Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La guerre au Mali, une guerre sans images ?

La guerre au Mali, une guerre sans images ?
AFP

MÉDIAS - La guerre au Mali, les médias ne parlent que de ça, mais que montrent-ils? Force est de constater que très peu d'images ou de photos de la guerre proprement dite circulent sur les écrans de télé et dans les journaux. Tout simplement parce que les journalistes (rédacteurs, photographes, cameramen) sont pour la plupart bloqués sur des plates-formes contrôlées par l'armée française. En début de semaine, ils étaient à Bamako et aujourd'hui, ils se trouvent à Ségou, à 240 kilomètres au nord-est de la capitale malienne. Mais encore à des centaines de kilomètres de la ligne de front.

«Cette situation pose problème et nous empêche de faire correctement notre travail», s'agace Loïck Berrou, chef du service internationale de France 24. «Nous avions une équipe sur place et avant que tous les envoyés spéciaux arrivent, nous avons pu tourner des images du conflit et même les diffuser en exclusivité mardi. Mais très vite nos journalistes ont été bloqués. Ils ont été virés par l'armée malienne puis par l'armée française et les accès routiers sont verrouillés».

«Depuis six jours, nous journalistes sont cantonnés à Bamako puis à Ségou, on se retrouve dans la même situation que la première guerre du Golfe avec une armée américaine qui bloque les médias», dénonce Olivier Royant, directeur de la rédaction de Paris-Match. Car pour le patron du magazine, «une guerre sans image n'est pas une guerre». Mais surtout, s'inquiète-t-il, si l'armée française et l'armée malienne ne laissent pas les journalistes avancer vers la ligne de front, dans le Nord du pays, «des journalistes vont alors s'organiser pour partir par leur propres moyens, ce qui est très dangereux au vu des risques d'enlèvement dans ce pays».

Une guerre non conventionnelle

Antoine Guélaud, directeur de la rédaction de TF1 est quant à lui, plus mitigé. «Tout le dilemme est de trouver le juste équilibre entre le devoir d'informer et la sécurité des journalistes et de leurs équipes», insiste-il. Car, poursuit-il, «la guerre au Mali n'est pas une guerre conventionnelle entre deux pays, l'ennemi ce sont des terroristes. Tout est mouvant, insaisissable». «C'est un conflit compliqué et dangereux»? confirme Phil Chetwynd, rédacteur en chef à l'AFP. Mais lui aussi s'inquiète des difficultés de ses journalistes à faire leur métier. «On a très peu d'info sur la zone de guerre et pas d'image du front au Nord». «On vient de récupérer enfin des images mais elles ont été prises par une journaliste malienne et pas par nos équipes», explique-il.

Les journalistes de TF1 semblent plus chanceux que leurs confrères de Paris-Match car ils ont pu sortir des sentiers battus. Il faut dire que TF1 est sur le qui-vive depuis le début du conflit. La chaîne n'a pas hésité à sortir l'artillerie lourde et a aussitôt envoyé vendredi dernier une équipe complète (rédacteur, caméraman, monteur-son). Puis deux, puis trois, puis quatre. «Dès que les journalistes ont pu sortir de Bamako, les moyens techniques nécessaires ont suivi car vous pouvez avoir le meilleur reportage du monde, sans tuyaux pour les passer, vous êtes foutus», explique Antoine Guélaud. Banco, la Une est un des rares médias à avoir diffusé des images... L'AFP a, elle, dépêché sur place des envoyés spéciaux dès le début du conflit et l'agence de presse française compte sur place neuf journalistes (texte et photo) contre deux normalement.

Embeded ou pas ?

Pour un reporter de guerre, il y a en gros deux façons de travailler. Il peut se faire connaître auprès de l'armée française qui pourra l'emmener selon son bon vouloir. Et bien sûr plus les médias sont importants mieux ils sont servis... Selon l'Etat-major des armées (EMA), ils sont déjà entre 100 et 200 journalistes, toutes nationalités confondues, à s'être fait accréditer auprès de l'armée française à Bamako, depuis le début du conflit.

L'armée française a ainsi organisé mercredi deux sorties pour les journalistes, une pour ceux de presse écrite et une autre auquel était conviés TF1, l'AFP et France 24. Dans le jargon journalistique on dit qu'il «s'embeded» (s'intègrent) et «le combat sur l'embedment fait rage dans la profession» nous confie une journaliste de RFI. Pour elle, «ce n'est pas un problème tant qu'on ne se limite pas une collaboration avec l'armée pour couvrir un conflit». Par ailleurs, beaucoup de reporters de guerre organisent leur propre déplacement.

L'Etat veille

Il est évidemment normal que l'armée et l'État ne veuillent pas tout montrer de la guerre. Tout d'abord pour des raisons tactiques et de sécurité des troupes. La priorité étant le bon fonctionnement des manoeuvres et l'efficacité des actions engagées.

Comme le disait Winston Churchill «la première victime de la guerre, c'est la vérité», cite un ancien reporter de guerre de l'AFP. «Et quand on sait que le succès d'une guerre passe aussi par l'opinion publique, donc par les médias, la désinformation qui était une tentation devient une réalité», estime ce journaliste. D'autant, poursuit-il, qu'il «faudra de tout façon attendre 50 ans que les historiens se penche sur le sujet pour connaître la vérité».

Sollicité sur la gestion médiatique du conflit au Mali, le service de presse de l'Elysée n'a pas donné suite à notre appel. Mais le gouvernement veille et notamment via le CSA. Le pouvoir politique avait ainsi fortement recommandé aux chaînes de télévisions de ne pas diffuser les images du soldat français assassiné en Somalie en début de semaine. Seules M6 et BFM ont décidé de les montrer. Nous avons appris de sources internes au CSA que, du coup, l'instance de régulation s'est saisi du problème et elle réfléchirait à comment sanctionner une chaîne qui ne respecte pas la consigne...

Quelques photos de la vie des soldats dans la base militaire de Bamako:

Des soldats du 2e Régiment d'infanterie de Marine à Bamako

Les soldats français au Mali

» Suivez les dernières évolutions du conflit malien en direct ci-dessous :

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.