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FTA - «La jeune-fille et la mort»: déconstruire la liberté de penser (CRITIQUE/VIDÉO)

FTA - «La jeune-fille et la mort»: déconstruire la liberté de penser (CRITIQUE/VIDÉO)
Samuel Larochelle

Assister à une représentation de La jeune-fille et la mort, c’est mettre le pied dans un monde en déconstruction, un univers de réflexion, une bulle d’inattendu et un espace de jamais-vu, avec l’impression d’être savamment diverti par la philosophie.

Laurence Brunelle Côté, Simon Drouin et leurs collaborateurs s’adressent aux spectateurs du Festival Transamériques afin de leur présenter fragment par fragment le concept de «jeune-fillisation» du monde, imaginé par le collectif Tiqqun. Loin d’être une théorie rigide et absolue que l’on enfonce dans la gorge des néophytes afin de propager la bonne nouvelle, le concept invite plutôt à s’impliquer dans la découverte, à faire sien l’apprentissage et à mettre en doute les idées en place.

Critique d’un monde où l’œil de Dieu est devenu l’œil de la caméra, d’une époque où garçons et filles, hommes et femmes, sont conditionnés à ne plus penser, invités à se contenter des clichés et convaincus d’être comblés par la superficie, «la jeune-fillisation» est un concept élaboré par des artistes philosophes qui ont travaillé des heures innombrables afin de bâtir le spectacle.

Dès le début de la production, chacun des spectateurs se voit remettre un manuel d’illustrations, de citations et de définitions iconoclastes qu’il devra consulter tout au long du spectacle, en suivant les instructions que les artistes révéleront sur des cartons, des accessoires, un tableau lumineux ou diverses parties de leur corps.

Les surprises fusent de partout pendant les 100 minutes que dure cette réflexion active: emprisonnement d’une artiste dans une bulle de plastique pleine de styromousse, sollicitation d’un quatuor à cordes en tenues de soirée, visage d’un professeur autoritaire barbouillé de Nutella, homme graduellement déguisé en femme, cours de danse offert par un professeur déroutant, nudité velue, prestations musicales inclassables. Aussi étonnantes puissent-elles paraître, toutes ces idées ont une raison d’être dans le spectacle.

À l’ère où la «jeune-fille» est devenue marchandise, où la réflexion est en berne et où la liberté n’est plus qu’un concept illusoire, les phrases d’une dictée sont déconstruites, les mots d’un hiatus sont hachurés et la partition de la trame musicale est décomposée, un peu comme les concepts de masse devraient être décortiqués.

Les spectateurs n’ont pas assez d’yeux pour voir et analyser tout ce qui se trame devant eux. Les accessoires sont légion, les parcelles de philosophies se multiplient, les idées circulent, les rires éclatent, les méninges se mettent en marche, les consciences s’éveillent et l’objectif des artistes de La jeune-fille et la mort est merveilleusement atteint.

En ce soir de première où la salle de l’Espace Libre était majoritairement remplie d’étudiants du secondaire, impossible de ne pas sentir l’enthousiasme qui régnait devant cet objet si peu conventionnel. Nul doute qu’ils appréhenderont leurs futurs cours de philosophie avec un intérêt plus grand et une peur de débattre plus petite.

FTA – 2 au 4 juin

Espace Libre

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