RÉSEAUX SOCIAUX - La pyramide des âges de Twitter change. Vous pensiez que ce réseau social était un repaire de journalistes, de technophiles, de célébrités et de politiques? Plus seulement. Une nouvelle catégorie d'utilisateurs a fait de Twitter son terrain de jeux favori: les adolescents. Et tout le monde a pu s'en apercevoir cet été, lorsque l'actualité était plus faible et les "influenceurs" du réseau social étaient en vacances.
De fait, parmi les sujets les plus commentés sur le site - les fameux Trending Topics ou TT - les grandes informations du jour ont côtoyé les noms d'idoles adolescentes (One Direction, Justin Bieber, Selena Gomez, Lady Gaga...), d'émissions de téléréalité ou encore des hashtags - les # que l'on place devant le thème de son tweet - sous forme de jeux comme #quandlejourdelarentréearrivera ou #CesPersonnesQui.
Les codes de Twitter évoluent à mesure que son audience rajeunit. Aujourd'hui, 16% des 15-24 sont déjà sur ce réseau social en France, selon les chiffres de l'institut ComScore. soit deux fois plus que l'année passée à la même époque. Ils sont désormais plus d'un million à être inscrits sur Twitter.
Cette tranche d'âge devient ainsi la plus représentée sur le site en France et dépasse les 25-34 ans (767.000 utilisateurs en juillet 2011), la tranche d'âge habituelle du réseau social. Dernier chiffre intéressant: près d'un 15-24 ans sur cinq préfère à présent ce réseau social à Facebook.
Mes parents sont sur Facebook, je fonce sur Twitter
Le grand exode a commencé. "Les ados quittent en masse Facebook à mesure que leurs parents et professeurs s'y mettent", constate Yann Leroux qui se décrit comme "psychologue et geek".
Les jeunes l'avouent dans leurs tweets. Les parents sont devenus gênants avec leurs demandes en amis ou leurs "à table", lâchés sur le "mur" de leurs chères têtes blondes. Alors direction Twitter, le réseau social qui échappe encore à leur contrôle et où, contrairement à Facebook, ils ont droit à l'anonymat.
Twitter abolit également la notion "d'amitié" inhérente à Facebook, un avantage qui a séduit Eva, 16 ans: "Sur Facebook il y a la barrière du 'devenir amis' alors que sur Twitter il est plus facile d'avoir une connexion avec d'autres internautes pour commenter les nouvelles ou simplement rigoler", explique-t-elle.
Lydia, 17 ans, aime quant à elle, "le fait d'être lu par des personnes que l'on ne connaît pas, et qui, de ce fait ne nous jugent pas. Cela me donne une liberté que je n'avais pas ou plus sur Facebook."
Toujours plus rapide et plus connecté
"La nouvelle popularité de Twitter attire forcément les jeunes, explique Laurent Karila, psychiatre spécialiste des addictions. Mais ce qui les séduit, c'est aussi que Twitter va plus vite que les autres réseaux sociaux, y compris Facebook."
L'instantanéité et le flux continu de messages captivent les natifs du digital. "Sur Twitter on n'est jamais seul, lâche Lydia. Il y aura toujours quelqu'un qui tweetera quelque chose."
D'ailleurs cette demande de connexion continue et l'appel de Twitter ont bien été anticipés par les opérateurs mobiles, de plus en plus nombreux à proposer des forfaits premier prix dans lesquels la connexion à Internet n'est pas illimitée, mais les tweets, si. D'après les chiffres français de l'institut Comscore, en juillet 2011, les 13-17 ans étaient 90.000 à tweeter depuis leur téléphone. Un an plus tard, ils sont près de 220.000.
Chambouler le Twitter des aînés
Progressivement, la nouvelle génération s'approprie ce réseau social que l'on pensait trop sérieux pour elle et bien plus austère qu'un profil Facebook personnalisable à volonté.
"L'important c'est qu'ils trouvent une bonne distance entre leur culture de groupe et la culture des adultes", précise Yann Leroux. Et Twitter correspond parfaitement à ce schéma. Les plus jeunes reprennent par exemple les hashtags inventés par leurs aînés et créent les leurs.
Pour Lionel Kaplan, fondateur de Mediatrium qui a récemment réalisé une étude sur les jeunes et Twitter après 10 mois d'observation de leurs comportements, Twitter est devenu "un énorme terrain de jeux pour les adolescents". "Chaque jour, ils lancent des hashtags sous forme de jeux comme #remplaceunmotdansletitredunfilmpar, voilà une utilisation ludique qu'ils n'ont pas ailleurs", explique-t-il.
C'est pourquoi fin août, alors que le public classique de Twitter discute politique, ouragan Isaac et convention républicaine, des hashtags comme #tuméritesdesclaques, #quandlejourdelarentréearrivera, ou #ToiAussiDébarquesDeFacebook (qui s'amuse des petits nouveaux sur Twitter) ont été les sujets les plus commentés du site.
Et que dire des hashtags de fans qui s'accaparent chaque jour un peu plus la page d'accueil du site.
La folie One Direction et Cie
Lady Gaga et Justin Bieber ont fait leur temps (ils restent tout de même les deux stars les plus suivies avec respectivement 28 et 26 millions de followers). Les nouvelles coqueluches de Twitter sont les cinq garçons des One Direction. Les membres du réseau social, quel que soit leur âge, ne peuvent y échapper. Les prénoms de Liam, Harry, Zayn, Niall et Louis reviennent constamment dans les trending topics (TT), n'en déplaise aux plus vieux.
"Pour lancer des TT, il faut qu'il y ait des occasions spéciales, comme les anniversaires des membres du groupe", explique @LydiaM_, administratrice d'un forum de fans français du groupe.
Le 29 août, le hashtag #happybirthdayliam est 4 fois plus tweeté que le sujet "Isaac", le jour où l'ouragan fait la Une des sites d'informations.
Via Gigatweet. Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
Twitter, fréquence Star
L'effet "star" a également attiré de nombreux adolescents sur le site, heureux d'avoir une certaine proximité avec leurs idoles et une source directe pour suivre leurs actualités. "Sur Twitter, les artistes donnent eux même les informations, démentent les rumeurs et publient des photos qu'aucun magazine ne pourrait se procurer", poursuit Lydia.
Night night. Love, Mademoiselle Melbourne. twitter.com/ladygaga/statu...
-- Lady Gaga (@ladygaga) Juin 29, 2012
Une photo, 9 743 retweets
Certes, tous ne sont pas là pour les paillettes. Mais, pour les vrais admirateurs, être retweeté par un Matt Pokora ou une Miley Cyrus, vaut bien plus qu'un autographe. Dans l'espoir d'attirer l'attention des célébrités, "ils n'hésitent pas à les alpaguer, bien moins timides que dans la vraie vie", analyse Lionel Kaplan.
Décomplexés, trop décomplexés?
"Contrairement à d'autres espaces de publication sur Internet, les Twittos les plus jeunes n'ont rien à faire du jugement des autres", poursuit le fondateur de Mediatrium. Alors, le jour où Neil Armstrong meurt, ceux qui n'ont pas appris le nom du premier homme à poser le pied sur le sol lunaire, n'hésitent pas à tweeter un "c'est qui?" sans prendre le temps de taper son nom dans un moteur de recherche.
Les jeunes utilisateurs ne tournent pas tous sept fois leurs pouces avant de tweeter. Si les "dangers de Facebook" (vie privée, harcèlement en ligne, etc.) sont largement mis en avant par les équipes pédagogiques et les médias, "sur Twitter, le risque de trop se dévoiler existe aussi, rappelle le psychiatre Laurent Karila. Avec les tweets-clashs (joute verbale entre deux utilisateurs ndlr.), il est facile de décrédibiliser un internaute à plusieurs."
Pour son confrère, Yann Leroux, "il ne faut pas tomber dans la pédagogie de la peur", mais au contraire "utiliser cet engouement". Pour les deux spécialistes, une chose est certaine, si les ados débarquent massivement sur Twitter, ce réseau social ne tardera pas à intéresser leurs aînés, même les moins connectés, ne serait-ce que pour les contrôler.
D'ailleurs, avec les 15-24 ans, la tranche d'âge dont la représentation augmente le plus sur Twitter en France est celle des 45 ans et plus (+ de 72% en un an). Seule différence: ils sont bien plus discrets que leurs progénitures. Ils écoutent, mais ne parlent pas!
Quelques exemples de tweets d'ados: