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Jacques Duchesneau et ses collègues de retour devant la commission Charbonneau

Un système de financement hypocrite
SRC

COUVERTURE EN DIRECT - Après avoir quitté l'Unité anticollusion (UAC) l'automne dernier, Jacques Duchesneau a continué d'enquêter de manière " personnelle et bénévole " sur la façon dont les partis politiques sont financés par des constructeurs et des firmes de génie-conseil.

Poursuivant son témoignage devant la commission d'enquête sur l'industrie de la construction, M. Duchesneau a révélé qu'il a rencontré 13 témoins sur une période de quatre mois suivant son départ de l'UAC.

" Pour ces personnes, il existerait un système de combines au Québec. Le financement populaire des partis politiques, pour eux, ça n'existerait pas. Tout l'argent amassé proviendrait de manigances, de stratégies de complaisance et d'arrangements ", a-t-il affirmé.

" Dans le premier rapport, on vous a parlé que oui, il y avait du financement, mais qui était plus du push, c'est-à-dire que des firmes d'ingénierie ou des entrepreneurs en construction pousseraient l'argent vers le haut ", a-t-il relaté.

" Ce que j'ai appris dans les quatre derniers mois, quand j'ai rencontré ces témoins, c'est qu'on est plus dans une politique de pull: c'est-à-dire que les gens qui sont en fonction d'autorité demandent de l'argent aux firmes de génie et aux entrepreneurs en construction ", a-t-il poursuivi.

" Le système est bien ancré. On parle par exemple que 70 % de l'argent consacré aux partis politiques au provincial ne serait pas issu de dons officiels enregistrés. C'est-à-dire qu'il y a de l'argent sale qui permet de faire des élections. [Aussi], 65 % des pots-de-vin sont aussi là pour engraisser non pas les partis politiques, mais les gens qui font de la politique, notamment par le biais de cocktails de financement ", a affirmé Jacques Duchesneau.

" Le Directeur général des élections du Québec était parfaitement au courant des personnes que je rencontrais et je lui faisais rapport ", a encore dit le premier témoin vedette de la commission, qui en est à sa quatrième journée à la barre des témoins.

Selon M. Duchesneau, certains témoins rencontrés viendront témoigner devant la commission Charbonneau.

Les spécialistes des "extras"

Pierre Bédard, de la firme Nielson, et Michel Marchand, de l'entrepreneur EBC, sont des spécialistes de l'obtention des « extras » au ministère des Transports du Québec (MTQ), a-t-on appris précédemment appris dans le cadre de la commission d'enquête.

Les deux noms ont été révélés par Annie Trudel, agente de renseignements à l'Unité permanente anticorruption (UPAC), qui témoigne aux côtés de Jacques Duchesneau. L'enquêteur Martin Morin de l'UPAC est aussi à la barre des témoins.

Mme Trudel avait mentionné lundi que les enquêtes de l'UAC avaient identifié deux personnes qui obtenaient des commissions de 10 % sur les réclamations qu'elles réussissaient à obtenir auprès du MTQ pour des « extras ».

Si les firmes Nielson et EBC font plus de réclamations que les autres, a précisé Annie Trudel, ce n'est pas parce qu'elles obtiennent plus de contrats. La proportion de leurs contrats qui font l'objet de réclamations est vraiment plus élevée que les autres.

Des retards à la commission

L'audience de la commission Charbonneau s'est ouverte à 10 h 35, plutôt qu'à 9 h 30 mardi.

Le procureur Claude Chartrand a d'abord demandé et obtenu un délai afin de pouvoir déterminer s'il allait déposer en preuve des documents qu'il venait tout juste de recevoir.

Au retour, l'avocat des témoins, Me Marco Labrie, a pris la parole pour interroger la commission au sujet de l'immunité dont jouissent ses clients.

Un article du quotidien La Presse a avancé qu'ils ne bénéficaient d'une immunité que pour les poursuites pénales et criminelles.

Le procureur en chef de la commission, Me Sylvain Lussier, a expliqué qu'après étude, il appert en fait qu'à son avis, cette immunité couvre aussi les poursuites au civil, ce qui inclut les poursuites en diffamation qui pourraient suivre des témoignages.

Me Labrie a demandé l'opinion de la juge Charbonneau. Celle-ci a fait valoir qu'il ne lui appartient pas de donner un avis juridique, et qu'elle n'a pas le pouvoir de statuer sur l'immunité des témoins. Mes pouvoirs, a-t-elle dit, sont ceux conférés par la Loi sur les commissions d'enquête.

Me Labrie a alors demandé un autre délai de 5 minutes pour discuter de cette situation avec ses trois clients. L'audience a finalement repris à 10 h 35.

Le rapport Duchesneau, page par page

Le procureur Claude Chartrand, qui mène l'interrogatoire, a continué en matinée d'éplucher le rapport que Jacques Duchesneau a remis au ministre des Transports Sam Hamad en septembre 2011, avant de le remettre à une journaliste de crainte qu'il n'aboutisse sur une tablette.

Tout comme il l'a fait lundi, Me Chartrand s'est attardé essentiellement aux citations mises en exergue du rapport, et qui rapportent soit des pratiques douteuses dont l'UAC a eu vent, soit des citations de responsables qui jettent un éclairage sur les pratiques du ministère des Transports du Québec (MTQ).

Les questions du procureur et des commissaires France Charbonneau et Renaud Lachance sont généralement de deux ordres : qui vous a donné cette information? quelles sont les entreprises en cause?

Le rapport de Jacques Duchesneau s'était en effet borné à expliquer toute une série de manigances impliquant des firmes de génie-conseil et des entreprises de construction, mais aucun nom de compagnie n'y figurait.

Les questions ne donnent pas toujours lieu à des réponses. Les témoins rétorquant souvent qu'ils ne peuvent divulguer le nom de leurs sources, parce qu'elles ont requis l'anonymat, et qu'elles ne peuvent nommer des entreprises, puisque l'affaire dont il est question se trouve devant les tribunaux.

Certaines entreprises impliquées dans des stratagèmes douteux mis au jour par l'UAC ont néanmoins été identifiées lundi.

Un article de François Messier

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