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Recevoir des avantages faisait partie du « modèle d'affaires », plaide Gilles Vézina

Les pots-de-vin, un « modèle d'affaires »
SRC

Le chef de l'équipe chargée de la gestion et de la surveillance des travaux de construction à la Ville de Montréal, Gilles Vézina, a admis lundi devant la commission Charbonneau qu'il a reçu une multitude d'avantages de la part d'entrepreneurs au cours de sa carrière. Il a cependant plaidé que cela s'inscrivait dans le cadre de « relations d'affaires ».

Interrogé par la procureure Claudine Roy au terme du contre-interrogatoire de Luc Leclerc, l'homme qui donnait des dossiers à l'ingénieur Luc Leclerc, et qui approuvait les extras qu'il réclamait, a notamment admis:

  • avoir assisté à l'anniversaire de Nathalie Boutin, la femme de Paolo Catania de F. Catania et associés, à Piémont;
  • s'être présenté à cinq ou six épluchettes de blé d'Inde chez Frank Catania, à Brossard;
  • avoir pris un repas au prestigieux club privé 357, à l'invitation de Nicolo Milioto, à l'époque dirigeant de Mivela Construction;
  • avoir assisté au mariage d'une fille de Nicolo Milioto, à qui il a donné 300;
  • avoir assisté au mariage d'un fils d'Antonio Catania de Catcan, à l'invitation de ce dernier;
  • avoir reçu environ trois invitations au hockey par année. Les invitations provenaient d'au moins huit entrepreneurs en construction, dont Pavages CSF, BP Asphalte, DJL, Conex et Garnier, et de quatre firmes de génie-conseil, dont Génivar, Tecsult et CIMA+.
  • avoir participé au tournoi de golf d'Infrabec en 2007.

Contrairement aux deux précédents ex-employés de la Ville appelés à témoigner devant la commission, les ingénieurs Gilles Surprenant et Luc Leclerc, Gilles Vézina n'a pas admis avoir reçu des centaines de milliers de dollars de la part d'entrepreneurs en construction.

Son témoignage, émaillé de nombreux trous de mémoire sur des dates et des noms, permet cependant d'établir qu'il ne croit pas avoir mal fait son travail. Il argue plutôt que ces agissements étaient conformes aux pratiques courantes en vigueur à la Ville.

« En aucun temps, avec tous ces avantages-là qu'on a eus, que je peux dire que ça a changé mon opinion ou ma décision sur quelque dossier que ce soit pour avantager un entrepreneur, moi j'ai jamais fait ça. » — Gilles Vézina

Lorsque la procureure Roy lui a demandé s'il avait été étonné d'avoir été invité à un événement aussi personnel que l'anniversaire de la femme de Paolo Catania, Gilles Vézina n'a pas dérogé de sa ligne de défense.

« Toutes les années que j'ai été à la Ville, ça a toujours été un principe. C'est quelque chose qui a été établi, comme quoi on avait des rencontres de même, qu'on était invité à différentes choses, le hockey... C'était pratique courante à la Ville. Ça faisait partie d'un modèle d'affaires », a dit le témoin.

« C'était établi par les membres, par les fonctionnaires », précisera-t-il plus tard. « Le maire ne nous disait pas d'Aller au hockey. C'était les fonctionnaires qui avaient adopté cette pratique-là, qui a toujours existé ».

Gilles Vézina a par ailleurs admis avoir réalisé que Luc Leclerc habitait près de Paolo et Frank Catania à Brossard lors d'une épluchette de blé d'Inde organisée par ce dernier. M.Leclerc avait en fait profité de sa présence pour lui faire visiter sa maison.

Bien que M. Leclerc supervisait des contrats de Frank Catania et associés, Gilles Vézina dit ne pas avoir vu de problème dans cette proximité. « Il pouvait avoir payé sa maison. Je n'avais aucun doute sur Leclerc à ce moment-là », a-t-il admis.

« Il n'y avait aucun lien entre la maison de Leclerc et les contrats que je lui donnais », a encore dit le témoin, avant d'ajouter qu'il n'aurait pas acheté lui-même à cet endroit pour éviter toute apparence de conflit d'intérêt.

« Ça a pu m'intriguer, mais ce n'a pas enlevé le fait de lui donner d'autres contrats. Je n'avais pas à le soupçonner pour quelque chose dont je n'étais pas certain. Je n'avais pas de doute », a-t-il fait valoir.

Gilles Vézina a longuement hésité avant d'admettre qu'il était allé au club privé 357. Il a longtemps dit qu'il n'avait aucun souvenir d'être allé là avant que la mémoire ne lui revienne. Il s'est finalement souvenu que c'était « une belle place » et qu'il était content d'y être allé.

Le témoin a également tenté de dire qu'il n'était pas le patron de Luc Leclerc au sens strict. Il a finalement reconnu qu'il avait non seulement le pouvoir de lui donner des dossiers, mais qu'il avait aussi celui d'approuver les extras que M. Leclerc jugeait appropriés.

Un ingénieur suspendu par la Ville

M. Vézina a été suspendu sans solde le 5 novembre, quelques jours à peine après que M. Leclerc l'eut mis en cause lors de son témoignage.

M. Leclerc, qui dit avoir empoché 500 000 $ en pots-de-vin de la part d'entrepreneurs au cours de sa carrière, a soutenu la semaine dernière qu'il pouvait autoriser de faux extras grâce à la « complicité tacite » de Gilles Vézina.

« On n'a jamais parlé ouvertement des avantages que je pouvais avoir », a dit le témoin en parlant de M. Vézina. « Mais j'ai l'impression qu'il était... il parlait beaucoup avec les entrepreneurs lui aussi, et les entrepreneurs n'étaient pas très discrets. Alors, j'ai du mal à imaginer qu'il n'était pas au courant ».

« Au fil des ans, il y avait des choses que je faisais qui n'étaient pas correctes, mais que je passais automatique parce que je savais que si j'en parlais à mon boss, ça allait passer », a-t-il aussi soutenu.

Interrogé par la procureure Sonia Lebel, Luc Leclerc a dit que des entrepreneurs auraient effectivement eu intérêt à corrompre son patron, puisqu'il était celui qui distribuait les dossiers aux ingénieurs et aux agents techniques. Il n'a pu dire si cela s'était bel et bien produit.

Luc Leclerc a assuré qu'il n'avait jamais vu M. Vézina recevoir de l'argent directement d'un entrepreneur. Il a cependant pu confirmer qu'il assistait à des activités sociales organisées par des entrepreneurs, comme des tournois de golf ou des repas, et qu'il recevait des bouteilles de vin, comme tous les autres employés du groupe.

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Tony Accurso

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