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L'aspirant: l'histoire de Justin Trudeau (partie 5)

L'aspirant: l'histoire de Justin Trudeau (partie 5)
Huffington Post

Justin Trudeau est-il le sauveur du Parti libéral du Canada?

Sera-t-il premier ministre un jour?

Avec L'aspirant: l'histoire de Justin Trudeau, la chef de bureau du Huffington Post Canada à Ottawa Althia Raj peint un portrait des années passées par Trudeau à Ottawa, Montréal et Vancouver et entraîne le lecteur dans les coulisses de son ascension politique.

Le récit qui compte 10 chapitres est présenté sur une semaine. Par ailleurs, le livre électronique complet est déjà disponible gratuitement en téléchargement (en anglais, liens à la fin de l'article). La version française sera disponible sous peu.

À LIRE:

PARTIE 1 - CHAPITRES 1 ET 2

PARTIE 2 - CHAPITRES 3 ET 4

PARTIE 3 - CHAPITRE 5

PARTIE 4 - CHAPITRE 6

PARTIE 5 - CHAPITRE 7

PARTIE 6 - CHAPITRE 8

PARTIE 7 - CHAPITRES 9 ET 10 - ENTREVUE AVEC JUSTIN TRUDEAU

CHAPITRE 7 : CIBLE OUVERTE

Deuxième ronde. La cloche sonne. Trudeau, plein d’énergie, assène le premier coup.

L’animateur de Sun News Ezra Levant : « Brazeau prend des coups. Le shiny poney est un étalooooon! »

Brazeau est surpris. Ses yeux sont gros et brillants. Le choc.

Levant : « Je pense que Brazeau prend des coups plus durs qu’il ne s’y attendait. »

Trudeau est concentré et déterminé. Ses coups sont réguliers et énergiques.

Peut-être est-ce sa longue portée ou son endurance, suggèrent les deux animateurs de Sun News. La foule éclate en cris et en applaudissements alors que Trudeau commence à marteler Brazeau. Le sénateur ne le frappe pas en retour. Les animateurs sont abasourdis.

Levant : « Je n’aurais jamais deviné, je n’y aurais jamais pensé, je croyais que le Brazman était en train de l’achever. Pas assez fort pour assommer le poney. »

Les attentes envers Trudeau étaient faibles au départ et il les dépasse, lance Levant à son auditoire.

Brazeau se retient sur les cordes.

Lilley : « Dans le coin, il ne fait que prendre les coups! Un, deux, trois, quatre, cinq! »

Levant : « L’arbitre s’interpose. Je peux déjà l’entendre, Trudeau comme chef. Bob Rae est le suivant, Brian. »

Trudeau frappe Brazeau au visage.

Lilley : « Wow! Directement au visage! »

Levant : « Le nez de Brazeau a l’air de commencer à saigner. Il ne fait que se balancer frénétiquement. »

La cloche sonne. Trudeau retourne à son coin, tout sourire. Pas un soupçon de fatigue.

Levant : « Jamais je n’aurais pensé. Le poney. Ce n’est pas seulement les entraînements de jazzercice ou de Tae Bo, il peut réellement donner des coups de poing. Je vois le sang sur les gants de Trudeau. »

La caméra retourne sur Brazeau, le sang coule de son nez, il cherche son souffle.

* * *

Suite du texte sous la galerie

Justin Trudeau au fil des années

Trudeau est non seulement le meilleur militant libéral, il est aussi leur meilleur collecteur de fonds.

Il est une machine à amasser des fonds. Aucun autre concurrent dans la course à la chefferie n’a démontré autant de capacité à remplir les coffres du parti que lui. En janvier, lorsque les chiffres des collectes de fonds ont été divulgués, Trudeau avait amassé plus de quatre fois la somme de son plus proche adversaire. Pendant les trois derniers jours de 2012, un appel de dernière minute a réussi à amasser 125 000 $ de plus. Ses commentaires controversés sur l’Alberta, publiés la veille d’une élection partielle, ont aussi été fructueusement tournés en une campagne de financement. Son équipe a demandé à ses partisans de faire des dons pour aider Justin à se défendre contre les attaques des conservateurs. Ses commentaires ont possiblement coûté cher à Harvey Locke, le candidat libéral de Calgary-Centre, mais ils ont rapporté des milliers de dollars à Trudeau.

À la mi-février, sa campagne dépassait la barre du million de dollars. À la fin février, Trudeau continuait d’amasser des fonds, se présentant à des événements privés plusieurs fois par semaine, même si son équipe de campagne ne pourrait bientôt plus dépenser tout cet argent amassé.

Tous les fonds supplémentaires iront au parti, s’ils ne sont pas d’abord utilisés pour repousser les attaques publicitaires attendues des conservateurs. Butts révèle que l’équipe Trudeau est prête à répondre à toute attaque dans les 72 heures qui suivront. Leur demander s’ils sont prêts à une attaque des conservateurs, c’est comme demander « si nous avons un discours prêt le jour du décollage », dit-il.

Les conservateurs ont beaucoup de munitions contre Trudeau. Son taux de présence à la Chambre des communes est faible. Il a continué d’être payé pour des allocutions après avoir été élu, gagnant des revenus dans les cinq chiffres pour parler dans des institutions publiques et des événements corporatifs. Et il n’a pas toujours parlé avec la maturité attendue d’un politicien fédéral, notamment en traitant de merde le ministre de l’Environnement, Peter Kent, lors d’un débat sur les changements climatiques. (Il s’est ensuite excusé.)

Le jugement de Trudeau peut facilement être remis en question.

Il a été vivement critiqué pour avoir suggéré que le mot « barbare » n’était pas le bon mot à utiliser pour décrire les crimes d’honneur (le plus souvent commis contre des femmes par les hommes de la famille), en disant que les publications du gouvernement du Canada devraient faire une tentative de neutralité responsable. Il s’est encore une fois excusé.

Il a fait volte-face sur plusieurs positions clés, notamment la coopération avec le NPD, en prévision des élections de 2015. Sun Media a diffusé un discours enregistré à Vancouver en 2011, où il explique à des étudiants : « Si d’ici 2015, avec l’approche des élections, aucun parti ne semble avoir tout ce qu’il faut pour briller et être la solution évidente, alors il y aura beaucoup de pression sur nous pour que nous commencions à penser à coopérer. Je crois qu’il n’y a personne au Parlement, mis à part le Parti conservateur du Canada, qui est prêt à risquer de voir Stephen Harper devenir premier ministre à nouveau. »

Mais maintenant qu’il a la chance de devenir le prochain premier ministre, Trudeau déclare que toute coopération avec un autre parti est impossible.

Les commentaires qu’il a faits pendant la campagne électorale à Hawkesbury, en Ontario, quand il a indiqué que le registre des armes à feu était un échec et qu’il ne devait pas être ressuscité, ont pris plusieurs des membres de son équipe par surprise.

Les partisans et membres des conservateurs et du NPD espèrent qu’il commettra d’autres gaffes. Ils repassent au peigne fin toutes les transcriptions et les articles de journaux de ses nombreuses apparitions publiques depuis 2000.

Seulement quelques jours avant une élection partielle à Calgary que les libéraux croyaient pouvoir remporter, le NPD a divulgué à Sun Media une entrevue en français que Trudeau avait donnée en 2010, dans laquelle il suggérait que le Canada avait fait piètre figure parce que les Albertains gèrent l’agenda sociodémocratique. Trudeau poursuivait en déclarant qu’il trouvait que les Québécois dirigeraient mieux le pays que les Albertains.

Ses commentaires ont provoqué un tollé et il a été forcé de s’excuser en disant qu’il ne parlait pas de tous les Albertains, mais bien de l’équipe de Stephen Harper en particulier. Les conservateurs en ont rajouté, avec le ministre de l’Immigration Jason Kenney qui a déclaré que les paroles de Trudeau divisaient l’opinion et rappelaient l’arrogance de son père et de son programme d’énergie nationale.

Pour la première fois, plusieurs libéraux ont été forcés de constater que Trudeau pouvait être un boulet.

Trudeau dit qu’il apprend à être plus discipliné dans les messages qu’il livre. La course à la chefferie l’a forcé à collaborer et à faire confiance à d’autres pour prendre des décisions relatives à son horaire, à ses discours et aux communications.

« J’apprends… à ne plus être indépendant dans mes réponses sans avoir préalablement consulté les gens autour de moi à propos des positions que je vais prendre », avoue-t-il.

Les attaques contre Trudeau peuvent aussi se retourner contre la personne qui en sont à l’origine. Personne ne veut voir le fils préféré, que tout le monde a vu grandir à la télévision, se faire attaquer injustement. C’est une ligne délicate que les conservateurs et le NPD devront faire attention de ne pas dépasser pendant les prochaines élections si Trudeau est élu chef des libéraux.

LeBlanc croit que les attaques publicitaires négatives auront un effet différent de celles qui étaient dirigées vers Ignatieff et Dion auparavant. « Ils savent qui il (Trudeau) est et le public canadien est attaché à lui, ils l’ont vu naître, ils l’ont vu grandir, avec le père monoparental et les trois garçons. Ils l’ont vu soutenir son père en deuil lors des funérailles de son petit frère… Ces choses-là sont incrustées dans leur tête. Dans certaines communautés culturelles, ce nom veut dire quelque chose de très profond. Alors ce ne sera pas facile d’ébranler cette notion avec une publicité merdique», commente LeBlanc.

Trudeau, rajoute LeBlanc, n’hésitera pas à riposter. « Il a cette ténacité. »

En ce qui a trait à sa vie personnelle, ses amis proches disent que ses adversaires politiques ne trouveront rien d’intéressant.

« Il s’est contredit par le passé, c’est correct. Je connais le style de vie qu’il a mené. Il n’y a rien », assure son ami Thomas Panos. « Je ne vois pas ce qu’ils pourraient faire ressortir qui changerait la perception des gens. Il a eu une vie beaucoup plus propre que la mienne. »

Mais il y a tout de même un aspect de la vie récente de Trudeau que les conservateurs pourraient bien tenter d’exploiter.

Son ancien colocataire, Christopher Ingvaldson, a été arrêté en juin 2010 avec des chefs de possession et de distribution de matériel pornographique juvénile. Il a plaidé coupable à deux de ces chefs, soit le visionnement et la possession de pornographie juvénile, puis a été condamné à trois mois de prison avec deux ans de probation.

En février 2012, le ministre de la Sécurité publique Vic Toews a signifié à ses opposants que devant une loi qui accorderait aux policiers de vastes pouvoirs de surveillance de l’activité sur internet, ils pouvaient être soit « de notre côté ou du côté des pédophiles. » Butts, le conseiller principal de Trudeau, admet que le lien entre Trudeau et Ingvaldson lui est immédiatement venu à l’esprit.

« Ils pensaient sûrement à cela », dit-il.

Ingvaldson et Trudeau étaient très proches. Ingvaldson a même contribué à un chapitre du livre Pierre, édité par Nancy Southam, relatant ses souvenirs de sa rencontre avec l’ancien premier ministre lorsqu’il était passé chez lui à Montréal.

Les accusations criminelles ont choqué tout le monde. Trudeau a coupé tout contact.

Quelques semaines après la condamnation d’Ingvaldson, Trudeau refuse toujours de commenter sur son ancien colocataire. Lors du chemin de retour en voiture vers son hôtel à Vancouver, Trudeau dit que même si on aimerait croire qu’une personne sera toujours là pour ses bons amis, ce n’est pas le cas. « Il y a des limites qui ne peuvent être dépassées », affirme-t-il, visiblement troublé.

Butts est plus inquiet que Panos au sujet des attaques des conservateurs. Il croit que ces derniers sont constamment préoccupés par son candidat. « Si j’étais à leur place, je le serais aussi. »

* * *

TRADUCTION FRANÇAISE: Sophie Ferrandino

À LIRE:

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