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Troisième duel : Marois à gauche, Legault à droite

Troisième duel : Marois à gauche, Legault à droite

Un texte de Sophie-Hélène Lebeuf, Marc-Antoine Ménard

La chef du Parti québécois (PQ), Pauline Marois, et le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, ont participé, mercredi, au dernier de trois duels électoraux diffusés par le réseau TVA.

Amorcée sur un ton très calme, la joute oratoire est rapidement devenue un dur affrontement entre deux anciens collègues sous les gouvernements péquistes de Lucien Bouchard et Bernard Landry, sans toutefois atteindre l'intensité acrimonieuse des duels précédents.

Les thèmes abordés étaient les mêmes : gouvernance, politiques sociales, économie et question nationale et identité.

Gouvernance

Les dépenses électorales ont été le principal sujet abordé sous le thème de la gouvernance, mais le tout a rapidement dévié vers un débat sur l'intégrité.

Interrogée sur l'affirmation du candidat caquiste Jacques Duchesneau selon laquelle 70 % de l'argent consacré aux partis politiques au provincial ne serait pas issu de dons officiels enregistrés, Pauline Marois a répondu que « ce n'est pas possible ». « Il sait qu'il n'y a pas d'argent sale au Parti québécois », a-t-elle dit, prenant à témoin son ancien collègue péquiste.

Mme Marois a rappelé les révélations du reportage diffusé mardi par Radio-Canada, où des sources affirmaient que de l'argent récolté lors du lancement de la campagne de Jacques Duchesneau à la mairie, en 1998, n'apparaissait pas dans les états financiers du parti Nouveau Montréal.

François Legault a rétorqué qu'une enquête du Directeur général des élections, qui portait sur d'autres allégations visant cette campagne municipale, avait blanchi M. Duchesneau. Le bureau du DGE a indiqué mercredi qu'il n'ouvrirait pas de nouvelle enquête sur la campagne de 1998 de Jacques Duchesneau.

Pauline Marois a poursuivi en reprenant des informations ayant refait surface dans un récent pamphlet politique, selon lesquelles M. Legault, à l'époque où il siégeait dans l'opposition péquiste, avait cessé de mener le dossier des irrégularités dans la gestion des Fonds d'intervention économique régionale (FIER) à l'Assemblée nationale lorsque le nom de Charles Sirois, homme d'affaires avec qui il a plus tard fondé la Coalition pour l'avenir du Québec, a surgi. M. Legault a nié ces affirmations.

Chacun a fait état de ses promesses pour améliorer la gouvernance et l'éthique au Québec. Si Mme Marois et M. Legault s'entendent sur la réduction du plafond des dons aux partis à 100 $ par personne, ils divergent sur le plafond des dépenses.

M. Legault prône une réduction de ce plafond à 4 millions de dollars. Il est présentement de 11 millions.

Le chef de la CAQ a demandé à son adversaire pourquoi elle tenait à le garder aussi haut. Mme Marois a soutenu que cet argent était nécessaire pour faire campagne dans toutes les régions, ce que conteste M. Legault.

Les politiques sociales

Les deux rivaux, qui ont tous deux déjà occupé le portefeuille de l'éducation et la santé, ont croisé le fer sur cette question.

Prônant un « changement complet » en éducation, François Legault a assuré que c'était là la raison de son retour en politique.

Se disant notamment préoccupé par le décrochage scolaire chez les garçons avant la 5e secondaire, il a réitéré que son parti s'engageait à abolir les commissions scolaires, à « redonner le pouvoir aux enseignants » en échange d'évaluations de performance, à ouvrir les écoles de 9 h à 17 h pour offrir davantage d'activités sportives et culturelles ainsi que de l'aide aux devoirs et à l'apprentissage. « Ce que je souhaite, c'est enlever les ressources dans la bureaucratie pour mettre l'argent dans les services. »

Plaidant pour la présence d'orthophonistes, d'orthopédagogues et de psychologues dans les milieux scolaires, Pauline Marois a accusé son ancien collègue de vouloir faire de la provocation et de ne pas cerner les véritables besoins des professeurs, qui « appellent au secours »,

« Pendant que vous vous occupez des structures, moi, je vais m'occuper des enfants et aider les enseignants! », a rétorqué Mme Marois, qui a mis de l'avant sa proposition de la maternelle à quatre ans dans les milieux défavorisés.

« Pour investir dans les écoles, il faut d'abord faire le ménage », a-t-il répliqué, soulignant au passage que le PQ n'avait pas encore publié son cadre financier. Il a ajouté que la CAQ, elle, serait en mesure de dégager une marge de manoeuvre grâce à des compressions dans « les commissions scolaires, les agences de santé, les médicaments et Hydro-Québec ».

« Je l'ai fait le ménage, mais en douceur » , a affirmé Mme Marois, rappelant qu'elle avait ramené de 156 à 72 le nombre de commissions scolaires. Pauline Marois a également accusé son rival de vouloir mettre « 7000 personnes dehors », ce dont il s'est vivement défendu, soutenant qu'il s'agissait de postes qui seraient abolis à la suite de 21 000 départs à la retraite. M. Legault a aussi répliqué qu'elle était trop près des milieux syndicaux.

« Quand vous allez négocier avec les associations étudiantes, allez vous avoir votre carré rouge? Quand vous allez négocier avec les syndicats, allez-vous porter votre macaron de la CSN? », a-t-il poursuivi.

Les échanges se sont davantage corsés lorsque les candidats ont débattu des problèmes du réseau de la santé.

Il ne sera pas possible de régler le problème des urgences, a soutenu Mme Marois, seule une amélioration est envisageable, notamment grâce aux groupes de médecine familiale et à l'amélioration des soins à domicile. Au moins 1100 lits d'hôpitaux sont occupés par des personnes âgées, a-t-elle souligné.

Pauline Marois a lancé que la promesse de la CAQ de doter tous les Québécois d'un médecin de famille d'ici un an était irréaliste, arguant que sa formation pourrait remplir cet engagement en quatre ans.

Citant en exemple l'Australie et la Grande-Bretagne, François Legault a avancé sa propre théorie sur l'impossibilité du PQ d'y arriver en un an. « Vous en avez pas, du courage », a répliqué M. Legault, qui l'a accusée de plier devant de nombreux groupes de pression.

Les omnipraticiens québécois, contrairement à leurs confrères britanniques ou allemands, offrent aussi des soins dans les hôpitaux, a réfuté Pauline Marois.

François Legault a expliqué que c'est la raison pour laquelle les médecins devraient prendre en charge 1000 patients et non 1600 comme c'était le cas dans les deux pays évoqués au lieu des 700 comme c'est le cas actuellement.

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) s'est dite en désaccord avec cette proposition de la CAQ.

L'économie

La ligne d'attaque de François Legault sur l'économie était axée sur l'absence de cadre financier du Parti québécois et sur la proximité entre le PQ et les syndicats.

Le chef de la CAQ évalue à 3 milliards de dollars par année les promesses péquistes d'annuler la hausse des droits de scolarité décrétée par les libéraux, d'annuler le dégel du bloc patrimonial des tarifs d'électricité, de maintenir les tarifs des centres de la petite enfance à 7 $ et d'abolir la contribution santé de 200 $ par année.

Il a reproché à Pauline Marois de manquer de courage. « Vous allez le prendre où, le 3 milliards, pourquoi vous ne le déposez pas, le cadre financier? »

François Legault a aussi défendu son appui au droit de lock-out réclamé par le maire de Québec, Régis Labeaume, pour « rétablir l'équilibre des forces entre la Ville et le syndicat de la FTQ ». M. Legault a estimé à 4 milliards de dollars le déficit des régimes de retraite des employés municipaux et accusant Mme Marois de vouloir « monter les taxes de tout le monde pour financer » ces régimes. « La majorité des Québécois n'ont pas de régime de retraite », a-t-il ajouté.

Pauline Marois a rétorqué qu'elle trouverait une solution au « vrai problème » des régimes de retraite avec les travailleurs et les municipalités. Elle a ajouté qu'un lock-out n'avait aucun sens, se demandant si le maire de Québec allait devenir pompier ou aller ramasser les ordures.

La chef du PQ a affirmé que les hausses de tarifs d'électricité préconisées par la CAQ allaient augmenter la facture de chaque Québécois de 344 $. Elle a ajouté que les baisses d'impôt promises par M. Legault ne se matérialiseraient pas, et qu'au moins un million de contribuables n'y auraient pas droit.

Pauline Marois a aussi rappelé sa promesse de créer un fonds de 10 milliards de dollars, administré par la Caisse de dépôt et placement, pour prendre des parts plus importantes dans les fleurons de l'économie du Québec. « Mon objectif est d'enrichir tous les Québécois, pas seulement quelques entreprises », a-t-elle lancé.

« D'où vient votre nouvel intérêt pour les sièges sociaux au Québec? » a demandé François Legault, en reprochant à son adversaire de n'avoir rien fait pour les retenir lorsqu'elle était ministre des Finances.

L'absence du chef libéral Jean Charest n'a pas empêché le Plan Nord d'être au menu des échanges. Le chef de la CAQ l'a décrit comme une « opportunité incroyable ». Il a affirmé que le régime de redevances proposé par le PQ, prévoyant 5 % sur la valeur du minerai, allait entraîné la fermeture de mines d'or.

« Vous voulez laisser les minières partir avec notre minerai sans les transformer on va enrichir quelques minières, mais on n'enrichira pas les Québécois », l'a accusé Pauline Marois, soutenant que 10 minières sur 19 ne versaient aucune redevance à l'État québécois.

Question nationale et identité

La tenue d'un éventuel référendum sous un gouvernement péquiste a monopolisé les débats sur la question nationale. L'animateur Pierre Bruneau a demandé à Mme Marois si « oui ou non » elle tiendrait un référendum au cours d'un premier mandat.

« Je le ferais le lendemain, mais ça ne marche pas comme ça », a-t-elle dit. « Il y aura un référendum lorsque la population du Québec souhaitera tenir un référendum », assurant qu'il ne se ferait « pas en cachette ».

« Vous aviez renié vos convictions », a-t-elle lancé à son collègue, ce à quoi il a répliqué qu'il avait « cheminé comme beaucoup de Québécois » et qu'il était temps de mettre fin à 30 ans de division. « Ce que les gens veulent, c'est qu'on fasse un ménage », a affirmé François Legault.

Celui-ci est rapidement passé à l'attaque en pourfendant les référendums d'initiative populaire proposés par le PQ, qui obligeraient le gouvernement à tenir un référendum sur un enjeu, quel qu'il soit mais en tenant compte de certaines restrictions, si 15 % des électeurs inscrits (environ 850 000 personnes) signaient un registre en ce sens.

« Ce sont les purs et durs qui vont décider de la date », s'est-il insurgé. « La pire chose qui pourrait arriver, c'est qu'on perde un référendum! »

Il a ajouté qu'avec la proposition du Parti québécois, les sujets de référendum pourraient se multiplier. « Ça va être le chaos au Québec », a-t-il prédit. « Le Québec va être immobilisé pendant quatre ans. »

« Je suis une femme responsable », a répliqué sa rivale.

François Legault a dû dire s'il serait chef du camp du non advenant la tenue d'un référendum. « Je ne ferai ni la promotion de la souveraineté, ni de l'unité canadienne », martelant que « les Québécois sont tannés de la chicane ».

Pauline Marois a accusé M. Legault de se mettre à genoux devant le fédéral.

Il a répondu que le PQ n'avait aucune crédibilité devant Ottawa. « Vous faites une liste de demandes pour vous faire dire non », a-t-il dénoncé, assurant que la CAQ négocierait « de bonne foi [...] dans les intérets supérieurs du Québec ».

Deux autres duels, ceux entre le chef du Parti libéral, Jean Charest, et Pauline Marois, puis entre M. Charest et François Legault, ont eu lieu en début de semaine. Ils faisaient suite au débat des chefs à quatre, qui incluait aussi la présidente et porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, dimanche soir.

Pour me joindre :

sophie-helene.lebeuf@radio-canada.ca

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