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5 clés pour comprendre les sondages électoraux

5 clés pour comprendre les sondages électoraux

Un texte de Isabelle Montpetit

En campagne électorale, les sondages se veulent un baromètre de l'humeur de la population. Les médias en commentent abondamment les plus infimes variations. Des observateurs s'en servent pour faire des projections sur le résultat de l'élection. Comment les sondages sont-ils réalisés et que peuvent-ils réellement nous dire? Voici cinq clés qui permettent de mieux comprendre les méthodes qui tâtent le pouls de l'électorat.

1. L'échantillon

2. Les méthodes

3. La marge d'erreur

4. Les distorsions

5. L'influence sur le vote

L'ÉCHANTILLON

Les politiciens le disent souvent : le véritable sondage a lieu le jour du vote. Ce n'est qu'à ce moment qu'on connaît véritablement le pouls de l'électorat. En attendant, pour essayer de prévoir le résultat de l'élection, les sondeurs doivent constituer un échantillon le plus représentatif possible de la population.

L'échantillon idéal, du point de vue scientifique, est un échantillon probabiliste. De quoi s'agit-il? D'un échantillon où tous les électeurs ont une chance égale d'être choisis. Il s'agit donc de choisir au hasard, dans la liste complète des membres de la population dont on veut connaître l'opinion, ceux à qui le sondage sera donné.

Pour que les conclusions du sondage soient parfaitement valides selon les lois de la statistique, il faut que les conditions suivantes soient réunies :

  • Il existe une liste de tous les électeurs et du moyen de les joindre
  • Tous ceux qui ont été choisis pour faire partie de l'échantillon répondent
  • Tous ceux qui répondent acceptent de donner leur opinion

Pour le moment, aucune des méthodes habituellement utilisées par les sondeurs ne permet de réunir ces conditions, mais certaines s'en approchent plus que d'autres.

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LES MÉTHODES

Il existe trois principales façons de joindre un échantillon d'électeurs :

  • Les interviews téléphoniques
  • Les interviews par serveur vocal interactif
  • Les panels sur Internet

Les interviews téléphoniques

Pendant l'âge d'or des interviews téléphoniques, à la fin des années 80, les sondeurs obtenaient jusqu'à 70 % de réponse, et jusqu'à 85 % des répondants acceptaient de révéler leur intention de vote. Aujourd'hui, on parle de taux de réponse de moins de 20 %.

De plus, avec la multiplication des fournisseurs de services téléphoniques, il est difficile de constituer une liste complète de tous les numéros de téléphone. Enfin, les numéros de cellulaires sont souvent exclus des listes. Cela élimine d'emblée les personnes qui n'ont pas de ligne téléphonique fixe, soit 13 % des ménages et une plus forte proportion de jeunes, selon les données de Statistique Canada.

Dans les cas où des numéros de cellulaires sont inclus, le mode de facturation de ce type de téléphonie entraîne un taux de réponse moins élevé.

Les interviews par serveur vocal interactif

Il s'agit d'une interview téléphonique où le participant répond à des questions préenregistrées à partir du clavier numérique de son téléphone ou au moyen d'un système de reconnaissance vocale.

Cette méthode présente les mêmes difficultés que la précédente. De plus, le taux de réponse y est encore moins élevé, selon des études.

Les panels Internet

Les panels Internet sont constitués de personnes recrutées par une firme de sondage. Ces personnes acceptent de recevoir régulièrement par courriel des invitations à participer à des sondages. Les membres du panel choisissent de répondre ou non à tel ou tel questionnaire qu'ils pourront remplir en ligne au moment qui leur convient. Il ne s'agit donc pas d'échantillons probabilistes.

Les panélistes reçoivent un montant symbolique pour chaque participation, ou encore participent à des tirages où les prix atteignent plusieurs milliers de dollars.

Le taux de participation dans les panels Internet peut atteindre 30 % à 45 % et un sondage web peut coûter jusqu'à 30 % moins cher qu'un sondage téléphonique, affirme Christian Bourque, vice-président de la firme Léger Marketing.

Rien n'empêche une personne de s'inscrire plusieurs fois sous différentes adresses courriel. Chez Léger Marketing, on exerce une certaine vérification en comparant les réponses du participant aux données de son profil, fournies au moment de son inscription, et en vérifiant l'adresse IP de son ordinateur.

Le panel Internet exclut d'emblée les gens qui n'ont pas accès à Internet, soit 20 % de la population selon les données 2010 de Statistique Canada. En général, il s'agit de personnes plus âgées et moins scolarisées.

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LA MARGE D'ERREUR

La marge d'erreur permet d'estimer la précision du résultat du sondage. Il est impossible de calculer une marge d'erreur sur un échantillon non probabiliste.

La marge d'erreur dépend de deux facteurs :
  • La taille de l'échantillon : un petit échantillon donne une marge d'erreur plus élevée
  • La valeur du résultat : un résultat proche de 50 % a une plus forte marge d'erreur qu'un résultat situé aux extrêmes du spectre (les sondeurs fournissent habituellement la marge d'erreur la plus élevée).

Important à savoir : l'intention de vote réelle peut avoir n'importe quelle valeur à l'intérieur de la marge d'erreur.

Prenons l'exemple d'un sondage qui donne 40 % d'intention de vote au parti A et 37 % au parti B. La marge d'erreur la plus élevée est de plus ou moins 4 %, 19 fois sur 20. Que peut-on dire du résultat de ce sondage ?

Si on tient compte de la marge d'erreur de plus ou moins 4 %, le résultat du parti A se situe n'importe où entre 36 % et 44 %. Celui du parti B peut prendre n'importe quelle valeur entre 33 % et 41 %. Comme les marges d'erreur se superposent en partie (sections hachurées dans l'illustration ci-dessus), le sondage ne permet pas de dire que le parti A est en avance.

Et pourquoi cette marge d'erreur s'applique-t-elle 19 fois sur 20 ? Tout simplement pour mesurer l'effet du hasard. En principe, si on répétait ce sondage avec 20 échantillons différents, 19 donneraient des résultats qui correspondent à l'intention de vote réelle de la population. Le dernier sondage passerait à côté. Et cela, même avec un échantillon impeccable, des questions bien formulées et un taux de réponse de 100 %.

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LES DISTORSIONS

On sait que l'âge, le sexe, la langue ou le niveau d'instruction influencent l'opinion des électeurs. C'est pourquoi les sondeurs s'assurent en général de recruter suffisamment de répondants dans différentes catégories, ou encore ajustent les résultats pour respecter le poids de certaines catégories dans la population.

Mais certaines distorsions imprévues peuvent se produire. Par exemple, après l'élection fédérale de 2008, les sondeurs ont réalisé que les participants aux panels Internet appuyaient moins les conservateurs que les autres. Certaines études ont aussi montré que les participants à ces panels s'intéressaient davantage à la politique que l'ensemble de la population.

Pour réduire l'impact de ces distorsions, la firme de sondages CROP tente de cerner plus précisément les valeurs et les façons d'être de la population, afin notamment de mieux calibrer ses sondages en ligne. Elle sonde régulièrement la population canadienne pour évaluer la répartition de caractéristiques comme le fait d'être conservateur ou avant-gardiste, introverti ou extraverti. Elle pondère ensuite les résultats de ses sondages en ligne à l'aide de ces données.

Enfin, il y a l'épineux problème des répondants discrets ou indécis. Habituellement, leurs intentions de vote sont redistribuées vers les autres partis, proportionnellement aux intentions de ceux qui ont donné leur opinion. Or, le profil des indécis et des discrets n'est pas nécessairement le même que celui de l'ensemble de la population.

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L'INFLUENCE SUR LE VOTE

Les sondages influencent-ils le vote ? Les experts ne font pas consensus là-dessus. Dans certains contextes, il semble que les électeurs soient influencés par les sondages. Par exemple, certains s'abstiennent lorsqu'ils sont certains de gagner, ou encore exercent un vote stratégique selon la popularité des partis (telle que révélée par les sondages). Il faut souligner toutefois que ce type d'effet ne s'observe pas à toutes les élections.

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Merci à la sociologue Claire Durand, de l'Université de Montréal, et au politologue Frédérick Bastien, de l'Université Laval, pour leur aide dans la préparation de cet article.

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