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Marcil dément avoir été contraint de démissionner de la Ville

Marcil dément avoir favorisé des firmes pour des contrats en échange d'argent
CEIC

EN DIRECT - Robert Marcil dément avoir été payé pour influencer les résultats de comités de sélection de la Ville pour évaluer des soumissions pour des contrats de services professionnels, comme l'a allégué le PDG de Génius Michel Lalonde le mois dernier.

Il assure avoir toujours agi de façon impartiale lors des 17 comités de sélection auxquels il a été invité à participer par la direction de l'approvisionnement de la Ville.

Michel Lalonde avait soutenu avoir remis 1000 $ ou 2000 $ au directeur de la réalisation des travaux à la Ville à la demande de Bernard Trépanier. L'argentier d'Union Montréal lui avait dit que l'argent était destiné à un membre du comité de sélection pour un contrat rue De Clichy, dans l'arrondissement Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, qui a finalement été accordé à Génius à l'été 2009.

Il s'est avéré que M. Marcil siégait lui-même à ce comité, comme l'a appris M. Lalonde, à sa plus grande surprise, lors de la commission.

Le témoignage de M. Marcil est terminé. L'ex-directeur de l'approvisionnement à la Ville, Serge Pourreaux, lui succède à la barre. Il sera suivi demain par Claude Léger, ex-DG de la Ville.

« M. Lalonde n'a pas dit la vérité », a déclaré Robert Marcil. Selon lui, le PDG de Génius a tenu des propos mensongers à son endroit par vengeance. Il avance que Michel Lalonde a agi de la sorte parce qu'il a préféré se joindre au groupe SM plutôt qu'à Génius après avoir quitté la Ville, parce qu'il a réussi à débaucher des employés de Génius et que SM a conquis des territoires de la banlieue nord de Montréal que Génius Conseil considérait comme siens.

Lorsque le commissaire Renaud Lachance lui a demandé s'il aurait lui-même été prêt à venir mentir à la commission par vengeance, le témoin a répondu : « Oui je l'aurais peut-être fait. [...] Il n'y a rien d'impossible ». Il a ensuite tempéré ses propos, en déclarant qu'il ne pouvait se « placer dans la peau de M. Lalonde », mais qu'il n'aurait pas fait ça personnellement.

La commissaire Charbonneau a soulevé le fait que Robert Marcil siégeait de plus en plus souvent à de tels comités à compter de 2007-2008, alors que ses responsabilités à la Ville venaient pourtant d'augmenter. Le témoin a soutenu qu'il considérait que cela faisait partie de son travail, mais qu'il aurait probablement demandé à être appelé moins souvent s'il avait pousuivi sa carrière à la Ville.

Le témoin a longtemps tergiversé lorsque le procureur Gallant lui a demandé s'il avait déjà transmis des résultats de comités de sélection à Bernard Trépanier qui, toujours selon Michel Lalonde, décidait avec ce dernier de la répartition des contrats des firmes de génie-conseil pour de grands travaux d'infrastructures.

Il a dit ne pas avoir de souvenir de ça : « Si je me souviens pas, je ne peux pas affirmer oui, je ne peux pas affirmer non. [...] Je ne veux pas me compromettre [...] Je suis dans l'incertitude ».

La commissaire Charbonneau n'a pas apprécié cette réponse louvoyante du témoin, ce qui a donné lieu à cet échange :

« Êtes-vous en train de dire que vous êtes imbécile et incompétent? »

« Je ne suis définitivement pas parfait »

« On s'entend là-dessus »

En après-midi, Me Gallant a fait ressortir que M. Trépanier et lui s'étaient parlé au téléphone à au moins neuf reprises après des réunions de comité de sélection, dans d'autres cas peu avant, dans d'autres le lendemain. « Ce n'est que du hasard? », a demandé le commissaire Renaud Lachance : « Oui, effectivement ».

Michel Lalonde avait préalablement expliqué que Bernard Trépanier et lui répartissaient les grands contrats d'infrastructures à venir entre diverses firmes de génie. Celle qui était désignée pour l'emporter devait verser 3 % à Union Montréal. Les comités de sélection devaient cependant avaliser ce choix.

« De ce que j'entends depuis deux jours, vous avez violé à plusieurs reprises votre code de déontologie d'ingénieur » — Me Gallant, procureur en chef adjoint

Marcil a recruté à la Ville Caterina Milioto, fille de M. Trottoir

Robert Marcil a par ailleurs révélé qu'il a lui-même recruté Caterina Milioto, fille de Nicolo Miloto. Le grand patron de Mivela Construction était l'un des principaux entrepreneurs à la Ville pour les contrats de trottoirs et a été identifié par de précédents témoins comme l'intermédiaire entre des entrepreneurs en construction pratiquant la collusion et le clan mafieux Rizzuto.

L'ex-haut fonctionnaire municipal affirme avoir rencontré Mme Milioto lors d'une soirée des diplômés de l'Université McGill. La jeune femme, qui ne lui avait donné que son prénom, disait « chercher de nouveau défis ». M. Marcil lui a remis sa carte en lui disant qu'il la mettrait en contact avec le département des ressources humaines si cela l'intéressait. Cela s'est effectivement produit.

Robert Marcil soutient qu'il n'a appris qu'il s'agissait de la fille de Nicolo Milioto seulement lorsque les ressources humaines lui ont fait parvenir son curriculum vitae. L'affaire a d'ailleurs été discutée au comité de sélection qui s'est penché sur sa candidature. Robert Marcil et Yves Themens, un autre ingénieur récemment congédié par la Ville pour conduite inappropriée, siégeaient à ce comité.

Selon le témoin, Caterina Milioto a elle-même mentionné qu'elle était sa fille lors du comité de sélection. Ses membres ont cependant conclu qu'il n'y avait pas de problème, puisqu'elle serait affectée à la surveillance de la signalisation, et qu'elle n'aurait donc pas à gérer des contrats ni de l'argent. Robert Marcil affirme qu'il a même vérifié avec le directeur général adjoint Gilles Robillard et obtenu l'accord du comité exécutif.

Robert Marcil a reconnu que Caterina Milioto pouvait parfois travailler sur des chantiers gérés par l'entreprise de son père. Il a dit ne pas savoir si la Ville lui avait expressément interdit de le faire.

Selon lui, c'est Caterina Milioto qui l'a appelé alors qu'il travaillait pour SM pour lui dire qu'elle cherchait à quitter la Ville de Montréal. Elle était déçue, dit-il, que la Ville ne l'ait pas jugée assez qualifiée pour postuler à un emploi qu'elle occupait depuis un certain temps par intérim.

Marcil nie avoir voulu favoriser IPEX

Robert Marcil ni avoir tenté de favoriser indûment les tuyaux de la compagnie IPEX à la demande de Nicolo Milioto en 2006.

Lors de son témoignage, le directeur des ventes d'IPEX avait dit avoir tenté sans succès, jusqu'à cette époque, d'intéresser la Ville à ses tuyaux jusqu'à ce qu'une rencontre avec le patron de Mivela Construction, organisée à l'initiative de Paolo Catania, débloque la situation.

Lorsque, peu après, le 24 juillet, M. Marcil annonce dans une directive que la Ville préconise l'utilisation des tuyaux Terra Brute,, Michel Cadotte en conclut que « M. Milioto avait fait son choix ».

Quelques semaines plus tard, M. Cadotte refuse de verser un pot-de-vin de 150 000 $, demandé par Nicolo Milioto pour récompenser trois personnes à la Ville de Montréal. La Ville revient sur sa directive peu après.

M. Marcil nie avoir jamais entendu parler d'un pot-de-vin et soutient que ce fut la décision d'un comité, formé dans la foulée de la directive, de refuser de recourir aux tuyaux d'IPEX. Mais selon Me Gallant, la raison d'être du comité était une réponse au mécontentement soulevé par sa décision en faveur des tuyaux d'IPEX.

M. Milioto a lui aussi nié, lors de son témoignage, avoir tenté d'introduire IPEX auprès de la Ville ou d'avoir demandé un pot-de-vin à M. Cadotte.

SM me sollicitait depuis deux ans quand j'ai quitté la Ville, dit Marcil

Interrogé par le procureur en chef adjoint Denis Gallant, Robert Marcil refuse d'admettre qu'il a démissionné de son poste de patron de la réalisation des travaux à la Ville de Montréal en juin 2009 notamment parce que Giuseppe Borsellino l'avait invité tous frais payés en Italie.

Robert Marcil affirme qu'il n'avait pas l'intention de quitter son poste lorsqu'il a été convoqué par des gens du service du capital humain et le contrôleur général de la Ville de Montréal pour s'expliquer sur son voyage en Italie avec le propriétaire de Garnier Construction en octobre 2008 et lui demander des preuves qu'il avait lui-même payé ses factures.

L'ingénieur soutient plutôt que s'il a présenté sa démission le lendemain, c'est parce qu'une « occasion était offerte par l'industrie privée » au groupe SM. cette firme de génie-conseil le sollicitait depuis deux ans, a-t-il dit, et des discussions plus sérieuses étaient en cours depuis plusieurs mois.

Il répète que lors de cette rencontre, jamais on ne lui a dit qu'on le soupçonnait de recevoir des pots-de-vin. Il reconnaît cependant que le contrôleur Pierre Reid lui-même lui avait alors proposé de démissionner, mais reste flou sur cet aspect.

Robert Marcil affirme qu'il n'a jamais jugé bon de prévenir quiconque qu'il avait des discussions avec SM, ni qu'il avait des liens d'amitié avec Yves Lortie de Genivar alors qu'on lui demandait de siéger à des comités de sélection évaluant les propositions de ces deux firmes. Robert Marcil a dit qu'il n'a jamais considéré que cela pouvait constituer un problème.

Sur les messages PIN

Questionné une fois encore sur ses échanges PIN avec Giuseppe Borsellino sur un contrat à venir au printemps 2009 et dont la Ville était au courant, il soutient qu'il n'est pas sûr que le fait d'avoir transmis à l'entrepreneur cette information aurait pu lui coûter son poste comme le soutient Me Gallant. Il souligne, pour appuyer son hypothèse, que ces choses se passaient déjà avant son arrivée à la Ville.

Mardi, le procureur Gallant lui a présenté un tableau compilant des messages PIN que l'ex-haut fonctionnaire a envoyés à Giuseppe Borsellino à partir du téléphone cellulaire que lui fournissait la Ville de Montréal. La commission a obtenu les données de l'escouade Marteau, qui les avait elle-même reçues de la Ville de Montréal.

L'un de ces messages montre que le grand patron de Construction Garnier a écrit à Robert Marcil le 1er mai 2009 pour savoir si un important contrat allait bientôt être lancé par la Ville. Le directeur des travaux publics lui a répondu qu'un contrat de 15 millions de dollars lié au chantier du CUSM allait être lancé bientôt.

Le 1er juin 2009, Joe Borsellino le relance au sujet de l'ouverture des soumissions pour ce contrat. Robert Marcil lui répond: « Probablement dans un mois ». Selon le témoin, il était question de travaux de réfection des infrastructures situés autour de l'université.

Le procureur Gallant avait précédemment fait ressortir que Robert Marcil avait joué un rôle dans l'octroi d'un important contrat à Garnier Construction à l'été 2007 pour des travaux d'urgence sur la rue Sherbrooke, près du parc Lafontaine. Garnier a été payé un peu plus de 5 millions de dollars pour ce contrat, accordé de gré à gré.

Selon le procureur Gallant, lors de sa rencontre avec la Ville en juin 2009, Robert Marcil avait aussi été interrogé au sujet de ce contrat et sur le fait que sa maison avait été construite sur un terrain que lui avait vendu le groupe Petra, dirigé par un autre Joe Borsellino.

Robert Marcil avait affirmé plus tôt qu'il ne transmettait aucune information spécifique aux entrepreneurs au sujet des soumissions publiques à venir. Il arguait qu'il se contentait de leur donner un aperçu général des travaux que la Ville envisageait d'effectuer au cours de l'année. Il s'agissait de projets issus du programme triennal d'immobilisation, faisait valoir Robert Marcil, qui assimilait le tout à de l'information publique.

Robert Marcil a aussi été invité à cinq reprises au club privé 357c par l'entrepreneur en construction Paolo Catania de Frank Catania et associés entre le 11 décembre 2006 et le 11 septembre 2008.

Depuis le début de son témoignage, lundi après-midi, Robert Marcil ne cesse de répéter qu'il ignorait tout de la collusion et de la corruption qui gangrénaient l'octroi et la gestion des contrats de construction de la métropole. Il dit avoir appris le tout en écoutant les travaux de la commission Charbonneau.

La commission a cependant clairement démontré mardi que l'ingénieur entretenait d'étroites relations avec tous les acteurs clés qui usaient de ces stratagèmes illégaux dans les années 2000, dont une douzaine d'entrepreneurs en construction, le PDG de Génius, Michel Lalonde, et l'ex-argentier d'Union Montréal, Bernard Trépanier.

François Messier et Bernard Leduc

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