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Les rouages du système Trépanier démontés

Les rouages du système Trépanier démontés

Un texte de Bernard Leduc

Après des mois d'audiences publiques, la commission Charbonneau se rapproche de son but, du moins en ce qui concerne Montréal. La venue à la barre de Bernard Trépanier a été préparée avec minutie, précédée de nombreux témoignages qui, une fois croisés, confirment la place centrale occupée par l'ex-argentier d'Union Montréal dans un système de collusion.

L'un après l'autre, quatre hauts dirigeants de firmes de génie ayant cumulé d'importants contrats à Montréal dans les années 2000 ont tous confirmé l'existence du système de partage de grands contrats d'infrastructure évoqué pour la première fois par l'ingénieur Michel Lalonde, à la fin janvier.

Tous ont aussi été unanimes à dire devant la commission que les activités illicites de M. Trépanier bénéficiaient, selon toutes vraisemblances, de l'aval du président du comité exécutif Frank Zampino, qui aurait donc été le véritable chef d'orchestre de ce système à la Ville de Montréal.

Le numéro 2 démissionnaire de Dessau, Rosaire Sauriol, qui fut un proche de ce dernier, a été sur ce point très affirmatif. Il doute d'ailleurs que l'ex-maire Gérald Tremblay en ait su quoi que ce soit : « Je serais très étonné que Tremblay ait su le début du commencement de cette histoire de collusion ».

Dessau, SNC-Lavalin, Genivar, Tecsult (depuis acheté par AECOM), CIMA, SM, BPR, Roche, Claulac, Teknika HBA, et Leroux, Beaudoin, Hurens étaient les firmes qui se répartissaient les contrats publics, avant même que les appels d'offres ne soient lancés.

Selon Michel Lalonde, président de la firme Genius conseil, c'est lui et M. Trépanier qui décidaient de ce partage, avalisé par M. Zampino. Le système fonctionnait grâce à la collaboration de l'ex-directeur de la réalisation des travaux publics, Robert Marcil, en raison de son influence alléguée auprès des comités de sélection (M. Marcil a cependant tout nié).

Les firmes de génie au confessionnal

Tous ces témoignages confirment que M. Trépanier a récolté des dizaines et des dizaines de milliers de dollars en argent comptant auprès de firmes de génie en échange de contrats publics de la Ville de Montréal. L'argent, ont-ils dit, devait servir à financer illégalement Union Montréal.

Mais la façon de procéder semble ne pas avoir été la même pour chaque firme.

Le système, tel qu'expliqué d'abord par M. Lalonde, impliquait une ristourne de 3 % à payer par chaque firme sur tout contrat d'infrastructure truqué obtenu entre 2005 et 2009. Les firmes collusionnaires auraient aussi eu à payer 100 000 $ ou 200 000 $, selon leur importance, pour entrer dans le système, à l'occasion de la campagne électorale de 2005.

Mais la version des faits des quatre hauts dirigeants de firmes qui l'ont suivi à la barre apporte d'importantes nuances.

Lors de son témoignage, le vice-président principal démissionnaire de Dessau, Rosaire Sauriol, a expliqué que sa firme ne versait pas de ristournes de 3 % et avait par ailleurs négocié à la baisse la demande de M. Trépanier pour une contribution exceptionnelle de 200 000 $. Dessau, qui versait environ 50 000 $ par année en argent comptant à Union Montréal depuis 2001, estimait faire déjà sa part.

De son côté, le vice-président principal de SNC-Lavalin, Yves Cadotte, a soutenu que si sa firme a versé le 200 000 $ demandé - 125 000 $ en argent comptant; 75 000 $ en acquittant une facture de la firme de communication Morrow - , elle ne versait pas le 3 % évoqué par Michel Lalonde.

Pour sa part, le président démissionnaire de BPR, Pierre Lavallée, a précisé avoir versé cette ristourne sur cinq contrats, en 2007 et 2008, mais n'avoir jamais versé de somme forfaitaire en 2005. Un de ses employés, Charles Meunier, avait préalablement reconnu avoir lui-même livré de l'argent à Bernard Trépanier.

Le vice-président démissionnaire de Genivar François Perreault, a confirmé que la firme a payé une bonne partie des 200 000 $ demandés par l'argentier d'Union Montréal pour financer la campagne électorale de 2005, et versé les ristournes qui, nuance-t-il, tournaient peut-être plutôt autour de 2 % de la valeur du contrat obtenu.

Que faisait vraiment Trépanier avec l'argent ?

Le témoignage du représentant officiel d'Union Montréal, enfin, est venu semer un doute sur la destination de l'argent ramassé par M. Trépanier. Marc Deschamps a soutenu lundi que si M. Trépanier collectait effectivement illégalement auprès des firmes, c'était pour mettre l'argent dans ses poches.

M. Deschamps a cependant confirmé que Bernard Trépanier, renvoyé de son poste de directeur de financement d'Union Montréal en février 2006 à la demande expresse du maire Gérald Tremblay, a continué a faire du financement pour le parti de façon toute officielle, au vu et au su de tous, semble-t-il. M. Deschamps a lui-même signé ses certificats de solliciteurs pour les années 2007, 2008 et 2009.

Par ailleurs, toutes les hauts dirigeants des firmes de génie venus témoignés ont confirmé que le système de collusion n'a aucunement souffert de la mise à pied de M. Trépanier. Les enquêtes de l'UPAC et celles de grands médias, dont Radio-Canada, lui seront cependant fatales. Le système se serait éteint vers 2009-2010.

Trépanier n'entend pas collaborer avec la commission

L'avocat de M. Trépanier, Me Daniel Rock, a déjà fait savoir que son client n'a pas rencontré les enquêteurs ni les procureurs de la commission Charbonneau et qu'il n'a pas l'intention de le faire. Il a cependant précisé que son client n'est « pas gêné » de se présenter devant la commission, et ne cherche pas à « l'esquiver ».

Bernard Trépanier est accusé de complot, d'abus de confiance, de fraude et de fraude envers le gouvernement dans le scandale du projet immobilier Faubourg Contrecoeur.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a obtenu mardi matin une ordonnance de non-publication préventive sur la partie de son témoignage qui portera sur ce dossier.

Le témoignage de M. Trépanier pourrait aussi permettre d'explorer la question du financement des partis politiques provinciaux. Michel Lalonde ayant affirmé lui avoir donné 2000 $ en marge d'une rencontre avec l'ex-ministre libérale Line Beauchamp au club privé 357c de Montréal, le 26 février 2007, pour le financement du PLQ.

Son nom avait déjà fait surface une première fois le 22 octobre 2009, dans une entrevue accordée par Benoît Labonté, l'ex-bras droit de Louis Harel, chef de Vision Montréal. Le lendemain, le quotidien La Presse diffusait un enregistrement d'une conversation, tenue fin 2006 ou début 2007, au cours de laquelle M. Trépanier annonçait au président de la firme d'ingénieurs SM, Bernard Poulin, qu'il obtiendrait un contrat pour la décontamination du Faubourg Contrecoeur.

Un texte de Bernard Leduc

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