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Le Maracana démystifié

Le Maracana démystifié

« C'était bien mieux avant! »

Un texte d'Antoine Deshaies

Combien de fois avez-vous entendu un oncle, un père ou bien un collègue plus âgé vous répéter cette phrase? Si vous n'êtes plus capable de l'entendre ou de la lire, ne lisez pas ce texte.

Parce que cette phrase, ou ce cliché, en est le thème central.

J'ai pu poser le pied sur le mythique terrain du Maracana cette semaine. J'ai aussi eu la chance d'assister à la victoire de l'Espagne sur Tahiti jeudi dernier. C'est là que le Brésil va affronter l'Espagne dimanche en finale de la Coupe des confédérations.

J'avais eu le privilège d'assister avec un ami, en 2009, à un derby carioca entre Flamengo et Vasco de Gama. Le stade que j'ai retrouvé cette année n'est plus le même.

« C'est devenu un stade comme les autres », me dit Christopher Gaffney, un professeur américain établi à Rio. Il est l'auteur du livre Temples of the Earthbound Gods, un livre étudiant les stades de l'Amérique du Sud et leurs liens avec les villes qui les hébergent.

Pourtant, le Maracana n'a rien d'un stade comme les autres. Ou plutôt n'avait.

Construit tout juste après la Deuxième Guerre mondiale pour montrer l'accession du Brésil à la modernité, le Maracana a accueilli la Coupe du monde en 1950. C'est sur sa pelouse, devant une foule estimée à 200 000 personnes, que le Brésil a échappé la Coupe en perdant 2-1 contre l'Uruguay.

Un match qu'aucun Brésilien n'a oublié, même aujourd'hui. Le match a même été baptisé « Maracanazo ».

« La pression était écrasante sur les joueurs du Brésil, explique Gaffney en pointant l'endroit où le but fatidique a été marqué, à quelques mètres du lieu de l'entrevue. Les témoins du match se souviennent d'un silence mortuaire à la sortie. »

À coups de rénovations, la capacité d'accueil du Maracana a été réduite. Les dimensions de la surface de jeu aussi. Aujourd'hui, « à peine » 78 000 personnes peuvent y entrer pour un match. Mais au-delà des sièges et de quelques mètres carrés de pelouse, c'est une partie de son âme qu'il semble avoir perdue.

Après la Coupe du monde, il sera privatisé.

Je me souviens, en 2009, d'avoir été impressionné par sa grandeur, intimidé à la limite. Les groupes de partisans des deux équipes, massés aux deux extrémités du terrain, avaient un fort côté belliqueux. Le chauffeur de taxi nous avait même forcés à descendre à une extrémité du stade parce que mon ami portait du rouge, la couleur de Flamengo.

Aujourd'hui, le stade n'a plus rien d'intimidant outre son immensité vue de l'extérieur. L'austère structure de béton à double étage a été remplacée par des sièges jaunes, blancs et bleus aux allures de blocs LEGO.

« Les sièges rendent les spectateurs plus passifs, déplore Christopher Gaffney. Les dossiers des sièges font que les gens ne sont plus penchés vers le terrain, prêts à sauter dans l'action. Ils sont beaucoup plus passifs et cela constitue une nette brisure avec la tradition brésilienne. »

« Les spectateurs sont parfois plus intéressés par l'écran géant qu'au match et participent beaucoup moins à l'événement. »

Fini les sections où les partisans pouvaient chanter et danser debout, où la foule se transformait en marée humaine en bougeant à l'unisson. Les gros drapeaux sont même interdits pour les matchs organisés par la FIFA.

Fini les sièges de béton et les toilettes insalubres.

Fini les douches de bière ou même d'urine que recevaient certains spectateurs malchanceux du premier étage.

Bonjour les loges, les boutiques souvenirs, les kiosques Coca-Cola et bien sûr, la finale de la Coupe du monde et les Olympiques.

Bienvenue au Maracana pasteurisé, au Maracana désinfecté. Aux partisans brésiliens, maintenant, de lui redonner une personnalité, une âme.

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