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La Cour ne clarifiera pas le mandat du directeur parlementaire du budget

La Cour ne clarifiera pas le mandat du directeur parlementaire du budget

Le bras de fer entre le gouvernement et le directeur parlementaire du budget (DPB) Kevin Page sera réglé un autre jour: la Cour fédérale a rendu un jugement dans lequel elle évite de préciser son mandat et son droit d'obtenir d'Ottawa toute l'information qu'il réclamait sur les compressions du budget de 2012.

Dans cette décision rendue lundi, la Cour a dit non à M. Page. Mais sur la base d'une question de procédure, précise-t-elle.

Le jugement pave toutefois la voie à une prochaine tentative d'un directeur parlementaire du budget d'obtenir des données financières du gouvernement.

Car les propos du juge Sean J. Harrington laissent entendre que le gouvernement ne peut user de sa majorité pour refuser de transmettre de l'information au DPB et que si litige il y a entre eux, la Cour a le pouvoir de trancher.

Bref, bien qu'elle se soit déclarée compétente pour juger de cette affaire, ce que le gouvernement contestait, la Cour a déterminé que les questions posées par le DPB étaient hypothétiques, du moins pour l'instant.

Le juge a ainsi conclu qu'il n'y a pas, selon lui, une réelle controverse juridique à trancher, notamment parce que le dossier soumis au tribunal ne faisait pas état d'un refus clair de la part du gouvernement de transmettre l'information financière.

Lundi, les bureaux du directeur parlementaire du budget et du Conseil du Trésor ont fait savoir qu'ils étaient en train d'étudier le jugement et préféraient attendre avant de commenter. Quant à M. Page, qui vient de terminer son mandat, il n'était pas disponible.

Toute cette affaire remonte au dépôt du budget fédéral de mars 2012.

Le directeur parlementaire du budget maintenait que le refus du gouvernement et de bon nombre de ministères de lui fournir les chiffres qu'il réclamait l'empêchait de faire son travail correctement. Il estimait ne pas pouvoir informer le public et les députés de l'impact du budget de 2012.

Le DPB a notamment réclamé le détail des compressions budgétaires de 5,2 milliards de dollars annoncées dans le budget de l'an dernier, incluant les pertes d'emplois de près de 20 000 fonctionnaires et l'abolition de services aux Canadiens.

Le gouvernement soutenait pour sa part qu'en faisant ces demandes, M. Page outrepassait son mandat.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, avait par la suite écrit à Kevin Page pour lui demander d'effectuer une analyse visant à déterminer trois choses.

D'abord, si les économies énoncées dans le budget de 2012 étaient réalisables ou susceptibles d'être réalisées, si le défaut de réaliser ces économies entraînerait des conséquences fiscales à long terme, et de calculer les économies devant être réalisées au moyen de réductions de personnel.

Ayant déjà essuyé un refus à ce sujet, M. Page n'a pas demandé à nouveau l'information au gouvernement.

En janvier dernier, conscient des objections du gouvernement conservateur, M. Page avait saisi la Cour de ses demandes, l'invitant à clarifier l'étendue de son mandat, et s'il avait le droit d'obtenir toutes ces données financières.

Mais la réponse ne sera pas pour cette fois.

« L'on ne saurait toutefois répondre à des questions dans un vide factuel », a écrit le juge en refusant de trancher.

« Plus précisément, M. Page n'a jamais, en fait, demandé à un ministère, à la requête de M. Mulcair, de lui fournir des données. Il s'ensuit que le dossier qui m'a été soumis ne fait état d'aucun refus de fournir des données. Les questions sont donc hypothétiques, et je refuse d'y répondre au motif qu'elles ne sont pas justiciables », ajoute le juge.

Pour le chef du NPD, le jugement est une victoire

« Dans l'ensemble c'est une victoire sur toute la ligne pour notre prétention que le directeur parlementaire du budget avait le droit d'exiger ça et que les conservateurs avaient tort d'essayer de prétendre que la loi ne s'appliquait pas parce que ça enfreignait une quelconque prérogative du Parlement. Ça ça a été complètement jeté à la poubelle par le juge et j'en suis fort aise », a déclaré M. Mulcair.

« La seule chose que le juge dit c'est que M. Page aurait dû spécifiquement demander ces choses-là. À ce moment-là il aurait pu ordonner dans ces cas spécifiques », a fait valoir le chef du NPD.

M. Mulcair croit même que le successeur de Kevin Page n'aura pas à retourner devant les tribunaux.

« Je crois que cette décision est tellement solide et tellement catégorique que les conservateurs ne peuvent pas continuer à jouer leur jeu d'essayer de fermer le bureau du DPB et que n'importe quel futur directeur parlementaire du budget pourra utiliser ce jugement pour demander des documents », a ajouté le chef du NPD.

Le juge note que le DPB conserve la possibilité de revenir devant les tribunaux, après avoir dûment requis l'information des ministères, mais qu'il doit d'abord épuiser ses autres recours, notamment ceux auprès la Bibliothèque du Parlement, des présidents des deux Chambres, des comités appropriés et du Parlement.

Et quant à l'avenir du Bureau du DPB, la Cour fédérale a écrit ces avertissements.

« Si la majorité souhaite abolir le poste de directeur parlementaire du budget, ou encore apporter quelque modification à son mandat, qu'il en soit ainsi! Pour ce faire, elle devra toutefois légiférer. Ayant édicté la loi, le Parlement devra emprunter de nouveau la voie législative s'il désire l'abroger. En attendant, il n'a pas le droit de négliger sa propre loi », conclut le juge Harrington.

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