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Daniel Breton au BAPE: une visite courtoise mais intimidante, dit un ex-membre

Daniel Breton au BAPE: une visite courtoise mais intimidante
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QUÉBEC - L'ex-ministre de l'Environnement Daniel Breton avait prévenu les employés du Bureau d'audiences publiques en environnement qu'ils seraient avisés si jamais il était insatisfait de leur travail, ont déclaré des commissaires de l'organisme gouvernemental.

Entendus par une commission parlementaire, les membres du BAPE ont expliqué les circonstances entourant la visite de M. Breton, décrite comme inhabituelle.

La rencontre avec le ministre survenait peu après le congédiement du président du BAPE, Pierre Renaud, ce qui a suscité certaines appréhensions chez les membres, responsables d'étudier les impacts environnementaux de divers projets.

Aucun ordre du jour n'avait été transmis en prévision de cette visite, qui s'est déroulée le 24 octobre.

Un peu plus d'un mois plus tard, M. Breton, qui était déjà attaqué par l'opposition en raison de sa visite au BAPE, démissionnait, emporté par une controverse à propos de loyers impayés et d'infractions au code de la route.

Malgré son départ, la commission mandatée par l'opposition afin de faire la lumière sur cette visite au BAPE a été maintenue.

Durant les audiences, mercredi, les députés de l'opposition libérale se sont appliqués à démontrer que M. Breton, un militant écologiste de longue date, avait été très critique envers l'organisme gouvernemental.

Les députés péquistes ont quand à eux insisté sur le fait que M. Breton ne s'est ingéré dans aucun dossier et n'a donné aucune directive, lors d'une tournée des bureaux qui l'a mené à s'adresser aux employés, et lors d'une rencontre privée qui a suivi, ce jour-là, avec les commissaires.

La partie gouvernementale a aussi souligné les liens entre le Parti libéral du Québec et les membres du BAPE, tous nommés par le précédent gouvernement de Jean Charest, au moment de la visite.

Premier témoin entendu, l'ex-vice président du BAPE Pierre Fortin, congédié ensuite par M. Breton, a affirmé qu'avant la rencontre avec les cinq commissaires, le ministre avait affirmé qu'il suivrait de près les travaux de l'organisme.

«Il a reconnu que le travail du BAPE était important et que, s'il n'était pas content du travail du BAPE, il s'organiserait pour nous le faire savoir», a-t-il dit aux députés.

Quatre autres membres entendus mercredi ont témoigné dans le même sens que M. Fortin, qui a néanmoins qualifié de «courtois» l'échange à huis-clos qui a suivi avec les commissaires, reconnaissant que le ministre ne s'était ingéré directement dans aucun dossier.

Selon l'ex-commissaire, maintenant consultant privé en environnement, cette visite était une source d'embarras, puisqu'aucun ministre, sauf André Boisclair, ne s'est jamais présenté au BAPE.

M. Fortin a expliqué que normalement, Pierre Renaud, congédié au début d'octobre, aurait refusé pareille visite et il a soutenu qu'il n'avait pas, à titre de vice-président, le pouvoir d'en faire autant.

Les commissaires craignaient que M. Breton s'ingère dans les dossiers et M. Fortin a convenu avec ses collègues qu'il rappellerait au ministre les règles d'éthique dans l'éventualité où il entrerait dans les détails.

«On était intimidés de voir débarquer le ministre comme ça, on ne savait pas ce qu'il allait faire», a-t-il dit.

Selon M. Fortin, congédié quelques jours après la visite, M. Breton n'aurait jamais dû se rendre au BAPE car cela nuit à l'apparence de neutralité de l'organisme.

Michel Germain a ensuite témoigné qu'après avoir considéré que les échanges avec M. Breton étaient anodins, il s'était inquiété lorsque des médias ont rapporté la visite, quelques jours plus tard, en précisant que la garde du corps du ministre avait obtenu de la réceptionniste une liste de numéros de téléphones, dont les cellulaires des commissaires.

«En fonction des propos du ministre, même s'ils étaient généraux, ça faisait des adéquations, a-t-il dit. (...) Pour moi, ce serait inacceptable de recevoir un appel de type politique.»

François Lafond a quant à lui souligné que le congédiement de M. Renaud, suivi de celui de M. Fortin, avait été une source d'insécurité. «C'est sûr que quand tu en vois deux qui viennent de partir, effectivement tu te poses la question: est-ce que je serai le suivant».

Dans le passé, M. Breton avait critiqué fortement le travail du BAPE, notamment l'évaluation du projet de réfection de l'échangeur Turcot.

Le député libéral Marc Tanguay a rappelé que l'ex-ministre avait écrit, en juin 2009, que les membres du BAPE n'étaient plus «légitimes» parce que leurs évaluations penchaient du côté des promoteurs au détriment des impacts environnementaux.

«Je pense qu'il était extrêmement virulent par rapport à la crédibilité même du BAPE», a-t-il dit.

M. Germain, qui a présidé les audiences du projet Turcot, a reconnu que la nomination de M. Breton à l'Environnement avait suscité des appréhensions, qui se sont concrétisées quand le ministre a évoqué ses insatisfactions envers le dossier Turcot pendant sa visite d'octobre.

Le ministre a toutefois pris la peine de rassurer M. Germain que ses critiques n'étaient pas dirigées contre lui.

Voici ce qu'aurait dit M. Breton, selon ce qu'a rapporté M. Germain: «ce que j'ai dit sur l'échangeur Turcot, il ne faut pas que vous le preniez personnel, ce n'est pas vous que je visais, c'étaient les autorités du ministère des Transports».

Le député péquiste Scott McKay a affirmé que les membres du BAPE avaient tous des liens avec les libéraux, soit parce qu'ils avaient fait partie du personnel politique ou avaient été candidats sous leur bannière.

«Est-ce que c'est un gage d'indépendance du BAPE ?», a-t-il demandé à M. Fortin, qui a été attaché politique.

Le témoin a défendu la compétence des commissaires, auxquels se sont ajoutés deux autres membres, nommés par les péquistes après les départs de MM. Fortin et Renaud.

«Je ne pense pas que le fait d'avoir passé dans un cabinet, ce soit une tache à vie pour une personne, a-t-il répondu. Je ne penserais pas, au contraire.»

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