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Leclerc a tenté de cacher à la commission qu'il lui restait 90 000 $ de pots-de-vin

Il voulait cacher des pots-de-vin
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Luc Leclerc a tenté de dissimuler qu'il lui restait 90 000 $ des pots-de-vin reçus au fil des années lorsqu'il a été interrogé pour la première fois par des enquêteurs de la commission Charbonneau le 23 mai dernier.

Son contre-interrogatoire est maintenant terminé, lui succède à la barre son supérieur, Gilles Vézina.

Lors du contre-interrogatoire mené par l'avocat de la Ville de Montréal, Martin St-Jean, l'ex-ingénieur de la Ville de Montréal a soutenu qu'il avait reconnu avoir été corrompu par des entrepreneurs dès cette première rencontre. Il a cependant passé sous silence le fait qu'il lui restait de l'argent.

Luc Leclerc a attendu jusqu'au 29 octobre pour remettre cet argent acquis illégalement. « J'ai eu le subpoena [pour comparaître] bien avant. Mais quand j'ai eu la ferme conviction que j'allais être témoin à la commission, c'est là que j'ai apporté l'argent », a admis l'ingénieur aujourd'hui à la retraite.

« Pour dire la vérité, j'avais rencontré un avocat qui m'avait conseillé d'être prudent face aux policiers », a expliqué le témoin lorsqu'on lui a demandé d'expliquer cette situation. « Alors j'avais exprimé cette réserve-là avec les policiers-enquêteurs dès le départ. »

Luc Leclerc avait précédemment expliqué qu'il avait conservé l'argent reçu dans un coffret de sûreté jusqu'à ce qu'il prenne sa retraite, en 2009. C'est à ce moment qu'il a récupéré l'argent et l'a « caché » chez lui.

L'ex-ingénieur, qui a admis avoir reçu 500 000 $ en pots-de-vin au cours de sa carrière, a dit n'avoir reçu la visite d'aucun autre corps policier depuis qu'il a rencontré les enquêteurs de la commission.

Les témoignages livrés devant la commission Charbonneau ne peuvent être utilisés dans le cadre d'un procès criminel. Cela n'empêche cependant pas les corps policiers de mener leur propre enquête et de déposer des accusations en lien avec les éléments livrés devant la commission.

Sur le rôle d'Yves Themens

M. Leclerc a par ailleurs révélé qu'un autre employé de la Ville, Yves Themens, avait participé à deux voyages de golf dans le sud avec des entrepreneurs en construction. Ils ont joué au golf avec Tony Conte, de Conex, et Éric Giguère, de Soter.

Selon Luc Leclerc, Yves Themens a vraisemblablement payé ses deux voyages. Il soutient qu'il ne discutait cependant pas des « services » qu'il rendait aux entrepreneurs avec lui. « Je n'ai aucune connaissance que M. Themens ait pu faire quoi que ce soit d'illégal », a-t-il précisé.

Le témoin a aussi dit croire que M. Themens savait qu'il avait déjà joué au golf avec le parrain de la mafia montréalaise, Vito Rizzuto, dans les années 90. Luc Leclerc dit que lui et Yves Themens étaient des « intimes » parce qu'ils partageaient un intérêt pour le golf, a-t-il dit.

M. Themens est actuellement suspendu sans solde par la Ville.

Luc Leclerc a aussi répété qu'il savait que deux agents techniques qui faisaient de la surveillance de chantiers à la Ville de Montréal, François Thériault et Michel Paquette, étaient également corrompus par des entrepreneurs.

Ces derniers savaient aussi que lui recevait de l'argent. « C'était [dit] à mots couverts, mais assez explicitement pour savoir », a-t-il affirmé.

Luc Leclerc a aussi révélé qu'il avait été président du syndicat des ingénieurs de la Ville de Montréal et de la Communauté urbaine de Montréal entre 1978 et 1996. Il dit avoir fait des représentations pour que la Ville utilise ses ingénieurs plutôt que d'autres, venant de l'extérieur.

L'ex-ingénieur a aussi répété qu'il aurait été plus difficile pour les entrepreneurs de se laisser corrompre si la Ville avait eu davantage de surveillants de chantier.

Contre-interrogé par l'avocat de l'Association de la construction du Québec, Daniel Rochefort, Luc Leclerc a également précisé qu'il avait pris sa retraite dans la foulée de la création de l'escouade Marteau et de l'adoption par la Ville d'un code d'éthique, vers la fin des années 2000. Il a reconnu qu'il sentait la soupe chaude à cette époque.

Luc Leclerc a aussi dit qu'il n'avait pas exprimé autant de regrets que Gilles Surprenant a pu le faire parce que cela n'aurait servi à rien. « Je ne pense pas que la population pardonne », a-t-il déclaré.

« Si j'avais cru qu'avoir la larme à l'oeil au cours de mon témoignage ou le trémolo dans la voix ou la tête entre les deux jambes avait pu changer quoi que ce soit au passé, vous pouvez être sûr que j'aurais même mis le genou par terre. » -- Luc Lerclerc

M. Leclerc a cependant profité de la fin de son contre-interrogatoire pour y aller d'excuses davantage senties : « Je regrette ce que j'ai fait, et j'en appelle à la clémence de la population en général, aux payeurs de taxes de Montréal, aux membres du syndicat des ingénieurs, aux membres de l'Ordre et ainsi qu'aux employés actuels ».

500 000 $ en pots-de-vin

Luc Leclerc a en outre affirmé n'avoir jamais été menacé par qui personne au cours de sa carrière. « Je n'ai même pas cette excuse-là (pour expliquer pourquoi j'ai accepté des pots-de-vin) », a-t-il laissé tomber.

L'ex-ingénieur a déjà a admis avoir reçu des pots-de-vin totalisant plus d'un demi-million de dollars de la part d'entrepreneurs en construction, essentiellement dans les années 2000.

En échange, Luc Leclerc devait autoriser de faux extras, volant du coup le Trésor public. Lors de sa dernière journée à la barre des témoins, l'ingénieur aujourd'hui à la retraite a soutenu avoir bénéficié de la « complicité tacite »de son supérieur, Gilles Vézina.

Le patron de Luc Leclerc a été suspendu sans solde par la Ville de Montréal la semaine dernière.

Trois autres employés de la Ville mis en cause devant la commission, Yves Themens, Michel Paquette et François Thériault, ont aussi été privés de leur salaire. Ils avaient été suspendus il y a quelques semaines, mais avec solde.

Un divorce en bons termes

M. Leclerc a par ailleurs expliqué à l'avocat de la Ville, qui le pressait de questions, qu'il habite toujours avec son épouse, malgré son divorce.

Il lui a cédé sa résidence le 23 août dernier, soit peu après leur rutpure, mais y demeure toujours. M. Leclerc a dit qu'il quittera sous peu les lieux.

L'avocate Sonia LeBel va agir en tant que procureure-chef de la commission. Elle a été nommée mercredi pour remplacer Sylvain Lussier, qui a démissionné à cause d'apparences de conflit d'intérêts.

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