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Risques avec les pilules de 3e et 4e génération: les bonnes et les mauvaises raisons d'avoir peur de la pilule

Faut-il avoir peur de la pilule ?
AFP

PILULE - Alors, dangereuses ou pas? Ce vendredi 11 janvier, la ministre de la Santé Marisol Touraine a demandé vendredi à l'Union européenne de limiter l'utilisation des pilules de 3e et 4e génération et a annoncé la mise en place d'un "dispositif" en France pour limiter leur prescription. Une annonce faite alors qu'une conférence de presse alors que l'Agence européenne du médicament (EMA) venait d'annoncer dans un communiqué que les femmes n'avaient aucune raison d'arrêter de prendre des pilules contraceptives combinées (oestroprogestatives), y compris celles de la 3e génération.

Difficile, dans ces conditions, de se faire un avis. La seule chose dont on est sûr à l'heure actuelle, c'est que l'inquiétude monte. Et pour cause, une femme sur deux prenant la pilule est concernée par ces 3e et 4e génération. Cette défiance vis-à-vis de la pilule ne date pas du dépôt de plainte contre le laboratoire Bayer de Marion Larat, la jeune femme bordelaise, victime d'un AVC après avoir pris une pilule de 3e génération. En revanche, depuis que cette affaire est sortie, les inquiétudes se font plus prégnantes, plus insistantes, en particulier sur Internet.

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Sur Rue89, une internaute dénonce la "religion pilule". Sur Le HuffPost, une autre critique vertement "les médecins qui considèrent la pilule comme des smarties". Sur Doctissimo, un appel a même été lancé sur Facebook pour recueillir des témoignages: "Polémique autour des pilules de 3e génération"

Et l'inquiétude est palpable jusque dans les cabinets des gynécologues, "Depuis la fin des fêtes, le téléphone n'arrête pas de sonner!" déplore une gynécologue dans le Nord. "Mes patientes sont très inquiètes. Elles veulent savoir si leur pilule est dangereuse et si elles peuvent en changer." Derrière ces inquiétudes, une interrogation revient sans cesse "pourquoi devrais-je continuer à prendre la pilule?" Sans réponse satisfaisante.

Une Française sur deux prend la pilule

Les professionnels du secteur s'organisent, craignant des abandons massifs de pilule. Certains d'entre eux ont pris la parole pour dénoncer dans une tribune publiée dans Libération le 3 janvier 2012 la couverture médiatique de cette affaire qu'ils jugent trop "alarmiste". Et selon eux, on court droit à la catastrophe, autrement dit "une baisse du recours à la pilule et une augmentation des grossesses non prévues et des IVG", comme ce fut le cas en 1995 au Royaume-Uni après un scandale sur les pilules de troisième génération.

Même si les craintes sont fondées, la pilule reste la contraception préférée des Françaises. En France, en 2010, une femme de 15 à 49 ans sur deux utilisait la pilule. Pour autant, Nathalie Bajos, directrice de l'Inserm qui a dirigé l'étude parue en novembre 2012, La contraception en France: nouveau contexte, nouvelles pratiques?, est formelle: "Il n'y a pas un monopole de la pilule en France".

Depuis le début des années 2000, le recours à ce moyen de contraception a en effet légèrement baissé (-4,6%). Une baisse que les chercheurs expliquent par l'arrivée de nouvelles méthodes hormonales de contraception comme l'implant, le patch ou l'anneau vaginal. Les alternatives à la pilule existent donc. Pourquoi ne sont-elles pas plus souvent prescrites?

Les restes d'une politique nataliste

La première raison est d'ordre historique. 1er juillet 1967, Lucien Neuwirth, député de la Loire prend la parole à l'Assemblée nationale, il est le rapporteur de la loi sur la régulation des naissances. La loi qui légalisera la pilule en France. "Il faut aider les Français à créer une famille, défend-il devant ses pairs, dont il leur appartiendra en propre de fixer l'importance et le rythme d'accroissement en fonction de leurs possibilités."

Depuis 1920, la loi est en effet restée inchangée. Et pour cause, la France s'inquiétait alors d'avoir un taux de natalité moindre que celui de l'Allemagne et décide d'appliquer une politique nataliste pour y remédier. Mais désormais, poursuit le député, il faut comprendre que "la contraception diffère les naissances plus qu'elle ne les empêche". Aucun danger pour le taux de natalité, juste une solution pour que les Françaises contrôlent mieux leur corps.

Car la pilule est une contraception orale qui peut être arrêtée du jour au lendemain (en théorie du moins). Elle n'a rien à voir avec les méthodes définitives comme la stérilisation, très peu développée en France (elle est légalisée seulement depuis 2001 dans notre pays). L'attachement à la pilule s'explique aussi par des raisons culturelles. En France, comme dans le sud de l'Europe, "les femmes qui prennent la pilule aiment par exemple avoir leurs règles, explique Jacques Lansac, l'ancien président du Conseil National des Gynécologues Obstétriciens de France, elles ont besoin de ce point de repère, elles veulent savoir où 'elles en sont' comme elles disent." En Angleterre comme dans d'autres pays du nord de l'Europe, la culture de la contraception est tout à fait différente. Mais ce ne sont pas les seules raisons. Par la suite, les industriels du médicament vont trouver des avantages à développer cette contraception.

Des raisons économiques évidentes

Dans Le Monde en date du 11 janvier(édition réservée aux abonnés), la journaliste Pascale Krémer dénonce les liens étroits entre certains gynécologues dits "leader d'opinion" et les laboratoires pharmaceutiques. "Il est évident que les laboratoires ont plus intérêt à vendre des plaquettes de pilules que des stérilets qui, une fois posés, n'occasionnent, sauf problème, aucun frais", note de son côté Nathalie Bajos.

Le DIU, Dispositif Intra-utérien, plus communément appelé stérilet, est prescrit et posé par un médecin. Son prix varie en effet entre 30,50€ pour un dispositif en cuivre à 125€ pour un DIU hormonal. L'Assurance maladie les rembourse tous les deux à 65%. Le prix d'une plaquette de pilule peut lui varier entre 1,68 à 14€ par mois. Les dernières générations de pilule ne sont pas remboursées, elles sont aussi les plus chères. Donc les plus lucratives.

De plus, l'effet de mode et le marketing semblent avoir eu un effet redoutable sur les prescriptions des médecins: "Il est certain que les laboratoires vous mettent la pression en disant, vous êtes ringard à prescrire des pilules qui existent depuis des dizaines d'années", déplore Jacques Lansac. Il suffit d'ailleurs pour s'en rendre compte de regarder les boîtes de pilules, de plus en plus "marketées" pour séduire les adolescentes et jeunes femmes et les échantillons gratuits distribués à tour de bras aux médecins.

La pilule, ce symbole

"La pilule reste malgré tout un médicament bien supporté par la majorité des femmes, rappelle Jean Lansac. Rares sont les médicaments pour lesquels c'est le cas". On ne peut en nier les effets bénéfiques sur la santé: moins de kystes ovariens, moins de douleurs liées aux règles, moins d'acné (même si ce dernier point a entraîné des dérives). De plus, la pilule oblige les femmes à un suivi médical régulier annuel ou bi-annuel, ne serait-ce que pour renouveler leur prescription.

Outre les bienfaits, impossible de ne pas voir non plus la portée symbolique de ce médicament. Quelle femme sous contraceptif n'a pas connu la fierté, adolescente, de mettre sa première plaquette de pilules dans la poche de son sac? Le recours à ce contraceptif, connu de tous, pour lequel nos grands-mères se sont battues, que nos mères ont adopté les yeux fermés, est même devenu un automatisme pour les médecins, un rite de passage pour les jeunes femmes.

"C'est vrai que j'ai le réflexe pilule, témoigne une gynécologue du Nord préférant rester anonyme, j'en parle avant de proposer d'autres alternatives. De même que pour une première prescription, la jeune fille me demande à coup sûr une pilule. Il y a une part de symbolique indéniable."

D'autres solutions font leur chemin

Il existe d'autres moyens de contraception qui peuvent être à la fois plus efficaces et moins contraignants pour la patiente. Selon une étude parue en mai 2012, les femmes qui utilisent la pilule, le patch ou l'anneau vaginal ont vingt fois plus de risques de tomber enceintes (4,55%) que celles recourant à des méthodes contraceptives de longue durée comme le stérilet ou l'implant hormonal (0,27%).

À en croire, Marie-Laure Brival, gynécologue en Seine-Saint-Denis, "le stérilet se rapproche très fortement de la contraception idéale: il n'a aucun effet secondaire sur la santé des femmes contrairement à la pilule, son efficacité est redoutable." Mais en France, malgré les prescriptions de la Haute Autorité de Santé, il reste encore réservé aux femmes qui ont déjà eu des enfants. Les nullipares (les femmes qui n'ont pas jamais accouché) qui ont tenté l'aventure s'en souviennent.

Elles ont voulu arrêter la pilule pour le stérilet, elles racontent

• Julie, 24 ans : un stérilet sur un coup de chance

Pendant 3 ans, j'ai porté un implant contraceptif. J'étais très satisfaite de ce moyen de contraception. Prendre un comprimé tous les jours, à heure fixe, ce n'était pas mon truc. Mais un jour, j'en ai eu marre de prendre des hormones. En fait, je prends très peu de médicaments en règle générale. J'ai entendu parler du stérilet. Je venais d'arriver à Paris, j'ai cherché tout bêtement dans les pages jaunes une gynécologue pour me faire poser un stérilet, la première fut la bonne. J'ai eu rendez-vous quelques jours plus tard pour la pose. J'ai eu mal au ventre toute la journée qui a suivi la pose. Trois jours plus tard, je suis en rentrée chez mes parents en province. J'avais pris rendez-vous chez ma gynécologue habituelle pour qu'elle m'enlève mon implant, cela faisait trois ans que je le portais. Quand elle a appris que l'on m'avait posé un stérilet, elle m'a mise en garde contre tous les problèmes d'infection. Elle était hors d'elle. Son discours m'a beaucoup inquiété. Toutes les filles n'ont pas ma chance. J'ai une amie qui habite à Bordeaux. Elle a déjà consulté 4 gynécologues pour une pose de stérilet, sans succès.

• Aurore, 25 ans, le parcours du combattant pour trouver un médecin

J'ai pris la pilule Cerazette pendant 5 ans. Je suis migraineuse et j'ai des problèmes de circulation sanguine. Je me sentais très mal et j'avais la forte impression que la pilule n'arrangeait rien à mes problèmes de santé. Sur internet, je me suis renseignée sur le stérilet. Et j'ai décroché mon téléphone. J'ai consulté 4 gynécologues qui ont toutes refusé de me poser un stérilet et m'ont proposé de changer de pilule. J'avais l'impression qu'elles ne me prenaient pas au sérieux. Mais ma décision était prise. Je suis allée sur le forum Doctissimo pour lire des témoignages de filles qui comme moi avaient décidé de changer de contraception. J'ai très rapidement compris que cela allait être bien plus compliqué que je ne le pensais. Quelques membres du forum expliquaient avoir dressé un liste de praticiens (gynécologues et généralistes) qui acceptaient de poser des stérilet à des nullipares, comme moi. Je les ai contactées et elles m'ont donné trois noms de médecins disponibles près de chez moi. La pose s'est très bien passée et depuis j'ai vraiment l'impression de me sentir mieux. J'ai déjà converti deux amies.

Pourquoi tant de prudence, voire de réticence de la part des professionnels? La pose d'un stérilet chez une femme qui n'a pas accouché par voie basse peut s'avérer difficile, son col de l'utérus étant trop étroit et cela peut-être douloureux pour la patiente. Ensuite, tous les médecins ne maîtrisent pas l'acte en lui-même, surtout lorsqu'il s'agit de généralistes, moins familiers que les gynécologues à ce type d'intervention. Enfin, la mauvaise réputation du stérilet provient du fait qu'on lui attribue de nombreuses infections, à cause en partie de ses premiers modèles.

En matière de contraception, les inquiétudes sont toujours justifiées comme pour n'importe quel autre médicament. Peut-être avions-nous oublié que cette pilule que les femmes prennent tous les jours est un médicament comme les autres. Qui dit médicament, dit effets secondaires. Une chose est sûre, cette affaire aussi dramatique qu'elle soit, va certainement accroître l'attention du corps médical et des patientes sur la contraception.

Ce 1er juillet 1967, lorsque Lucien Neuwirth prit la parole n'imaginait sans doute qu'il transformerait à ce point la femme, le couple et la société française dans son entier comme l'ont fait ensuite les plannings familiaux et la légalisation de l'avortement. Par ce débat que craignent tant les professionnels de la santé, il ne s'agit pas, 45 ans plus tard, de remettre en question les acquis de la pilule, mais de mieux préparer les jeunes filles d'aujourd'hui et de demain à choisir et comprendre leur contraception.

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