Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Liban: du théâtre pour réhabiliter les prisonniers (PHOTOS/VIDÉOS)

Réhabiliter les prisonniers par le théâtre (PHOTOS/VIDÉOS)
Courtoisie

Réhabiliter les prisonniers libanais à travers des ateliers de «drama thérapie»: c'est l'objectif que s'était lancé Zeina Daccache en 2008. Un an plus tard, son programme, le premier du genre au Moyen Orient, avait créé l'émoi avec la présentation de la pièce Douze Libanais en colère, mettant en scène les détenus de la prison de Roumieh, l'une des plus dangereuses du pays.

Depuis, Zeina et son association Catharsis ont réitéré l'expérience en donnant la paroles aux femmes de la prison de Baabda dans un second spectacle intitulé Shéhérazade à Baabda.

Sur la petite scène, érigée le temps d'une représentation dans la seule salle de séjour de la prison, en banlieue de Beyrouth, une douzaine de prisonnières racontent leurs crimes, leurs frustrations, leurs rêves et leurs souvenirs. Pour plusieurs d'entre elles, il s'agit du premier contact avec le monde extérieur depuis des années.

«Mon rêve c’est d’apprendre à conduire, raconte l'une des actrices durant la pièce. Comme ça je pourrai aller où je veux, et pas là où le gardien veut m’amener. J’aurais dû apprendre à 18 ans mais à cet âge-là, j’étais déjà ici.»

«Une fille bien ne parle pas aux étrangers, lance une deuxième. Mais si elle se marie avec un homme qu'elle n'a jamais rencontré, il n'y a pas de problème.»

Basée sur l'histoire personnelle des détenues, Shéhérazade à Baabda révèle la dure réalité des prisonnières et s'interroge sur la place de la femme dans la société patriarcale libanaise. «Dans le groupe, sept détenues avaient tué leur mari, explique Zeina Daccache. D'autres purgeaient une peine pour adultère, vente de drogue ou encore prostitution. La plupart d'entres elles ont également été victimes d'abus sexuels, de violence conjugale ou encore mariages forcés.»

Retrouver sa dignité

Nour (nom fictif), une ex-détenue libérée il y a un mois, a passé plus d'un an et demi à la prison de Baabda pour fraude. «Au début des ateliers, je me disais: pourquoi parler devant des femmes qui ne veulent pas m'aider? Je ne leur faisais pas confiance, mais petit à petit, nous nous sommes toutes mises à partager nos expériences. Je me suis rendu compte que nous avions toutes vécu des expériences et des traumatismes similaires. Je n'étais plus seule.»

Selon Zeina Daccache, le projet a surtout donné un sens à la vie des détenues. Entassées à 25 par cellule, plusieurs d'entre elles sont toujours en attente de leur jugement. Une situation qui a donné du fil à retordre à l'équipe de Catharsis. «Travailler à Baabda n'était pas simple du tout, explique la thérapeute. Les répétitions avaient lieu dans la seule pièce à vivre de la prison, qui sert à la fois de cuisine, de buanderie et de promenade. Sans compter l'énorme frustration quotidienne des détenues qui croupissent en prison sans connaitre leur sentence.»

«Faire parti de ce projet a changé ma vie, confie Nour. Aujourd'hui je n'ai plus honte de parler. Je me sens plus forte et je sais que j'ai des droits.» Elle travaille aujourd'hui au sein de l'entreprise familiale. «J'aime être actrice et je veux continuer de faire du théâtre. J'ai envie d'aider, moi aussi, les femmes en difficulté.»

Quatre ans après le début du programme, Zeina et son association ont déjà remporté d'importantes victoires. En plus d'avoir ouvert les portes des prisons libanaises au public pour la première fois, la pièce Douze Libanais en colère - également adaptée sous forme de documentaire - a servi de plaidoyer contre la peine de mort, toujours en vigueur au Liban, et mené à l'implantation de la loi 463 sur les réductions de peine.

Sur la vingtaine de femmes ayant participé à la pièce, six sont aujourd'hui sorties de prison.

INOLTRE SU HUFFPOST

«Shéhérazade à Baabda»

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.