Six mois après le meurtre de deux patients de l'aile psychiatrique du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) a décelé des lacunes importantes dans la formation des employés qui travaillent dans ce service ainsi que dans une autre unité à la clientèle tout aussi imprévisible, a appris La Presse. Les enquêteurs s'inquiètent aussi du fait que les patients de ces unités ont facilement accès à des objets pouvant servir d'armes ou de projectiles.

Dans des rapports datés du 20 décembre, la CSST donne deux mois à la direction du CHUM pour corriger la situation «dans le but de protéger les travailleurs et de contrôler ou éliminer les dangers constatés sur les lieux de travail».

L'enquête a été lancée dans la foulée des meurtres, en juin dernier, de deux patients de l'aile psychiatrique de l'hôpital Notre-Dame. Les deux patients ont été étouffés dans leur lit.

Inquiet pour la sécurité de ses membres, le Syndicat des employés du CHUM a déposé deux plaintes affirmant que le service de psychiatrie ainsi que celui de désintoxication de l'hôpital Saint-Luc, où sont traités certains patients souffrant de problèmes psychiatriques, étaient dangereux.

Le danger comme mode de vie

L'été dernier, une patiente de l'hôpital Saint-Luc a réussi à voler une paire de ciseaux et à la cacher sous son matelas. L'objet tranchant a toutefois été retrouvé à temps. Un préposé aux bénéficiaires a pour sa part failli être blessé lorsqu'un autre malade lui a lancé une bassine métallique à la tête (le métal a depuis été remplacé par le plastique). Un de ses collègues de l'hôpital Notre-Dame est aussi en congé depuis qu'un patient s'en est pris à lui physiquement et l'a laissé avec une commotion cérébrale. Puis il y a eu les homicides.

«C'est un hôpital. Il faut que ce soit sécuritaire pour tout le monde. Pour les patients et pour les employés», affirme Jean-Pierre Béland, vice-président santé et sécurité du syndicat.

La CSST devait initialement intervenir en octobre, mais une dispute entre la direction et le syndicat a retardé la visite de plusieurs semaines. Les enquêteurs ont finalement inspecté les lieux en décembre. Ils y ont décelé plusieurs lacunes.

Plusieurs améliorations sont attendues

D'abord, écrit la CSST, «des patients peuvent utiliser des objets disponibles sur les unités, par exemple des potences ou des fils téléphoniques, comme projectiles pouvant blesser des travailleurs». Le CHUM devra y remédier avant le 2 février.

L'établissement devra aussi améliorer la formation des employés et des bénévoles qui travaillent dans ses unités de psychiatrie et de désintoxication. À l'hôpital Notre-Dame, les inspecteurs ont découvert que les infirmières et les préposés doivent parfois attendre plusieurs années avant d'être formés pour intervenir adéquatement auprès d'un patient souffrant de problèmes psychiatriques en crise. À l'hôpital Saint-Luc, seulement la moitié des employés ont reçu la formation. «Pourtant, c'est important de savoir comment agir avec quelqu'un qui fait une crise, dit Jean-Pierre Béland. Si l'employé perd les pédales, il n'aide ni le patient ni ses collègues.»

Autre problème: l'aile de désintoxication, qui héberge jusqu'à 22 patients à la fois, ne dispose pas de «bouton de panique» au poste de réception en cas de danger. Les travailleurs n'ont pas non plus de boutons de panique portatifs. «Le délai d'intervention peut être plus long», prévient la CSST.

L'établissement aura à prouver à la CSST l'efficacité de sa gestion des situations de crise dans le cadre de ce qu'on appelle dans le jargon des «codes blancs».

Au CHUM, on affirme avoir pris connaissance des rapports. «Nous sommes soucieux de la sécurité de nos travailleurs et nous mettons tout en oeuvre pour apporter les améliorations demandées, indique la porte-parole Lucie Dufresne. Les choses sont déjà en branle», assure-t-elle.