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Claude Léger et Christian Ouellet devant la commission Charbonneau

Claude Léger de retour devant la commission Charbonneau

L'ex-directeur général de la Ville de Montréal a admis à la commission Charbonneau que l'ancien président du comité exécutif Frank Zampino lui a fait des demandes inappropriées, mais qu'il n'en a jamais parlé à l'ex-maire Gérald Tremblay, par crainte de représailles ou que son rêve de diriger la métropole n'en vienne à une fin abrupte. Claude Léger a néanmoins démissionné dans la tourmente en 2009, emporté par le scandale des compteurs d'eau.

Claude Léger a confessé qu'avant même son embauche en 2006, un événement aurait pourtant dû éveiller ses soupçons. Ainsi, alors que le processus d'embauche n'était pas encore officiellement lancé, il était invité par Rosaire Sauriol, de la firme de génie-conseil Dessau, à une rencontre avec Frank Zampino au club Saint-Denis.

Claude Léger affirme que Rosaire Sauriol, présent lors de cette rencontre, avait même mentionné qu'il avait fait « du bon travail » lorsqu'il avait dirigé la Ville de Longueuil, quelques années plus tôt. Avec le recul, l'ancien directeur général de la Ville dit croire qu'il s'agissait là d'un « double langage », et que ses interlocuteurs retenaient surtout qu'il n'avait pas été en mesure de voir certaines affaires louches qui s'étaient produites sous sa gouverne.

« Est-ce que vous vous seriez qualifié de naïf, que c'est peut-être l'image que vous projetiez? » lui a alors demandé la commissaire France Charbonneau. « Je pense que oui », a répondu Claude Léger. « On a ri de moi dans des conversations téléphoniques qui ont été enregistrées et publiées dans les journaux. On ne m'a pas tout raconté, on m'a contourné, on m'a utilisé ».

Claude Léger affirme en outre qu'à deux reprises, en 2008, Frank Zampino a profité des rencontres statutaires qu'il avait avec lui tous les mercredis pour l'inciter à intervenir auprès de comités de sélection.

« M. Zampino [...] me glisse une feuille sur laquelle il y a le nom d'un projet et des noms de firmes. Il n'y a pas eu beaucoup de mots échangés, je ne pourrais même pas me rappeler les paroles, c'est des souvenirs enfouis très profondément, mais je comprends qu'il me demande d'intervenir auprès d'un comité de sélection », a-t-il expliqué.

Il dit avoir été « tétanisé » par ces épisodes, mais assure qu'il n'a jamais tenu compte de ce qu'il considérait comme des demandes de Frank Zampino.

Frank Zampino avait une « stature immense », avait dit le témoin précédemment « Je le respectais beaucoup. [...] Je le pensais profondément intègre ».

L'ancien haut fonctionnaire soutient que Claude Dauphin a repris le même manège après avoir succédé à Frank Zampino. Ce dernier semblait cependant « mal à l'aise » d'agir de la sorte, et lui aurait dit : « Il paraît que ça fait partie de mes fonctions de président du comité exécutif de vous montrer ceci ». Claude Léger dit l'avoir sommé de ne plus faire ça, chose qu'il n'avait pas osé faire avec Frank Zampino.

Claude Léger affirme qu'il n'a jamais parlé de ces épisodes au maire Tremblay, en partie à cause du regret ou de la honte d'avoir été attiré dans ces façons de faire, même s'il n'y a jamais donné suite.

Claude Léger a aussi admis qu'il fallait parfois « avaler des couleuvres » lorsqu'on oeuvrait dans le monde municipal. Invité à préciser quelles « couleuvres » il avait lui-même avalées lors de son passage à la Ville, il a évoqué le stratagème de collusion des firmes de génie évoqué en janvier par le PDG de Génius Michel Lalonde, et les interventions de Frank Zampino au sujet de la composition des comités de sélection.

L'ex-directeur général de la Ville a expliqué à ce sujet que Frank Zampino lui avait présenté dès 2007 une liste de fonctionnaires municipaux qui étaient aptes, selon lui, à siéger comme membre externe à des comités de sélection. Claude Léger dit qu'il n'a pas tenu compte de cette liste, qu'il assimilait à une suggestion, qu'il l'a détruite, et qu'il ne se souvient pas des noms qui y figuraient.

La même année, Frank Zampino lui a mentionné que Robert Marcil, alors chef de division du service des immeubles, des travaux publics et de l'environnement (SITE), ferait du bon travail à des comités de sélection. Claude Léger dit ne pas en avoir parlé au directeur général adjoint du SITE, Yves Provost, mais qu'il l'a fait ultérieurement avec son successeur Gilles Robillard. Robert Marcil a effectivement été sélectionné plus régulièrement par la suite.

Claude Léger admet qu'il était conscient que cela constituait un risque. Il craignait que des élus ne tentent d'influencer Robert Marcil, même si ce dernier avait « de très bonnes références ». Il dit avoir voulu contrebalancer ce risque en s'assurant que personne d'autre de la division de M. Marcil ne siège à un même comité de sélection que lui. Il maintient cependant qu'il n'était absolument pas au courant du système de partage de contrats décrit par Michel Lalonde.

Le scandale des compteurs d'eau : un départ dans le déshonneur pour Léger

Claude Léger a convenu qu'il était maintenant « clair comme de l'eau roche » que les firmes de génie-conseil choisies pour gérer le dossier des compteurs d'eau et celui du projet immobilier Faubourg Contrecoeur avaient été choisies à l'avance, plutôt qu'au terme d'un processus légitime. Il dit avoir acquis cette conviction lors du témoignage de Michel Lalonde devant la commission.

M. Léger affirme que dès la publication du rapport accablant du vérificateur général, en septembre 2009, sur le scandale des compteurs d'eau, il a été rencontrer le maire Gérald Tremblay pour lui proposer de démissionner. « J'étais conscient d'avoir une part de responsabilité dans tout ça », a-t-il convenu.

Il dit avoir voulu, par ce geste, éviter au maire le scandale en pleine campagne électorale.

Claude Léger croit que le président du comité exécutif de la Ville, Frank Zampino, est celui qui avait convaincu Gérald Tremblay de la nécessité d'installer des compteurs d'eau. À l'époque, les fuites d'eau dans le réseau occasionnaient des pertes entre 40 % et 50 % et le projet visait à la fois l'optimisation du réseau et l'installation de compteurs dans les commerces, les industries et les institutions.

M. Léger a dit que, malgré l'avis des fonctionnaires, M. Zampino avait décidé qu'il n'y aurait qu'un seul appel d'offres pour les deux volets, et que le meilleur soumissionnaire les obtiendrait tous les deux. L'appel d'offres, tel que rédigé, avait été fortement critiqué par le vérificateur général selon qui il limitait indûment le nombre de soumissionnaires potentiels. Le témoin a dit par exemple qu'il était « suspect » d'exiger une « connaissance du milieu montréalais » dans le cadre de ce processus.

Le contrat de 356 millions de dollars pour les compteurs d'eau, accordé au consortium GÉNIeau, formé de Simard-Beaudry (Tony Accurso) et de la firme de génie Dessau, a finalement été annulé par la ville dans la foulée du rapport du vérificateur général.

M. Zampino a quitté son poste de président du comité exécutif en juillet 2008. Il est devenu peu après vice-président principal et chef de la direction financière de la firme de génie Dessau, un poste dont il a cependant démissionné en avril 2009 dans la foulée des révélations sur ses liens avec l'entrepreneur Tony Accurso.

M. Zampino avait admis quelques jours plus tôt qu'il avait séjourné à deux reprises sur le yacht de Tony Accurso, dont une fois, en janvier 2007, au moment où l'entreprise de ce dernier était engagée dans l'appel d'offres pour l'installation de compteurs d'eau dans la ville de Montréal.

Le numéro un de l'administration municipale de 2006 à 2009 a affirmé, lors de la première partie de son témoignage, qu'il était un fonctionnaire « impuissant » qui était contraint de respecter les décisions du comité exécutif, alors présidé par Frank Zampino.

Au comité exécutif, « si vous exprimez des objections trop souvent, je pense que votre carrière [de directeur général] ne sera pas très longue à la Ville de Montréal », a-t-il ajouté lundi.

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Un texte de François Messier et Bernard Leduc

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