % aux manuvres aériennes.

« Nous aimerions bien voir les nouveaux sauts, mais ça demeure d'abord une épreuve technique, estime House. Mais on le voit sur Facebook, sur YouTube, certains athlètes sont prêts! Ce sont les audacieux d'hier qui ont poussé la FIS à s'ajuster dans le passé. »

Déjà, le comité technique de la FIS aurait évoqué la possibilité d'ajuster la valeur des trois éléments (technique, temps et acrobatique), à une valeur de 60 %, 20 % et 20 %, pour minimiser les gains substantiels des plus acrobates.

Il y aurait aussi d'autres ajustements à étudier, comme la hauteur des sauts et la longueur de la piste de réception. Bref, bien des maux de tête pour une « tête inversée » supplémentaire.

D'ici Sotchi, aucun bosseur ne risque le double périlleux, même aux entraînements sur rampes d'eau, sauf peut-être Mikaël Kingsbury, pour son plaisir et peut-être pour impressionner les collègues en slopestyle aussi présents.

Alexandre Bilodeau, absent du camp de Lac-Beauport, jure qu'il ne les pratique plus depuis deux ans.

« J'aurai pris ma retraite avant que ça arrive. »

La retraite pour Alex, c'est donc pour bientôt.

« Je crois que les doubles seront permis après Sotchi, estime Hélène House. En 2014-2015, ça devrait être là. »

« Un jour, un jour », conclut Kingsbury, totalement déterminé à offrir, d'ici là, des manuvres simples, mais parfaites. En attendant d'être libéré de ses chaînes.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.