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Enquêtes sur les cartels: plus compliquées et plus coûteuses?

Cartels: les enquêtes pourraient être compliquées
Stack of ten thousand dollars in Canadian one hundred dollar currency
Getty Images
Stack of ten thousand dollars in Canadian one hundred dollar currency

OTTAWA - En raison de mesures mises en place par le gouvernement conservateur, les enquêtes sur les cartels de fixation de prix pourraient être plus difficiles et coûter plus cher aux citoyens, selon le commissaire par intérim du Bureau de la concurrence, John Pecman.

Il a livré ces commentaires lors d'une conférence donnée à des avocats montréalais en janvier dernier.

Selon M. Pecman, 80 à 90 pour cent des enquêtes sur les cartels entreprises par son Bureau surviennent après des dénonciations de la part de gens qui veulent bénéficier de programmes d'immunité et de clémence.

Le programme d'immunité permet à celui qui dénonce en premier un cartel d'obtenir une forme de protection: il ne sera pas poursuivi pour ses activités illicites. Les dénonciateurs suivants peuvent quant à eux demander la clémence. C'est-à-dire que s'ils plaident coupable aux accusations, le Bureau va recommander une peine réduite — à la fois pour l'amende et la durée de l'emprisonnement.

De telles dénonciations sont extrêmement précieuses, car le Bureau n'a pas les ressources pour mettre au jour par lui-même les différents cartels. Elles pourraient toutefois devenir beaucoup plus rares, en raison de deux gestes posés par le gouvernement fédéral.

D'abord, le projet de loi omnibus C-10 pour durcir la justice criminelle a augmenté les peines de façon considérables et a éliminé la possibilité de purger la peine dans la communauté — ou de faire des travaux communautaires — pour les membres de cartels. Ils peuvent ainsi risquer jusqu'à 14 ans derrière les barreaux.

On pourrait ainsi voir moins de plaidoyers de culpabilité, avance M. Pecman. Il pourrait y avoir plus de cas contestés, qui iront devant les tribunaux, ce qui aura pour effet de faire croître les coûts pour la Couronne et la société.

«C-10 fait de la participation à un cartel un crime similaire à la fraude, un crime très sérieux», explique M. Pecman.

«Les individus ne voudront pas aller en prison. En conséquence de quoi on pourrait voir moins de plaidoyers de culpabilité. Il pourrait y avoir plus de cas contestés, qui iront devant les tribunaux», ajoute-t-il.

Une décision du ministère des Travaux publics pourrait avoir un effet similaire. En novembre 2012, Travaux publics Canada a annoncé des modifications au «Code de conduite pour l’approvisionnement» qui interdiraient aux demandeurs de clémence condamnés en vertu de la Loi sur la concurrence pour des infractions liées à des cartels ou à du truquage d’offres de faire affaire avec le gouvernement.

«Récemment, Travaux publics a décidé de prendre une approche plus dure: si une entreprise plaide coupable à une infraction criminelle, il lui sera interdit de faire des soumissions sur des contrats futurs, sauf dans des circonstances exceptionnelles», dit M. Pecman.

«Ces entreprises pourraient être réticentes à plaider coupable et à collaborer avec nous en raison des conséquences avec les agences gouvernementales», prévient le commissaire qui souligne que le gouvernement fédéral octroie des contrats pour des milliards de dollars chaque année.

«On est en train de surveiller pour voir si cela aura un effet réel et si nécessaire, on reverra cela avec eux», indique M. Pecman.

Sans dénonciations et sans collaboration de personnes qui serviront de témoin et apporteront la preuve nécessaire, les enquêtes seront plus longues. Tout comme les procès. Et au bout du compte, ce sont les contribuables qui ramasseront la facture de ces multiples procès.

«On pourrait voir moins de personnes se prévaloir du programme de clémence en conséquence de cela, en partie dans les dossiers de fixation de prix», dit M. Pecman.

Mais si les craintes sont présentes, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions fermes.

«On va voir. C'est un changement récent. Mais cela a été discuté que nous pourrions voir plus de procès, plus de cas contestés», dit M. Pecman.

Contacté la semaine dernière, le Bureau de la Concurrence a réitéré qu'il était encore trop tôt pour déterminer quel sera l’impact, si impact il y a, de ces récents changements sur les programmes d’immunité et de clémence.

Des personnes s’étant livrées à un comportement anticoncurrentiel ont continué à demander l’immunité et la clémence, a indiqué le Bureau, sans toutefois préciser leur nombre. Pas moyen non plus de savoir s'il s'agit d'une diminution ou d'une augmentation par rapport aux années précédentes.

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