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L'aspirant: l'histoire de Justin Trudeau (partie 6)

L'aspirant: l'histoire de Justin Trudeau (partie 6)
Huffington Post

Justin Trudeau est-il le sauveur du Parti libéral du Canada?

Sera-t-il premier ministre un jour?

Avec L'aspirant: l'histoire de Justin Trudeau, la chef de bureau du Huffington Post Canada à Ottawa Althia Raj peint un portrait des années passées par Trudeau à Ottawa, Montréal et Vancouver et entraîne le lecteur dans les coulisses de son ascension politique.

Le récit qui compte 10 chapitres est présenté sur une semaine. Par ailleurs, le livre électronique complet est déjà disponible gratuitement en téléchargement (en anglais, liens à la fin de l'article). La version française sera disponible sous peu.

À LIRE:

PARTIE 1 - CHAPITRES 1 ET 2

PARTIE 2 - CHAPITRES 3 ET 4

PARTIE 3 - CHAPITRE 5

PARTIE 4 - CHAPITRE 6

PARTIE 5 - CHAPITRE 7

PARTIE 6 - CHAPITRE 8

PARTIE 7 - CHAPITRES 9 ET 10 - ENTREVUE AVEC JUSTIN TRUDEAU

CHAPITRE 8 : LA COMPÉTITION

Troisième ronde.

Le pugiliste de Papineau revient encore en force. Les acclamations pour Trudeau atteignent leur paroxysme.

Brazeau est roué de coups, il est assommé.

Lilley : « Tout le monde croyait que Justin Trudeau frapperait comme Justin puis s’effondrerait au sol comme Justine. Mais ce n’est vraiment pas ce qui se passe présentement, encore moins pendant cette troisième ronde. »

Levant : « On dirait que nous assistons à une bar-mitsva libérale. Aujourd’hui, il devient un homme Brian. Oh, il fulmine. »

Trudeau continue de décharger ses coups de poing sur Brazeau.

Pendant que Brazeau reprend son souffle, Trudeau, les poings en l’air, joue le jeu pour la foule et l’exhorte à l’encourager.

Levant : « C’est comme le retour de son père aux élections de 1980. Il avait perdu en 79, alors tout le monde l’avait exclu de la course. Mais il est revenu en 80… »

Lilley l’interrompt : « …Trudeau a l’air solide. »

Le visage de Brazeau est ensanglanté. Trudeau n’a aucune pitié et continue de le marteler de coups.

Levant : « Boom, boom, boom. C’est bientôt la fin pour le conservateur. Il est dans le coin. Ce combat est terminé. Avec tout ce sang, l’arbitre doit intervenir. »

L’œil tuméfié déjà apparent, le regard abattu et la bouche ouverte, Brazeau a l’air assommé.

Lilley : « Brazeau semble déçu. »

Trudeau s’éloigne.

Levant : « Beaucoup de gens ont perdu beaucoup d’argent ce soir. Les bookmakers avaient donné des chances de 3 contre 1 et les sondeurs ont aussi dit 3 contre 1. Le conservateur se fait réduire en miettes.

Avec seulement une minute à faire, les organisateurs décident d’arrêter le combat. C’est un KO technique. Trudeau est le vainqueur. Il savoure le moment les deux bras dans les airs. Il n’a pas du tout l’air surpris par ce qu’il vient d’accomplir.

Levant : « Et voilà c’est terminé. »

Lilley : « Cela n’a même pas duré jusqu’à la toute fin. »

Levant : « Ce n’était même pas serré. »

Trudeau révèlera plus tard à Levant que Brazeau lui avait fait voir des étoiles en début de combat.

« Mais j’ai continué. Je suis capable d’encaisser un coup dur, mais il n’avait pas réalisé cela. »

* * *

Suite du texte sous la galerie

Justin Trudeau au fil des années

Le 2 mai 2011 a été une soirée désastreuse pour le Parti libéral du Canada. Les libéraux ont perdu plus de la moitié de leurs sièges à la Chambre des communes et leur pourcentage du vote populaire a chuté à son niveau le plus bas de l’histoire. Moins d’un électeur sur cinq a voté pour eux. Trudeau a été épargné du massacre. Le député de Guelph Frank Valeriote et lui ont été les seuls pour qui le nombre de votes a augmenté par rapport aux élections de 2008. Mais au fur et à mesure que les résultats étaient divulgués, il devenait clair pour Trudeau qu’il allait devoir attendre beaucoup plus longtemps qu’il ne le pensait pour pouvoir réaliser ses aspirations politiques.

Trudeau n’était plus certain de vouloir demeurer en politique. La pente descendante sur laquelle glissait son parti lui semblait inéluctable. Il pensait même retourner vers l’enseignement. S’il ne pouvait rien accomplir de positif à Ottawa, au moins, grâce à l’enseignement, il pourrait faire une différence dans la vie de quelques centaines de jeunes chaque année.

De son côté, Butts avait conseillé à Trudeau de ne prendre aucune décision majeure par rapport à sa vie. Il l’avait prévenu : la majorité conservatrice allait le prendre aux tripes. Maintenant que Michael Ignatieff était hors du portrait, Trudeau savait qu’il y aurait de la pression sur lui pour se présenter dans la course à la chefferie. Mais était-il prêt? Ce n’était pas ce qu’il avait prévu. Il croyait qu’il allait être député dans un cabinet libéral pendant quelques années avant de viser le plus haut poste du parti, mais finalement il n’allait pas en avoir l’occasion.

Trudeau commençait à penser que la politique et le Parti libéral ne seraient pas la façon par laquelle il allait changer le monde. Il était frustré par les illusions des libéraux qui croyaient encore qu’avec le bon chef, tout le reste reprendrait son cours normal.

« J’étais inquiet à l’idée que plusieurs ne prendraient pas le renouvellement du parti au sérieux s’ils croyaient avoir un leader populaire», dit-il.

Il ne voulait pas le poste si les gens n’étaient pas motivés à travailler pour rebâtir le pays. Avec deux jeunes enfants à la maison et un parti en chute libre, il décida de ne pas entrer dans la course et de planifier son départ.

Trudeau pensait non seulement à quitter la vie politique, mais aussi le Canada. Il méditait sur la possibilité de déménager dans une ville telle que New York, Londres, Paris ou Genève – peut-être pour aller travailler pour un organisme non gouvernemental ou simplement voyager quelque temps avec ses enfants.

« Dans une certaine mesure, Justin avait la réputation d’essayer de nouvelles choses puis de les abandonner et j’espérais qu’il ne ferait pas la même chose avec la politique, parce que je croyais vraiment que c’était son destin », dit Mathieu Walker.

« Tout le mérite lui revient d’avoir pensé à ces choses-là, mais je crois qu’il s’est dit : Non, je suis là-dedans pour y rester. Je crois en cette vocation et je vais continuer. Et je suis vraiment content qu’il l’ait fait. »

En janvier 2012, Trudeau considérait à nouveau la course à la chefferie. Il ressentait que la politique était de plus en plus polarisée et qu’il pouvait peut-être reproduire les événements de sa victoire dans Papineau. « Ce qui voulait dire que les gens allaient encore avoir des doutes sur moi, doutant de mes capacités d’y arriver, » concède-t-il.

Butts savait ce qui se passait dans l’esprit de son ami et commença à rassembler de façon préventive une équipe de conseillers potentiels. En février, il a approché Katie Telford, l’ancienne directrice adjointe du cabinet de Stéphane Dion et aussi une ancienne collègue avec qui Butts avait travaillé étroitement à Queen’s Park en Ontario.

Ce printemps-là, Trudeau a fait part de ses intentions à Bob Rae, le chef intérim des libéraux. Rae avait passé son temps à traverser le pays pour rebâtir et amasser des fonds pour le parti et s’assurait en même temps que les libéraux étaient bien représentés à la Chambre des communes. Lorsqu’il avait pris le poste temporaire, Bob Rae avait promis de ne pas entrer dans la course à la chefferie, mais il convoitait le poste permanent désespérément et plusieurs libéraux étaient prêts à le laisser se présenter. Il était devenu clair en janvier que si Rae se présentait dans la course, le nouvel exécutif du parti ne s’opposerait pas à sa candidature.

Rae et Trudeau avaient une relation cordiale, mais ils n’étaient pas proches. Après les élections, Rae avait retiré Trudeau comme porte-parole à l’Immigration et l’avait relégué à l’arrière-ban. Il était maintenant porte-parole à la Jeunesse, aux Sports et à l’Éducation postsecondaire. Il n’avait même pas d’assignation dans un comité. La raison qu’on avait donnée à Trudeau, qui avait alors 39 ans, était qu’il était la plus grande attraction du parti et qu’il serait plus utile sur la route à rencontrer les citoyens, à rebâtir le parti et à faire des levées de fonds, qu’à la Chambre des communes. Toutefois, il serait difficile pour Trudeau d’attirer l’attention des médias à Ottawa s’il n’avait pas de temps de parole à la Chambre des communes. Certains ont pensé que Rae avait paralysé Trudeau pour protéger ses propres ambitions à la chefferie.

Mais maintenant que Rae était placé devant les intentions de Trudeau, que pouvait-il faire ? Cela faisait déjà deux fois qu’il perdait sa chance à la direction du parti. Il avait perdu contre Stéphane Dion en 2006, puis en 2008, il avait décidé de ne pas faire concurrence à Michael Ignatieff qui obtenait beaucoup de soutien du caucus, pour donner plus de chance au parti de vaincre les conservateurs après la prorogation.

Il semblait maintenant qu’il allait devoir affronter le fils préféré du parti et la possibilité d’une dynastie politique libérale. Ce n’était pas une bataille qu’il voulait perdre. En juin, il dit au caucus qu’il n’allait pas se présenter dans la course. Des larmes coulaient sur le visage de certains de ses partisans les plus proches.

C’était maintenant le tour de Trudeau. S’il n’entrait pas dans la course, certains disaient haut et fort qu’il n’y aurait peut-être même plus de parti à reconstruire en 2015. Trudeau et son équipe ont passé l’été à organiser sa campagne.

« Il s’attendait à ce que les conservateurs et le NPD s’attaquent à lui de manière personnelle et il voulait que sa famille, particulièrement sa femme, soient prêts », précise Butts.

La nouvelle de la décision de Trudeau a commencé à se répandre en septembre. Le 2 octobre, le jour de l’anniversaire de son petit frère Michel, Trudeau a annoncé qu’il allait suivre les pas de son père. L’annonce qu’un député de l’arrière-ban se présentait dans la course à la chefferie du parti en troisième place a attiré énormément d’attention de la part des médias.

Debout devant une grande toile de fond arborant le nom « Justin », Trudeau, vêtu d’un habit gris, d’une chemise blanche et d’une cravate grise, a déclaré : « J’adore ce pays, je veux passer ma vie à le servir. C’est pourquoi ce soir, je m’offre pour le poste de chef du Parti libéral du Canada. »

La foule d’amis et de partisans présente dans le centre communautaire William-Hingston dans Papineau scandait des « Trudeau ! Trudeau ! », avant de passer à « Justin ! Justin ! »

* * *

TRADUCTION FRANÇAISE: Sophie Ferrandino

À LIRE:

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