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Corée du Nord : un an après la mort de Kim Jong-Il, l'espoir d'ouverture a fait long feu

Un an après la mort de Kim Jong-Il, où va la Corée du Nord?
AFP

CORÉE DU NORD - Des dizaines de personnalités du gouvernement, de l'armée ou du parti, entourant Kim Jong-Un, le visage grave, devant un immense drapeau rouge et un portrait de Kim Jong-Il : dimanche, Pyongyang avait un air de déjà vu. En présence de milliers de cadres et dignitaires du régime, Kim Jong-Un a présidé la cérémonie officielle organisée à la mémoire de son père au sortir des festivités martiales qui ont mobilisé les masses et rassemblé vendredi des centaines de milliers de personnes dans les rues de la capitale nord-coréenne.

Il y a un an tout pile, Kim Jong-Il décédait d'une crise cardiaque, laissant à son fils cadet les commandes du pays qu'il a dirigé d'une main de fer pendant plus de 17 ans.

Le monde découvrait alors le nouveau visage de Pyongyang. Et se prenait à espérer qu'il serait porteur de changement. Tout jeune trentenaire, formé en Suisse, parlant plusieurs langues étrangères, pour beaucoup, l'intronisation de Kim Jong-Un devait permettre à la Corée du Nord de poser les premiers jalons d'un cycle nouveau dans l'histoire de la dynastie des Kim.

Une ouverture en trompe-l'oeil

Mais un an plus tard, ce mince espoir a pour l'instant fait long feu. La Corée du Nord demeure dans l'ensemble aussi hermétique, isolée et indigente que sous le règne de son "Cher dirigeant" défunt. Pourtant, l'Occident n'a pas manqué de gamberger lorsqu'il l'a observé limoger plusieurs hauts militaires en juillet dernier. Un geste qui devait précéder, à coup sûr, des tentatives de réformes économiques, pour bon nombre d'analystes occidentaux. Puis très vite, le nouveau leader s'est marié et a clarifié ses positions: Kim Jong-Un a mis ses pas dans ceux de ses prédécesseurs en réaffirmant le pouvoir du parti sur une armée devenue trop puissante à son goût.

"On est dans une continuité, explique Jean-Vincent Brisset, dirécteur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). La reprise en main du pouvoir militaire est un classique à chaque changement de leader au sommet du pouvoir dans ce genre de régime."

Même son de cloche chez Juliette Morillot. Pour la journaliste du mensuel La Revue, spécialiste de la Corée du Nord : "Il est dans la même lignée que son père, incontestablement." Pour elle : "S'il y a une ouverture, elle a démarré il y a très longtemps. On a l'impression qu'une ouverture a pu s'opérer aujourd'hui parce qu'il y a plus d'images de Pyongyang qui arrivent et plus de journalistes qui vont là-bas". L'ouverture du premier bureau d'une agence d'information occidentale, l'Associated Press, à Pyongyang au mois de janvier dernier, abonde dans ce sens. Quand bien même les deux correspondants de l'antenne sont hébergés dans les locaux de l'agence officielle du régime, KCNA.

Les analystes se sont également attachés à décrypter les signaux émanant du pays. Des photos de femmes nord-coréennes en jupes plus courtes qu'à l'accoutumée et accoutrées d'un style occidental ont ainsi largement répandu l'idée qu'un changement étonnant était en train de s'opérer dans le pays.

"Kim Jong-Un a certes autorisé les jupes courtes, les pantalons et les talons, ça reste factice", explique Juliette Morillot. Pour elle, "ce sont des choses qui prennent leur racine depuis longtemps. Cycliquement, Pyongyang ouvre et referme le pays, pour ne pas perdre le pouvoir. Ils font des tentatives d'ouverture de marchés privés, de certains secteurs du commerce et des échanges se font de cette façon." Une ouverture du pays à tâtons mais pas de réforme à l'horizon. Car bien que Kim Jong-Un ait promis que les Nord-Coréens n'auraient "plus jamais à se serrer la ceinture", des millions de Nord-Coréens vivent toujours dans des conditions de grandes précarité en raison des pénuries alimentaires qui sévissent dans les pays à cause des sanctions internationales, de la vétusté des structures agricoles et des intempéries.

Un pied de nez au monde entier

Jean-Vincent Brisset n'en démord pas, pour Kim Jong-Un "le principal enjeu est de réussir à nourrir son peuple". La principale récolte de 2012 et les récoltes précoces de 2013 devraient produire 5,8 millions de tonnes de céréales, une hausse de 10% par rapport à 2011-2012, selon l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture et le Programme alimentaire mondial. Des chiffres en apparence positifs qui ne sauraient masquer un déficit en protéines vitales et en graisses pour plus de 10% de la population, toujours selon ces organisations. Alors pour tenter d'atteindre le point d'équilibre, l'écueil nucléaire constitue plus que jamais un moyen de pression significatif sur la communauté internationale avec la possibilité de négocier habilement quelques contreparties essentielles pour sa politique intérieure. La Corée du Nord a notamment contracté un accord avec les États-Unis sur une aide alimentaire.

"Le gros problème de Kim Jong-Un, c'est de pouvoir continuer son chantage nucléaire, poursuit Jean-Vincent Brisset. Son pays en a besoin et lui aussi, pour affirmer sa légitimité aux yeux de son peuple et se placer à côté des figures du père et du grand-père", affirme-t-il.

Dans cette optique, le lancement sans accroc de sa fusée pour placer un satellite en orbite lui a permis de "renforcer considérablement sa crédibilité auprès du peuple", affirme Juliette Morillot. Un coup de maître pour sa légende officielle, mais pas seulement. En prenant ses adversaires par surprise, la Corée du Nord, l'un des pays les plus pauvres au monde a rejoint le club très fermé des puissances spatiales : "C'est un pied de nez monumental à la communauté internationale qui affirmait, la veille encore, que la fusée était défectueuse et qu'elle allait être démontée", explique-t-elle. Pour autant, pas question pour elle de diaboliser à outrance la stratégie diplomatique menée par Kim Jong-Un. "Le but n'est pas d'être agressif, explique-t-elle. Ils ne se lanceront pas dans une offensive de grande ampleur. Ce qu'ils veulent c'est ne plus être mis au ban des nations. C'est pour ça qu'ils négocient aussi systématiquement."

L'ouverture par le sud ?

Main mise sur l'armée, réaffirmation de l'importance du parti dans le régime, jeu de dupes international, manifestement, et alors même que Kim Jong-Un fait partie d'une nouvelle génération de descendants de dirigeants qui ne se sont pas construits uniquement dans les arcanes d'un régime communiste, l'heure ne semble pas à une politique de transparence et d'ouverture à la manière de la "glasnost" menée par Gorbatchev. À l'inverse, si Kim Jong-Un parait s'imprégner largement du style de gouvernance de ses glorieux aînés et peu enclin à quitter le sillage de la dynastie communiste des Kim au pouvoir depuis 1948, il se façonne peu à peu un style davantage porté sur le pragmatisme, comme l'attestent les quelques discours publics qu'il a livré au cours de sa première année de règne, alors que son père n'a jamais prononcé plus d'une phrase à un auditoire.

Et qui sait si l'ouverture du régime ne passera pas par le sud, puisque les deux favoris du scrutin présidentiel du mercredi 19 décembre en Corée du Sud se sont tous deux déclarés favorables à la poursuite du dialogue avec leur voisin du nord. "Le dialogue inter-coréen va se poursuivre, prophétise ainsi Juliette Morillot. Il y a déjà de plus en plus de coopération à petite échelle entre les deux pays à proximité des frontières.

Certes la Corée du Nord a un poids considérable avec l'arme nucléaire, mais socialement, les lignes sont en train de bouger. Par exemple, à Pyongyang, la grande mode c'est de parler avec l'accent de Seoul. Il y a suffisamment de nord-coréens qui sont allés en Corée du Sud pour que ce ne soit plus seulement un ailleurs négatif. Ils savent ce qui se passe de l'autre côté. Ils ont même le Gangnam Style là-bas".

Les photos de Kim jong-un et de sa nouvelle épouse en visite officielle dans un parc d'attraction à Pyongyang

Kim Jong-Un va au parc d'attraction

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