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Zabana à Toronto : un film "contre le colonialisme" de l'Algérien Ould-Khelifa

Zabana à Toronto : un film "contre le colonialisme" de l'Algérien Ould-Khelifa

Le 19 juin 1956 à l'aube, un Algérien condamné pour le meurtre d'un colon français était guillotiné. Le bourreau avait dû s'y prendre à trois reprises, la lame de la guillotine s'étant bloquée deux fois. C'est son histoire que raconte Saïd Ould-Khelifa dans un film, Zabana, présenté à Toronto.

L'exécution d'Ahmed Zabana, 30 ans, membre du Front de libération nationale (FLN), "marque le début de la bataille d'Alger", selon le cinéaste algérien.

Son film, présenté pour la première fois au festival international de Toronto (au Canada, jusqu'au 16 septembre) sort l'année marquant le cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie (1962).

Zabana, interprété avec talent par Imad Benchenni, est le premier des 222 prisonniers algériens guillotinés par les Français pendant la guerre d'Algérie, selon des études historiques, entre 1956 et 1960.

"Ce n'est pas un film contre la France ou le peuple français, c'est un film contre le colonialisme", explique à l'AFP Saïd Ould-Khelifa. "Pendant le tournage, j'avais constamment à l'esprit cette phrase qu'Aragon fait dire à Manouchian (ndlr résistant fusillé en 1944) dans son poème L'affiche rouge: +Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand+".

Ancien journaliste passé à la mise en scène, Saïd Ould-Khelifa a déjà à son actif trois longs-métrages, dont l'un, Le thé d'Ania, avec l'actrice Ariane Ascaride, traitait d'une autre guerre, "la guerre contre les civils", comme il la qualifie, qui a ensanglanté l'Algérie dans les années 1990.

Pour réaliser Zabana, entièrement tourné en Algérie, le cinéaste s'est inspiré de travaux d'historiens, "surtout ceux de Sylvie Thénault, qui a beaucoup écrit sur la juridiction militaire en Algérie". Il a rencontré des témoins de l'époque, comme Saïd Stamboli, qui vit toujours à Saint-Lucien, le village natal de Zabana, dans l'Oranais, ou Boualem Debah, ancien gardien de prison. Tous deux sont représentés dans le film.

Celui-ci commence par le hold up commis par Zabana et ses camarades à la poste d'Oran pour se procurer de l'argent. Les réunions clandestines auxquelles prenaient part de grandes figures de la résistance algérienne, Aït Ahmed ou Ahmed Ben Bella, sont reconstituées.

Mitterrand pour la peine de mort

Plusieurs scènes ont été tournées sur les lieux mêmes où les événements se sont produits : le tribunal à Alger où le jeune homme fut condamné à mort (la même salle où Visconti tourna L'étranger, de Camus), ou les caves de la Villa Susini où avaient lieu les séances de torture.

Le cinéaste reconstitue également la séance en 1956 du Conseil des ministres au cours de laquelle fut décidée que les prisonniers politiques condamnés pour meurtre seraient exécutés. Avaient notamment voté pour la peine de mort : François Mitterrand (Justice) et Félix Houphouët-Boigny ("lui, ce fut une surprise pour moi de le découvrir", confie M. Ould khelifa). Contre : Pierre Mendès France, Alain Savary, Gaston Deferre.

Le film se termine sur l'exécution particulièrement horrible de Zabana. A deux reprises, la lame de "la Veuve", comme on surnommait la guillotine, s'est bloquée. Ce n'est qu'au troisième essai que Zabana fut guillotiné.

"Ce film, je l'ai fait dans une sorte d'inconscience. Car les dossiers sont toujours délicats à exhumer, même 60 ans après. Mais il fallait le faire, ne serait-ce que pour dire l'absurdité de la guerre et de la peine de mort", affirme le cinéaste.

Saïd Ould Khelifa a déjà un projet de nouveau film : une adaptation du roman de Jérôme Ferrari, Où j'ai laissé mon âme (Actes Sud), "toujours sur la guerre d'Algérie, mais côté français".

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