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Henry Morgentaler laisse un héritage encore contesté

Henry Morgentaler laisse un héritage encore contesté

Homme de courage et de conviction, le docteur Henry Morgentaler, décédé mercredi à 90 ans, aura changé la destinée d'une multitude de femmes à travers le Canada.

« Il considérait que les femmes se feraient avorter de toute façon, alors ce qu'il a fait, c'est sauver des vies », met en lumière la présidente du Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne.

Sa croisade judiciaire pour faire décriminaliser l'avortement aura été marquante dans l'histoire des femmes du Québec.

« C'est impossible d'être égales si on n'a pas le contrôle sur notre propre corps, souligne la présidente de la Fédération des femmes du Québec, Alexa Conradi. Il a lutté avec nous pour ouvrir la voie de notre liberté. »

« Peu d'hommes ont pris autant de risques pour les droits des femmes que le docteur Morgentaler. Il a été jugé, condamné et emprisonné pour nos droits », a rappelé, émue, la ministre responsable de la Condition féminine, Agnès Maltais.

Agnès Maltais souligne qu'une motion serait présentée à l'Assemblée nationale pour honorer sa mémoire.

La porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, a également exprimé son admiration et sa gratitude envers ce grand humaniste.

« Il disait que les enfants devaient être désirés. Ça rejoignait énormément de femmes et d'hommes qui étaient conscients que la maternité et la paternité devaient être des actes réfléchis et censés », a-t-elle indiqué.

Malgré l'adversité, Mme David souligne que le docteur Morgentaler a toujours agi selon ses convictions.

Les porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de condition féminine et de justice, Niki Ashton et Françoise Boivin, estime que « nous avons perdu un grand homme. Le Dr Morgentaler a reçu l'ordre du Canada pour 50 ans de lutte, souvent au péril de sa liberté et de sa vie, afin que toutes les femmes du pays aient accès à des avortements sécuritaires. Il y a 25 ans, la Cour suprême lui donnait raison en déclarant l'ancienne loi sur l'avortement inconstitutionnelle. Malheureusement, encore aujourd'hui, l'accès à l'avortement demeure inégal et il faut résister aux tentatives répétées de revenir en arrière. »

Lors de l'émission 24 heures en 60 minutes, l'auteure Janette Bertrand a dit, au sujet du Dr Morgentaler : « Il a été très inquiet toute sa vie. Il disait toujours: Je n'ai pas le droit à une seule erreur. Il ne pouvait pas se permettre une seule erreur qui lui aurait coûté la possibilité de pratiquer la médecine. Il était extrêmement prudent mais déterminé à mener le combat jusqu'au bout. »

Dans une société où l'on tend toujours plus vers le conformisme, l'avocat Julius Grey rappelle que le docteur Morgentaler a osé s'opposer, et ce, au prix de sa liberté.

« Il a eu le courage de dire non, puisque sa conscience ne lui permettait pas d'obéir à la loi, se rappelle-t-il. Il s'est battu jusqu'au point où on a établi qu'un jury a le droit d'acquitter quelqu'un pour des raisons morales et que l'individu peut donner priorité à sa conscience. »

En menant sa croisade pour décriminaliser l'avortement, le docteur Morgentaler aura polarisé l'opinion publique pendant des décennies. « Il n'y aura jamais d'unanimité autour de ces questions-là », convient Mme Miville-Dechêne.

*** Pour écouter la biographie sur votre appareil mobile, cliquez ici.

Le président de la campagne Québec-Vie, Georges Buscemi, garde un souvenir sombre du combat mené par le docteur Morgentaler. « C'est un cadeau empoisonné qu'il nous a laissé. C'est une blessure qu'il faut maintenant guérir », indique-t-il en disant espérer que les droits des enfants à naître seront maintenant davantage respectés.

M. Buscemi conteste d'ailleurs toute avancée dans la sphère de la santé des femmes.

Son groupe Campagne Québec-Vie a organisé une vigile, mercredi soir, en face de la clinique Morgentaler à Montréal. Une dizaine de personnes y ont prié « pour l'âme » du Dr Morgentaler. L'un des organisateurs, Brian Jenkins, a indiqué que le tout s'était déroulé dans le calme, précisant qu'une femme opposée à la démonstration du groupe était venue interpeller les participants.

L'organisation décrit le Dr Morgentaler comme « le plus grand criminel de l'histoire du Canada. »

Mary Ellen Douglas, coordonnatrice à la Coalition nationale pour la vie, avait offert dans la journée la même note discordante. « Ce n'était pas vraiment un personnage aimable. (...) Mais les femmes pro-avortement en ont fait un héros », a-t-elle souligné en ajoutant avoir espéré jusqu'à la toute fin que le médecin se repentirait avant de mourir.

À Ottawa, le porte-parole de Stephen Harper a affirmé que le premier ministre ne commenterait pas la mort du célèbre médecin.

M. Harper a déjà signifié clairement qu'il n'avait pas l'intention de rouvrir le débat sur l'avortement. Il s'était opposé à une motion présentée par un député d'arrière-ban qui proposait de débattre de la question du début de la vie humaine.

La ministre fédérale de la Condition féminine, Rona Ambrose, n'a fait aucune déclaration au sujet de la disparition du médecin.

Pour le député de Toronto-Centre et ex-chef intérimaire du Parti libéral du Canada, Bob Rae, Henry Morgentaler « a mis fin à des siècles d'hypocrisie et de répression pour les femmes du Canada, mais aussi du monde. C'était un homme de grande détermination et de grand courage. »

Mark Warawa, un député conservateur pro-vie, a été l'un des rares membres de son parti à commenter publiquement la mort de Henry Morgentaler. Il a dit espérer que le médecin ait « réglé des choses avec son créateur » avant son décès.