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«Avec Norm», au Théâtre du Rideau Vert: époustouflant Benoît McGinnis dans une pièce de Serge Boucher (CRITIQUE/PHOTOS)

«Avec Norm», au Théâtre du Rideau Vert: époustouflant Benoît McGinnis (PHOTOS)
Courtoisie

Si vous n’avez besoin que d’une bonne raison d’aller voir Avec Norm au Théâtre du Rideau Vert, la performance de Benoît McGinnis vous convaincra, à elle seule, de la pertinence du prix du billet. Neuf ans après avoir donné vie une première fois au troublant personnage de Normand sur les planches du Théâtre d’Aujourd’hui, l’acteur reprend le rôle-titre de la touchante pièce de Serge Boucher. Et offre une interprétation sensible, poignante, déstabilisante, de ce jeune déficient intellectuel, pauvre autant d’argent que de culture.

Normand a 29 ans et vit dans un petit appartement d’un quartier défavorisé de la métropole. Autour de lui gravite une bien maigre orbite familiale et amicale: sa sœur, Nancy (Sandrine Bisson), une ancienne danseuse, enceinte, qui tente tant bien que mal de s’arracher à la misère et de composer avec les humeurs changeantes de son amoureux, un dénommé Bobby, qu’on ne verra jamais, mais dont on entendra abondamment parler; sa voisine, Tony (Muriel Dutil), une dame âgée tout ce qu’il y a de plus politically incorrect, qui sacre comme un charretier, débite des énormités à une vitesse vertigineuse, mais qui a le mérite de s’être tenue debout malgré la vie peu enthousiasmante qu’elle traîne derrière elle; et son ange gardien, François (Éric Bernier), parrain pour un organisme d’aide aux démunis, qui s’investira corps et âme pour extirper Norm de son quotidien sans envergure, en vain. Et il y a aussi Batman, cet ami peu recommandable qu’on soupçonne imaginaire tout au long de l’histoire… mais qui finira par orner la page frontispice du Journal de Montréal pour l’une de ses frasques. À la grande fierté de Norm, qui ne voit là qu’une raison de plus de vénérer cet étrange compagnon.

Criant de vérité

Tout, dans la mise en scène de Robert Bellefeuille – ce dernier a remplacé au pied levé René Richard Cyr, qui devait monter cette deuxième mouture de l’œuvre, mais a été forcé de quitter le navire à quelques jours d’avis pour des raisons de santé - hurle la vérité. À commencer par le décor hyperréaliste de l’exigu logis de Norm, où sacs de déchets et caisses de bières jonchent le plancher et où sont éparpillées mille traîneries. Les portes ouvertes ou fermées des pièces secondaires nous en indiquent long sur les actions qui s’y trament, tout comme les accessoires qui voyagent parfois d’une scène à l’autre. L’impression de huit clos ajoute à l’ambiance parfois étouffante de cet univers générateur de préjugés et de pitié.

Le texte de Serge Boucher – connu au théâtre, entre autres, pour ses créations Motel Hélène et 24 poses, et à la télévision pour Aveux et Apparences, passé maître dans l’art de dépeindre l’être humain dans ce qu’il a de plus beau et de plus laid – reflète sans complaisance une réalité omniprésente qu’on observe souvent du coin de l’œil sans oser l’aborder de front, qu’on sait exister en préférant la nier. Dans le monde de Norm, on regarde assidument Les Pierrafeu et les capsules de Jojo Savard à la télévision, on ne se lave pas et on ne fait pas le ménage, on fait une fête d’une simple sortie au restaurant, et on rêve sans trop y croire d’un avenir meilleur, mais seulement dans les limites de cet inconfort connu, parfois dégoûtant ou dangereux, mais rassurant. Heureusement, les dialogues teintés d’humour allègent l’atmosphère de ces tableaux saccadés, que le thème principal pourrait aisément faire sombrer dans la lourdeur.

Mais c’est véritablement le jeu de Benoît McGinnis qui retient l’attention lorsque le rideau tombe sur Avec Norm. La voix du comédien, son langage adapté à la condition du protagoniste, sa gestuelle, son regard vide, tout chez lui respire la douleur inconsciente. Les autres artistes, Muriel Dutil en tête, offrent une prestation remarquable, mais McGinnis parvient, en un clin d’œil, et jusqu’en fin de piste, à faire résonner en nous la plus grande tare qui pèse sur les épaules de Norm: la solitude.

Avec Norm tient l’affiche du Théâtre du Rideau Vert jusqu’au 13 avril. Pour plus d’informations: www.rideauvert.qc.ca.

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