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Commission Charbonneau: Lino Zambito implique le parti du maire Tremblay

Collusion: Lino Zambito implique le parti du maire Tremblay

Un texte de François Messier

Les membres du cartel des égouts actif à Montréal versaient 3 % de la valeur des contrats obtenus au parti du maire Tremblay et une autre part de 1 % à Gilles Surprenant, un ingénieur chargé des plans et devis à la Ville que l'on surnommait Monsieur TPS, a affirmé lundi Lino Zambito.

« À partir de 2005-2006, il y a un montant de 3 % des contrats que moi, je remettais à M. Milioto et j'avais connaissance que ce montant-là allait au parti politique du maire Tremblay », a dit l'ex-vice-président de la firme Infrabec lors de son témoignage devant la commission Charbonneau.

Jusqu'à maintenant, M. Zambito a donc affirmé qu'il versait 3 % de la valeur des contrats au parti du maire Tremblay, 2,5 % à la mafia, et 1 % à Gilles Surprenant.

M. Zambito, qui avait entrepris son témoignage jeudi dernier, a soutenu que cette information sur la part de 3 % versée au parti du maire lui avait été transmise par M. Milioto lui-même.

Nicolo Milioto a longtemps dirigé Mivela Construction, avant d'en passer les commandes à son gendre. La semaine dernière, un enquêteur de la commission a dit croire qu'il était l'intermédiaire entre des entrepreneurs en construction et le clan mafieux Rizzuto.

Mercredi dernier, la commission avait vu une vidéo sur laquelle on pouvait voir M. Zambito remettre de l'argent comptant à cet ex-dirigeant de Mivela Construction lors d'une fête tenue au Consenza le 24 décembre 2005. La vidéo a été filmée dans le cadre de l'opération policière Colisée.

Lino Zambito a dit jeudi dernier que Construction F. Catania, Construction Catcan, Construction Garnier, Construction A.T.A., Constructions Mirabeau, Construction Super, Construction T.G.A. et Bentech Construction faisaient aussi partie du cartel des égouts.

Pour faire partie de ce groupe, a déclaré M. Zambito, il fallait payer 2,5 % de la valeur des contrats obtenus à Nicolo Milioto. La somme, a-t-il dit, permettait de faire partie du système de répartition des contrats.

M. Zambito a aussi affirmé que les contrats accordés par la Ville de Laval et Transports Québec étaient différents. La mafia, a-t-il dit, n'était « pas présente » pour ces contrats, mais « d'autres mécanismes entraient en ligne de compte ».

En après-midi, M. Zambito a cependant relaté que Vito Rizzuto avait joué un rôle de médiateur dans un conflit l'opposant à l'entrepreneur Tony Accurso au sujet d'un contrat du ministère des Transports.

Gilles Surprenant, « Monsieur TPS »

Selon Lino Zambito, les entrepreneurs membres du cartel versaient une somme équivalant à 1 % de la valeur des contrats obtenus à Gilles Surprenant, un ingénieur chargé des plans et des devis pour des travaux de la Ville de Montréal.

Il estime avoir versé lui-même de 100 000 $ à 200 000 $ en argent comptant sur une période de 8 à 10 ans à cet ingénieur, surnommé « M. TPS », un acronyme évoquant non pas la taxe provinciale du même nom, mais plutôt « taxe pour Surprenant ».

La semaine dernière, M. Zambito avait évalué qu'Infrabec recevait environ 14 % des parts de marché dans le secteur des égouts à Montréal vers la fin des années 2000. Il évaluait les parts de marché de Frank Catania et associés et Construction Garnier à 18 %, et celle de Catcan à 16 %.

Selon Lino Zambito, M. Surprenant était en partie responsable du budget des projets de construction, et se trouvait donc en position de faire augmenter artificiellement le coût des contrats avant même qu'ils ne soient soumis au processus d'appel d'offres.

Le prix des matériaux, qu'il s'agisse de pierres, de tuyaux ou d'asphalte, a gonflé en conséquence et excédait le prix du marché, a-t-il dit. « Tout a augmenté », a-t-il affirmé.

Selon Lino Zambito, Gilles Surprenant était « très efficace » lorsque venait le temps de réclamer son dû.

M. Surprenant n'est plus à l'emploi de la Ville de Montréal. Il a pris sa retraite après la création de l'escouade Marteau, a souligné Lino Zambito. Selon lui, plusieurs autres employés de la Ville ont d'ailleurs fait la même chose.

M. Surprenant était par ailleurs employé de la firme Cegertec jusqu'à il y a quelques semaines. Les raisons de son départ de Cegertec ne sont pas connues.

Des évènements toutes dépenses payées

Par ailleurs, M. Zambito a confirmé qu'il avait invité M. Surprenant et un autre ingénieur de la Ville, Luc Leclerc, à un voyage au Mexique au début des années 2000. Radio-Canada a révélé cette histoire dimanche soir.

Lino Zambito dit qu'il a payé les frais du voyage, effectué dans un établissement de villégiature dans lequel son père, Giuseppe, a des intérêts. Selon lui, ce sont MM. Surprenant et Leclerc qui ont insisté pour s'y faire inviter.

Luc Leclerc a confirmé à Radio-Canada qu'il était du voyage, mais il affirme avoir payé son forfait. Gilles Surprenant n'a pas pu être joint.

Luc Leclerc, qui est également à la retraite aujourd'hui, était un surveillant de chantier qui facilitait la vie à des entrepreneurs qui voulaient réclamer des « extras bidons », a déclaré Lino Zambito.

L'idée était de « vider l'enveloppe » prévue pour les travaux imprévus susceptibles de survenir lors de l'exécution d'un projet. Ce montant dit de « contingence » équivalait généralement à 10 % ou 12 % de la valeur du contrat.

Pour un contrat de 3 millions de dollars, par exemple, une contingence de 300 000 $ était prévue. Si une somme de 100 000 $ n'avait pas été utilisée au terme des travaux, par exemple, l'entrepreneur présentait alors des « extras bidons » à l'ingénieur supervisant le chantier pour « vider l'enveloppe ».

Les sommes provenant de ces réclamations frauduleuses étaient versées à 75 % à la firme, mais M. Leclerc récupérait l'autre 25 %. Selon Lino Zambito, Infrabec a ainsi versé « plus de 200 000 $, facilement » à M. Leclerc.

Toujours selon M. Zambito, au moins deux autres ingénieurs de la Ville de Montréal faisaient partie du stratagème, soit François Thériault, qui prenait 15 % des « extras bidons », et un dénommé Michel Paquet (ou Paquette).

Un autre employé de la Ville de Montréal, Yves Themens, était pour sa part un « contact », qui permettait à Lino Zambito d'obtenir la liste des soumissionnaires pour les projets intéressants Infrabec. Cette liste est confidentielle. M. Zambito dit avoir joué au golf avec M. Themens, mais ne l'avoir jamais rémunéré.

M. Zambito a par ailleurs dit qu'il était au courant que Luc Leclerc habitait à côté des membres de la famille Catania à Brossard. Il a dit ne pas savoir si les Catania avaient payé sa maison.

Il a cependant dit que Luc Leclerc convoquait pratiquement tous les jours des entrepreneurs à son restaurant, situé rue Notre-Dame, à Repentigny, pour discuter de certains dossiers. « c'était une façon pour lui de faire fonctionner son restaurant », a dit Zambito.

La semaine dernière, l'ex-VP d'Infrabec a dit avoir rencontré Luc Leclerc sur le chantier du premier contrat qu'il a obtenu à Montréal au début des années 2000. Selon M. Zambito, M. Leclerc lui avait alors dit que les « autres entrepreneurs » et la « mafia » n'allaient pas être contents de sa présence.

Selon Lino Zambito, Infrabec offrait régulièrement des cadeaux à des employés de la Ville de Montréal. La commission s'est particulièrement intéressée à un tournoi de golf et une fête de Noël organisés par la firme en 2007.

Le tournoi de golf, payé par Infrabec selon les dires de M. Zambito, a notamment regroupé Gilles Surprenant, Luc Leclerc, Gilles Vézina, Yves Themens Michel Paquet (ou Paquette), François Thériault, Mario Duguay et Gilles Robillard. L'ancien directeur du service de la réalisation des travaux à la Ville, Robert Marcil, a été invité, mais a décliné l'offre.

Le souper de Noël, dont les frais ont aussi été défrayés par Infrabec, a notamment réuni Luc Leclerc, Robert Marcil, Yves Themens, Marc Hébert, Vincent Thibault et Katerina Milioto, la fille de Nicolo Milioto, qui a longtemps travaillé sous les ordres de M. Marcil à la Ville de Montréal.

D'autres employés de la Ville, dont M. Surprenant, Michel Paquet (ou Paquette), Gilles Vézina, Gilles Robillard et François Thériault ne se sont pas prévalus de l'offre d'Infrabec.

Selon M. Zambito, les entrepreneurs en construction ont depuis longtemps la coutume d'offrir des cadeaux à des employés municipaux ou à des politiciens à l'occasion de Noël, et il faisait de même, « de bonne foi ».

Il dit avoir eu l'idée d'un repas au restaurant après avoir réalisé que de plus en plus de gens étaient « mal à l'aise » de recevoir les cadeaux de ces firmes à leur lieu de travail.

« Si le fonctionnaire se sentait à l'aise, moi, je n'avais pas à me sentir mal à l'aise de ça », a dit Zambito. Selon lui, c'était à eux de dire si cela contrevenait à leur code d'éthique.

Pour me joindre :

francois.messier-nm@radio-canada.ca

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