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Le maire de Laval se retire temporairement

Le maire de Laval se retire temporairement

Un texte de Sophie-Hélène Lebeuf

Au centre d'allégations de corruption, le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, prend une période de « repos ». L'administration de la troisième municipalité du Québec évoque des raisons de santé pour expliquer ce retrait temporaire.

C'est le vice-président du comité exécutif de la Ville, Basile Angelopoulos, entouré des membres de ce comité, qui en a fait l'annonce mercredi, au cours d'un bref point de presse dont était absent le principal intéressé.

« Vous comprendrez sûrement que depuis quelques semaines, plusieurs événements ont créé une situation très pénible qui se reflète sur sa vie personnelle », a-t-il déclaré, lisant le bref communiqué publié par la Ville. « Devant tout cela, il a consulté son médecin, qui lui a conseillé de prendre un repos afin de retrouver cette quiétude d'esprit nécessaire pour effectuer une réflexion. »

Invité à préciser les raisons médicales ayant amené M. Vaillancourt à prendre une pause, il a simplement déclaré que les dernières semaines n'avaient « pas été du tout, du tout faciles » pour lui.

« Il sera en mesure de vous faire connaître les fruits de cette réflexion prochainement », a-t-il ajouté, évoquant une « courte période de repos ».

M. Angelopoulos a également demandé aux médias « pendant cette période, de respecter le plus possible le droit à la vie privée de Monsieur le maire ».

Il a indiqué qu'avant le point de presse, le maire s'était entretenu longuement avec les membres du comité exécutif. Sa démission n'a pas été évoquée, a-t-il affirmé.

Interrogé par les médias, il a réitéré la confiance du comité envers M. Vaillancourt et s'est voulu rassurant quant au fonctionnement de l'administration.

« Nous allons, pendant cette période, assurer la saine administration », a-t-il poursuivi.

Au cours des dernières semaines, le maire Vaillancourt a fait l'objet de trois séries de perquisitions, dont deux à ses domiciles et dans divers édifices de l'administration lavalloise, dont l'hôtel de ville.

La plus récente, menée mercredi dans les heures ayant précédé l'annonce de son retrait, a été effectuée dans des établissements financiers où il possède des intérêts.

L'escouade Marteau de la Sûreté du Québec a perquisitionné dans deux institutions financières, visant environ une dizaine de coffrets de sécurité appartenant au maire. Parmi les institutions visitées, au moins l'une d'elles est à Laval.

Le maire Vaillancourt est en poste depuis une vingtaine d'années. Aucun parti d'opposition n'est représenté au sein du conseil municipal.

L'opposition au maire satisfaite, le gouvernement silencieux

Le chef du Parti au service du citoyen, Robert Bordeleau, qui réclame la démission du maire depuis plusieurs années, a estimé qu'il avait « pris la bonne décision ». Interviewé sur les ondes de Radio-Canada, il a tourné en dérision le fait que M. Angelopoulos ait refusé de parler d'une crise. « Nous ne sommes pas dans la même ville », a-t-il ironisé.

Le président-fondateur du Mouvement lavallois, David Cotis, s'est pour sa part dit « content » de la « décision sage » du maire. « Le Mouvement lavallois [...] a toujours dénoncé l'administration de Gilles Vaillancourt pour des transactions vraiment douteuses, pour le manque de transparence et de démocratie », a-t-il dit au Réseau de l'information. S'il a rappelé qu'il avait réclamé, dès 2010, que M. Vaillancourt se retire, il a cependant précisé qu'il n'avait jamais demandé sa démission, puisqu'il faisait seulement l'objet d'allégations.

Les autres partis d'opposition croient cependant qu'il est temps que des accusations soient portées. Plus tôt, M. Bordeleau a estimé que lorsque des saisies sont faites dans des coffrets de sécurité personnels, ce n'est qu'une question de temps avant que des accusations soient déposées. Emilio Migliozzi, du Mouvement lavallois, a abondé dans le même sens.

À Québec, ni la première ministre du Québec, Pauline Marois, ni le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudrault, n'ont encore commenté la décision de M. Vaillancourt. Le gouvernement devrait cependant réagir demain, avant le caucus du parti qui se tiendra en matinée.

Le chef de bureau de Radio-Canada à Québec, Sébastien Bovet, rapporte toutefois que la majeure partie de la classe politique soutient qu'il appartient au maire Vaillancourt de décider de la suite des choses. La Coalition avenir Québec (CAQ) est cependant allée un peu plus loin en invitant, mardi, le maire Vaillancourt ainsi que son homologue montréalais, Gérald Tremblay, à partir. Le chef caquiste, François Legault, a estimé que la crédibilité des deux politiciens municipaux était entachée et qu'ils devaient faire un « sérieux examen de conscience ».

Laval au coeur des allégations de corruption

La Ville de Laval figure parmi les municipalités québécoises qui ont souvent été éclaboussées, ces dernières années, par des révélations consécutives à des enquêtes journalistiques.

Dès 2009, François Beaudry, un ancien conseiller du sous-ministre du ministre des Transports, avait affirmé à Radio-Canada qu'il avait été témoin d'un stratagème de collusion à Laval en 2003. À l'époque, M. Beaudry avait porté plainte à la Sûreté du Québec (SQ), qui avait ouvert une enquête qui s'était cependant terminée sans résultats.

En novembre 2010, Radio-Canada apprenait, après plus d'un an d'enquête, que le maire Vaillancourt aurait offert illégalement 10 000 $ comptant au candidat péquiste Serge Ménard, en 1993. L'enquête de l'UPAC aurait été déclenchée à la suite de ces révélations.

La société d'État avait aussi appris en août dernier que Gilles Vaillancourt aurait donné 10 000 $ comptant à un ex-collecteur de fonds du Parti québécois, Claude Vallée, durant la campagne électorale provinciale de 1994. Cette présumée affaire de financement illégal avait été dénoncée à l'escouade Marteau de la Sûreté du Québec.

Le maire Vaillancourt a toujours nié ces allégations. Il avait sommé ses détracteurs de se rétracter en déposant une mise en demeure, mais il l'avait ensuite retirée.

Le 15 octobre, devant la commission Charbonneau, Lino Zambito affirmait que les entrepreneurs qui obtenaient des contrats de construction à Laval, au début des années 2000, versaient 2,5 % de leur valeur au maire Gilles Vaillancourt par l'entremise de Marc Gendron, de la firme de génie-conseil Tecsult. Des allégations démenties par le bureau du maire.

Pour me joindre :

sophie-helene.lebeuf@radio-canada.ca

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