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Jackie Robinson, un joueur, un héros

Jackie Robinson, un joueur, un héros

Jackie Robinson a marqué l'histoire, avec son bâton et sa détermination. Le film 42 nous replonge au début des années 1940, au moment où la ségrégation raciale fait partie du paysage américain.

Un texte de Justine Boutet

Une époque où les Blancs et les Noirs devaient manger dans des restaurants séparés, boire à des fontaines séparées, utiliser des toilettes séparées et embarquer dans des autobus séparés.

« J'ai joué au baseball pendant 17 ans. Au tout début, quand on s'arrêtait pour manger, il y avait de mes coéquipiers qui ne pouvaient pas débarquer de l'autobus parce que le restaurant n'acceptait que les Blancs. C'était le cas d'Ed Charles, qui a été l'un de mes coéquipiers pendant quatre ou cinq ans, a dit l'ancien lanceur des Expos Claude Raymond.

« Il a d'ailleurs un rôle dans le film 42. C'est le petit garçon qui attrape la balle que lui lance Jackie Robinson. Ed me disait : ''Frenchy apporte-moi donc un hamburger ou deux hot-dogs parce que moi je ne peux pas y aller." »

La ségrégation avait aussi sa place dans les ligues majeures de baseball. D'un commun accord, les propriétaires d'équipes avaient décidé d'exclure les Noirs de leur circuit.

En 1945, le directeur général des Dodgers de Brooklyn, Branch Rickey, en a assez de cette politique qui privait les équipes des plus grands talents de la Ligue des Noirs (Negro Leagues).

C'est alors qu'il décide d'offrir un contrat à Jackie Robinson.

Montréal avant Brooklyn

Pour faciliter son intégration dans les majeures, il l'envoie d'abord dans le club-école à Montréal, où les tensions raciales sont plus modérées.

Robinson n'a passé qu'une seule saison dans la métropole, en 1946. Mais quelle saison!

Il a été un élément-clé de la conquête de la Petite Série mondiale avec les Royaux.

« Les Canadiens, les Québécois l'ont aidé très souvent, comme pour aller chercher l'épicerie ou encore répondre aux questions de son épouse Rachel, explique Jean-Pierre Roy, coéquipier de Robinson avec les Royaux.

« Les Québécois ont bien compris sa situation et tous les sacrifices qu'il faisait pour se valoriser au point de vue sportif et humain. »

Mais Robinson a dû se forger une carapace. Chaque fois qu'il posait le pied dans un stade aux États-Unis, il s'exposait aux menaces et aux sévices physiques et psychologiques de la foule et des joueurs.

« J'avais un ami dans le baseball, un lanceur, et puis devant moi et d'autres joueurs, il avait dit qu'il serait le premier à atteindre Jackie Robinson à la tête, poursuit M. Roy. On savait qu'il n'aimait pas les Noirs. Ce sont des souvenirs qui me font réellement mal au coeur, seulement de me les rappeler. Mais Jackie était capable, comme être humain, de remporter une victoire sur les insultes.

« Il avait un caractère agressif, mais il savait le contrôler. Et c'est quelque chose qu'il devait faire parce qu'en lui offrant un contrat, Branch Rickey lui avait fait promettre de ne pas se venger contre les autres joueurs, contre le public, contre quiconque. »

C'est d'ailleurs l'un des moments forts du film. Robinson demande à Rickey s'il veut un joueur qui a le courage de se défendre contre les attaques racistes.

Rickey lui répond : « Non. Je veux un joueur qui aura le courage de ne pas se défendre. »

L'amour comme bouclier

Jackie Robinson n'était pas seul dans son inlassable combat pour l'égalité. Il a pu compter sur l'appui et sur la présence de son épouse, Rachel.

Interviewée lors du tournage du film 42, Rachel Robinson rappelle que son « confort personnel et celui de son mari ont dû être mis de côté pour défendre cette cause qui allait servir tout un peuple ».

Rachel Robinson, qui a démarré la Fondation Jackie Robinson en 1973, soit un an après le décès de son époux, a aujourd'hui 90 ans.

Jackie Robinson a brisé la barrière raciale dans les ligues majeures le 15 avril 1947, à l'Ebbets Field.

Cinquante ans plus tard, soit le 15 avril 1997, le numéro 42 a été retiré dans toutes les équipes des majeures.

Et depuis 2004, le 15 avril est une journée consacrée à la mémoire de Jackie Robinson. Les joueurs, peu importe leur club, portent le numéro 42 sur leur chandail.

Jackie Robinson a été un pionnier. Pourtant, sa mémoire semble s'estomper avec le temps.

« Quand je travaillais pour les Expos, je me suis aperçu qu'il y avait de jeunes Noirs qui ne connaissaient pas Jackie Robinson, dit Claude Raymond. Je me demande si les joueurs de baseball, de football, de basketball savent vraiment par quoi Jackie Robinson est passé. Je crois que c'est la raison pour laquelle ils ont fait le film. »