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Homosexualité: des scientifiques veulent l'expliquer par l'épigénétique (PHOTOS)

Les gènes expliquent-ils l'origine de l'homosexualité ?
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SCIENCE - L'homosexualité est-elle innée ou acquise? La science a envie de savoir car l'homosexualité lui pose problème. Pas d'un point de vue moral, évidemment, mais d'un point de vue scientifique et théorique. Parmi les nombreuses théories qui pourraient expliquer l'origine de l'homosexualité, celle d'un gène de l'homosexualité n'a encore jamais été prouvée. Et si tel était le cas, cela poserait problème à la théorie de l'évolution puisqu'un tel gène aurait dû disparaître du fait de la sélection naturelle.

Dans une étude publiée dans le dernier numéro de The Quarterly Review of Biology, William Rice, de l'Université de Californie et Urban Friberg, de l'Université suédoise d'Uppsala, estiment que l'homosexualité pourrait s'expliquer par un phénomène bien connu de tous les généticiens, l'épigénétique.

Cette nouvelle théorie fait appel aux gènes, tout en contournant le problème posé par la sélection naturelle. Elle pourrait aussi expliquer plusieurs observations faites dans le passé, selon lesquelles l'homosexualité semble être plus fréquente dans certaines familles que dans d'autres, affirment ces chercheurs.

Épigéné-quoi?

L'épigénétique, c'est la manière dont nos gènes sont activés ou pas.

Cela varie d'un individu à l'autre, d'un âge à un autre, d'un type de cellule à un autre. Alors si l'ADN contient notre code génétique, avec l'épigénétique, on passe un niveau au dessus puisque la manière dont nos gènes sont interprétés par nos cellules (l'épigénétique) varie, elle aussi, d'un individu à un autre, d'un sexe à un autre.

Les gènes sont donc déterminés par la lecture qu'en fait l'organisme, par ce que ces chercheurs appellent des "epi-mark", en Français on dirait epi-marqueurs. Appelons-les tout simplement des marqueurs.

Certains de ces marqueurs sont spécifiques à un sexe et sont produits très tôt, dès le développement du fœtus. Pour ces chercheurs, tout se jouerait au niveau de ces marqueurs à un moment précis, le développement du foetus. Explications.

Différenciation des sexe et transmission des caractères

Dans le ventre de la mère, le fœtus peut être exposé à d'importantes variations d'hormones androgènes, ces hormones qui provoquent l'apparition et le développement des caractères sexuels masculins.

Si les fœtus masculins produisent leur propre testostérone à partir de huit semaines et sont plutôt surexposés aux androgènes, il arrive que ce ne soit pas le cas et qu'ils soit sous-exposés à ces hormones androgènes.

De la même manière, des fœtus féminins se trouvent parfois surexposés aux hormones androgènes, alors qu'ils ne le devraient pas, sans pour autant développer chez elles des caractères masculins.

Or, si cela n'est pas le cas, c'est bien parce que très tôt, dès les premières étapes du développement cellulaire du fœtus, des marqueurs épigénétiques interviennent pour les protéger de ces éventuelles irrégularités. C'est ce qui va permettre au fœtus féminin de devenir une petite fille, et au masculin d'aboutir à un petit garçon.

À cette étape de la vie, les marqueurs hérités des parents disparaissent, mais il arrive que le hasard omette d'en effacer certains. Un phénomène qui, selon ces chercheurs, a déjà été observé dans plusieurs études.

Tout se jouerait à ce moment précis, lors du renouvellement des marqueurs épigénétique du fœtus. Selon les chercheurs, le fait qu'un futur petit garçon hérite accidentellement de marqueurs de sa mère, ou la petite fille de son père, modifie la réaction de celui-là ou de celle-ci face aux androgènes.

Ainsi, la petite fille développera certains traits masculins, et le petit garçon, certains traits féminins. Quant à savoir comment cela pourrait déterminer l'orientation sexuelle, on ne le sait pas. D'autres facteurs comme le développement du cerveau seraient impliqués.

Modèle mathématique

Pour l'un des co-auteurs de l'étude, Sergey Gavrilet, directeur à l'Institut National de recherche mathématique et biologique (NIMBioS), "la transmission de marqueurs sexuellement opposés entre les générations est le mécanisme évolutionnaire le plus plausible pour expliquer l'homosexualité humaine."

Au-delà de la théorie, qu'est-ce qui leur fait dire ça? Rappelons-le, les chercheurs n'ont pas de preuve à proprement parler. Ce n'est qu'une théorie.

Mais à l'aide d'un modèle mathématique basé sur nos connaissances actuelles, ils ont reproduit l'évolution humaine. Ce modèle mathématique a donc été paramétré pour prendre en compte les connaissances les plus récentes en matière de régulation de l'expression des gènes, mais aussi les facteurs du développement sexuel notamment liés aux androgènes.

Ils ont ainsi pu comprendre comment ces facteurs supposés de l'homosexualité pourrait résister à la sélection naturelle. Ces marqueurs, propres à un sexe et qui s'expriment dans un autre, sont aussi aussi ceux qui déterminent la capacité de résistance du parent. C'est aussi ceux qui échappent rarement à l'effacement, lorsqu'ils sont transmis d'une génération à une autre. De quoi expliquer la résistance de cette nouvelle génération lorsqu'ils lui sont transmis.

Alors, théorie fumeuse, ou pas? "Non", répond Ariane Giacobino, médecin généticienne, agrégée à la Faculté de Médecine de l'Université de Genève, et blogueuse au HuffPost. "Cela n'est qu'un modèle proposé, sur les connaissances mathématiques et biologiques, donc ils n'ont rien mesuré ou analysé épigénétiquement, mais c'est une hypothèse qui bien que compliquée et cherchant une 'justification biologique' utilise des arguments qui ne sont pas extravagants," conclut-elle.

Si cette théorie devait être validée, cela ferait-il de l'homosexualité l'expression de facteurs uniquement épigénétiques? Ce serait aller un peu vite en besogne. Psychologie, sciences sociales, psychanalyse et neurosciences semblent aussi avoir leur mot à dire.

Sappho (600 av. J.-C.)

Les homosexuels dans l'histoire

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