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Bulgarie: tentative d'assassinat ou coup monté par Ahmed Dogan? (VIDÉO)

Tentative d'attentat ou (bon) coup de pub?

INTERNATIONAL - Le spectaculaire attentat manqué contre le dirigeant historique de la minorité turque en Bulgarie remet au premier plan le parti ethnique turc qui, après avoir participé de 2001 à 2009 à des gouvernements de gauche, est aujourd'hui dans l'opposition. Si personne ne met en cause la version officielle parmi les autorités et la classe politique, certaines voix s'élèvent pour dénoncer un coup monté, une entourloupe destinée à faire oublier les casseroles judiciaires d'Ahmed Dogan.

"Il semble que cela soit une tentative assez désespérée de se faire passer pour une victime, de rallier quelques électeurs et de renforcer les rangs du parti", estime Ivan Dikov, rédacteur en chef de l'agence Sofia News, principal organe de presse bulgare en langue anglaise, cité par The Guardian. "Le parti a beaucoup de choses à faire oublier", estime-t-il.

Quelques heures après l'attaque, Ahmed Dogan, 58 ans, recevait une standing ovation avant d'officialiser sa démission. La démission du dirigeant historique du Mouvement pour les droits et les libertés (MRF) depuis sa fondation en 1990, élu à l'unanimité président d'honneur, était anticipée par la presse depuis plusieurs semaines et est sans rapport avec l'attentat. Le fondateur du MRF a expliqué sa décision par "une diabolisation" de son image qui desservirait son parti en vue des élections législatives, en juillet. Le vice-président, Lyutvi Mestan, un de ses fidèles, a été élu à sa place. "Maintenant, Ahmed Dogan passe pour le leader ciblé, le chef spirituel de sa communauté, une victime, un martyr", poursuit Ivan Dikov.

Un pistolet à gaz presque inoffensif

L'auteur de l'attentat manqué a été inculpé d'"hooliganisme" et de "menaces de mort", a annoncé dimanche le Parquet de la capitale bulgare. Arrêté par la police peu après l'agression, il s'agit d'un homme âgé de 25 ans, Oktay Enimehmedov, d'origine turque et habitant à Bourgas, sur les rives de la Mer Noire. Il risque de cinq à six ans de prison, a-t-il précisé.

Pendant le congrès du MRF, au moment où Ahmed Dogan s'adressait de la tribune aux délégués, le jeune homme, armé d'un pistolet à gaz et de deux couteaux, a essayé de tirer sur lui, mais sans y parvenir, son arme, chargée avec trois balles, s'étant enrayée. Visiblement effrayé, Ahmed Dogan a cependant réussi à écarter l'arme avec un bras avant de se dissimuler sous le pupitre placé sur la tribune. L'assaillant avait été aussitôt maîtrisé par des délégués, qui l'avaient passé à tabac alors qu'il était déjà désarmé. Le Parquet examine s'il y a lieu de poursuivre pour "violences et coups et blessures" certains des délégués dont le visage est aisément reconnaissable sur les images diffusées par les chaînes de télévision.

Selon des experts de la police, cités par le Procureur adjoint, même s'il avait réussi à tirer avec son pistolet à gaz, qui est généralement une arme d'autodéfense et propulse des cartouches de gaz lacrymogène, la vie d'Ahmed Dogan n'aurait pas été en danger.

D'après le chef du Service psychologique de la police, Nedelcho Stoychev, Oktay Enimehmedov ne voulait pas attenter à la vie d'Ahmed Dogan, mais seulement "l'effrayer" et, par son acte, "acquérir cinq minutes de célébrité". Le chef-psychologue de la police a par ailleurs révélé que l'agresseur avait laissé à son domicile une lettre, destinée à sa mère. Selon The Guardian, la note indiquait qu'Oktay Enimehmedovl n'avait pas l'intention de tuer le chef du parti, mais aurait simplement voulu lui montrer qu'il n'était pas "intouchable". Nedelcho Stoychev, chef de l'unité psychologique du ministère de l'Intérieur, a déclaré que la note laissait à penser que Enimehmedov ne pensait pas survivre à l'attentat.

Très critique vis-à-vis du Premier ministre conservateur, Boïko Borissov, le dirigeant du MRF accuse ce dernier de supprimer la libre initiative dans l'économie et de contrôler les médias en vue de "remplacer la démocratie par une dictature".

Homme politique controversé, Ahmed Dogan a joué un rôle-clé au cours de la transition post-communiste, à partir de 1989. Dans un pays longtemps sous la domination ottomane (1396-1878), il contrôlait, via le MRF, le vote de la minorité turque, évaluée à 10% de la population, le taux le plus élevé de l'Union européenne.

A son actif, il comptabilisait la paix ethnique en Bulgarie, alors que des conflits ethniques sévissaient dans les années 1990 dans les pays voisins issus de l'ex-Yougoslavie. Grâce à son parti, la minorité turque, victime d'une politique d'assimilation sous la dictature communiste, a acquis nombre de droits, dont l'apprentissage du turc à l'école, la liberté religieuse, des programmes télévisés en turc et surtout une représentation incontournable au parlement.

Toutefois, Ahmed Dogan, qui a coopéré au fil des années avec divers alliés politiques -conservateurs, libéraux et socialistes (ex-communistes)- était critiqué en raison d'un style autoritaire. Il a aussi fait l'objet d'accusations de corruption, mais pour lesquelles il n'a jamais été condamné. La presse bulgare avait révélé son appartenance aux services secrets communistes avant qu'il ne se retourne contre le régime et ne soit emprisonné en 1985.

L'ancien roi Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha, ex-Premier ministre, a pris dimanche la défense d'Ahmed Dogan qualifié de "figure emblématique" pour "l'entente ethnique en Bulgarie". Boyko Borisov, le Premier ministre bulgare, a déclaré dimanche qu'il croyait que l'attaque n'était "probablement" pas mis en scène. "C'est un événement inquiétant qui ne devrait pas avoir lieu en Bulgarie moderne", a-t-il jugé...

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