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Urbania : petit magazine est devenu grand (PHOTOS)

Urbania : petit magazine est devenu grand (PHOTOS)
Urbania

Il y a 10 ans, un nouveau magazine coloré et irrévérencieux faisait son apparition sur les tablettes des kiosques à journaux, faisant office d’ovni dans l’étalage de publications dédiées aux vedettes populaires et autres périodiques spécialisés. Avec son originalité et son regard décapant sur la société, Urbania s’est rapidement taillé une place de choix dans l’univers culturel d’ici. Tant et si bien qu’on pourrait avoir du mal à croire que cette aventure a pris son envol presque par hasard, initiée par des amis propriétaires d’une boîte de design et de communication, qui souhaitaient devenir leurs propres clients.

« C’est un projet qu’on a lancé avec notre cœur, relate Philippe Lamarre, éditeur et fondateur d’Urbania. On n’a pas fait ça suite à des études de marché ni avec un plan d’affaires élaboré. On voulait avoir un média, un mode d’expression bien à nous, qui nous ressemblait, qui nous ferait décoller de nos ordinateurs, sortir du bureau et rencontrer des gens. »

L’idée de départ ? Observer la vie urbaine à travers le prisme d’un thème en particulier, et donner la parole à des inconnus à qui on prête rarement le microphone, mais qui ont pourtant des histoires fascinantes à raconter. Le premier jet se consacrait à la locomotion, aux moyens de transport. Puis, on s’est attardé, dans l’ordre, à l’odeur, au commerce, au vice et au son. Au fil des ans, la matière abordée est devenue plus dense, alors qu’on s’est attaqués à des questions plus délicates, comme les ethnies, le sexe, l’âge d’or, les gros, les lesbiennes, les Anglos et même les roux. Jamais une thématique n’est revenue deux fois au cours de la décennie. Et la formule a donné lieu à des « expériences » plutôt intéressantes; Michèle Richard a posé en une en bikini, une virée nocturne avec Éric Lapointe a fait l’objet d’un reportage, un concours a été organisé pour trouver le plus gros chat du Québec et on a bricolé des montages pour le moins audacieux avec des photos de Stéphane Dion et… des aisselles de Gérald Tremblay.

Urbania n°1

Les couvertures d'Urbania au fil du temps

« L’une de nos inspirations, c’était le magazine Colors, que Benetton publiait depuis longtemps, précise Philippe Lamarre. Chaque numéro posait un regard sur la planète terre par le biais d’un sujet précis. C’était extraordinaire. On s’est donc dit que ce serait une bonne idée de faire le même exercice, avec la ville de Montréal. C’était un délire, un prétexte pour aller à la rencontre de différentes personnes. On dit souvent que notre mission, c’est de rendre extraordinaires les choses ordinaires, de trouver la beauté dans ce qui semble banal. Et on considère que c’est notre rôle que d’aller là où on ne nous attend pas.»

« Dans le monde médiatique, on met souvent de l’avant des personnalités très connues, les saveurs du mois. Nous, on fait complètement l’inverse. On veut seulement trouver de bonnes histoires intemporelles à raconter. »

Avec, en toile de fond, cet humour toujours délicieusement ironique et mordant, un brin cynique, loin de toute complaisance, mais jamais mesquin.

« C’est dans notre personnalité, explique encore le directeur de la marque. On n’est jamais méchants. On pourrait se moquer de ceux qu’on rencontre, mais ce n’est pas notre but. On a un regard un peu pince-sans-rire, mais on respecte les gens qui ont des choses à dire et on veut les mettre en valeur. »

Petit train va loin

Le périple Urbania a donc démarré comme un simple passe-temps pour Philippe Lamarre et ses troupes. Au bout d’un an, l’équipe a peaufiné son produit en le publiant en couleurs et en augmentant le nombre de pages, et s’est rapidement rendu compte, après des articles à son sujet dans La Presse et Le Devoir, et une invitation à aller échanger avec Marie-France Bazzo à la Première Chaîne de Radio-Canada, que son « bébé » commençait à trouver une résonnance dans l’industrie et dans la population. De fil en aiguille, on a développé un site web et conçu des vidéos. Catherine Pogonat a intégré les Minutes Urbania à son émission Mange ta ville, à ARTV, et TV5 a commandé la série documentaire Montréal en 12 lieux, une visite de quelques institutions mythiques de la métropole.

Aujourd’hui, quelques 35 000 lecteurs et 100 000 internautes communient à l’une ou l’autre des enseignes d’Urbania, qui se définit désormais comme une entreprise multiplateforme en pleine expansion, et qui lorgne même de plus en plus à l’étranger. Le tout, manœuvré par un clan de quatre têtes pensantes. Comme quoi il n’y a pas que les grosses corporations qui peuvent aspirer à grand.

« Le petit projet qu’on avait créé de façon spontanée a pris vie tout seul, se remémore Philippe Lamarre avec enthousiasme. Avec Urbania, on est rendus à produire des documentaires et des films pour des chaînes télé et à conclure des ententes avec l’ONF et ARTE, en France. Nous sommes tous multitâches, passionnés, et on travaille fort. »

Une totale liberté

Par ailleurs, n’écrivent pas pour ce médium toutes les plumes qui le veulent. Les auteurs et chroniqueurs qui se commettent dans les pages ou sur le site internet d’Urbania doivent avoir des choses pertinentes à dire, le faire dans une langue vivante, allumée et pleine d’esprit et, surtout, ne pas avoir peur de sortir des sentiers battus.

« On recherche des collaborateurs qui ont un point de vue original, qui traitent le journalisme non pas comme l’art de l’objectivité, mais comme l’art de la subjectivité, note Philippe Lamarre. On aime les journalistes qui se mettent en scène, qui vivent des expériences, qui font partie de leurs histoires, qui sont courageux et qui n’ont pas peur de se mouiller. Notre approche est davantage celle du documentaire que du journalisme. »

L’homme ne s’en cache pas, il faudrait dénaturer le magazine pour le rendre rentable, ce qui tuerait l’esprit qui l’anime et qui explique que les gens qui écrivent pour le magazine Urbania ne sont pas rémunérés. En échange de leurs textes, ceux-ci reçoivent des cadeaux culturels et bénéficient de la visibilité et de la liberté totale qui leur est accordée dans l’espace rédactionnel. Un Jean-Martin Aussant peut donc parler à sa guise de souveraineté, et une Kim Lizotte peut se porter à la défense d’une jeune fille handicapée sans qu’on ne les intime de s’en tenir à une ligne éditoriale définie. Chez Urbania, on prône la diversité des opinions et des propos.

« Si on demande à quelqu’un de collaborer, on veut que cette personne prenne son rôle et l’assume avec liberté, et qu’elle assume les conséquences de ses écrits, aussi. On n’est pas du genre à brimer qui que ce soit et on ne passe pas de commandes. C’est ce qui fait que ceux qui coopèrent avec nous le font avec leurs tripes, en sachant qu’ils n’ont pas de mission précise à remplir. »

Les dix ans d’Urbania seront soulignés en grandes pompes ce vendredi, 14 juin, à La Tohu. La fête se tiendra de 19h à 3h le samedi matin. DJ Ghislain Poirier et Socalled assureront l’ambiance musicale, tandis que des artistes de divers milieux offriront des performances de toutes sortes. L’événement est ouvert à tous, et on profitera de l’occasion pour lancer la nouvelle édition du magazine, qui s’articule autour du thème de la rue. On peut d’ailleurs déjà annoncer que les prochains numéros traiteront respectivement des étudiants, du pétrole et du mariage.

Sinon, Philippe Lamarre et ses collègues risquent d’être dans la lumière en octobre prochain, alors qu’en partenariat avec 10 étudiants de l’UQÀM, ils dévoileront le journal-manifeste Imaginer Montréal, un recueil de 100 idées pour améliorer le sort de la métropole.

« On aimerait que les candidats à la mairie s’en emparent et en réalisent quelques-unes, espère à voix haute le créateur. On veut apporter de l’eau au moulin de façon constructive, mais pas partisane. »

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