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En Syrie, une atrocité en cache une autre

En Syrie, une atrocité en cache une autre

Une vidéo mise en ligne sur YouTube montre un rebelle syrien qui semble procéder à l'éviscération du cadavre d'un soldat. L'acte est horrible, mais dans une Syrie en pleine guerre civile, ce genre de scènes devient de plus en plus banal, selon plusieurs observateurs.

L'homme qui commet cette atrocité n'est pas un rebelle comme les autres : il s'appelle Khalid Al-Hamad, selon le magazine Time, qui lui a parlé via Skype. Il est l'un des commandants de la brigade rebelle Omar al-Farouq, incorporée à la principale composante de la rébellion, l'Armée syrienne libre (ASL), selon l'organisme Human Rights Watch (HRW).

Les images mises en ligne sur YouTube sont d'une atrocité insoutenable : l'homme découpe le foie et le cur d'un cadavre portant un uniforme. « Nous jurons devant Dieu que nous mangerons vos coeurs et vos foies, soldats de Bachar le chien », lance le rebelle à la caméra, tout en exhibant les viscères.

« Oh héros de Baba Amr, massacrez les alaouites et découpez leur coeur pour le manger », dit ce rebelle sunnite en faisant référence à la minorité issue du chiisme à laquelle appartient M. Assad, rapporte l'Agence France-Presse. Selon le New York Times, Khalid Al-Hamad apparaît dans plusieurs autres vidéos mises en ligne sur YouTube, dans lesquelles ses hommes et lui mènent des attaques contre l'armée syrienne.

En entrevue au Time, le commandant rebelle persiste et signe, faisant même de la surenchère en se vantant d'avoir en sa possession d'autres vidéos d'atrocités qu'il aurait commises. Khalid Al-Hamad explique qu'il a commis son geste, car il avait découvert dans le téléphone cellulaire du soldat des images montrant ce dernier en train d'humilier une mère et ses deux jeunes filles. « Nous les égorgerons tous », déclare-t-il au Time.

Depuis le début du conflit en mars 2011, ces gestes se sont multipliés, chaque camp s'accusant mutuellement de crime de guerre. Reinoud Leenders, professeur associé au King's College de Londres, explique à Reuters que ces images sont destinées à humilier et à déshumaniser l'adversaire. Si certains rebelles se sont filmés en train de commettre des actes barbares, les troupes de Bachar Al-Assad ont commis des massacres et se sont livrés à de la torture, dit-il.

La réconciliation risque d'être longue

Nadim Houry, qui documente les exactions pour le compte de HRW, explique que le conflit syrien est devenu un jeu à somme nulle, dans lequel chaque camp lutte pour sa survie. « Chaque camp se comporte comme s'il faisait face à une menace existentielle », dit-il en entrevue à Reuters.

« Nous sommes horrifiés par cette vidéo et nous avons dit très clairement que toutes les parties au conflit devaient respecter le droit humanitaire international », a réagi le département d'État américain, en précisant avoir parlé de cet acte aux chefs rebelles.

Le rebelle en question aurait été justement exclu de son unité pour des exactions qu'il aurait commises, selon l'AFP. La Coalition nationale de l'opposition syrienne a dénoncé « un acte horrible et inhumain » et affirmé « condamner cet acte, s'il est avéré ». La coalition a souligné que cet acte était « contraire aux valeurs morales du peuple syrien, de même qu'à celles de l'ASL », promettant que tout coupable sera jugé.

Encore faut-il que le pays possède un système de justice fonctionnel. La Syrie n'a jamais signé le traité établissant la Cour pénale internationale (CPI). Par conséquent, la cour ne peut ouvrir une enquête pour juger les crimes de guerre que si le Conseil de sécurité de l'ONU lui demande, explique Reuters. Or, la Chine et la Russie, qui sont membres permanents du conseil, se sont opposées à l'ouverture de telles enquêtes, dans le cas de la Syrie.