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Jour 3: la commission Charbonneau scrute les pratiques de Transports Québec

Le ministre a-t-il trop de pouvoir?

COUVERTURE EN DIRECT - Le ministre des Transports du Québec peut consulter les projets que son ministère souhaite mettre en oeuvre dans chacune des 125 circonscriptions électorales de la province avant de l'approuver, a appris mardi la Commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction.

C'est ce qu'a révélé Chantal Gingras, sous-ministre adjointe au ministère des Transports, qui avait été convoqué par la commission pour expliquer comment le ministère, le plus important donneur d'ouvrage du gouvernement, effectue la planification annuelle de ses travaux.

Cette planification, qui s'effectue en de nombreuses étapes, se conclut par la présentation des projets retenus au ministre, qui a la responsabilité ultime de les approuver.

Le fait que les projets puissent être présentés selon une répartition faite en fonction des circonscriptions électorales n'a pas manqué d'étonner la présidente de la Commission, la juge France Charbonneau, et le commissaire Renaud Lachance.

« Je cherche à comprendre », a lancé le commissaire Lachance à Mme Gingras, après avoir indiqué qu'il trouvait cela « un peu étonnant » comme façon de faire.

La sous-ministre a admis que cette répartition par circonscription n'était pas très utile pour le ministère des Transports, qui se fie plutôt à des critères techniques. Elle a cependant ajouté: « ça peut être utile pour d'autres ».

Mme Gingras a ajouté que les informations sur les projets sont consignées dans des banques de données, et qu'on peut donc les trier de différentes manières, notamment par MRC et par circonscription électorale provinciale.

« Ne devrait-on pas présenter les projets par niveau d'urgence plutôt que par comté? », a demandé la juge Charbonneau. « On le fait aussi », a répondu Mme Gingras.

Elle a cependant précisé que les interventions du ministre au sujet des 1600 projets annuels retenus à cette étape sont « très très limitées ».

Mme Gingras a dit qu'il pouvait être question de devancer certains projets de travaux prévus, mais pas de les retarder. Malgré l'insistance des commissaires, la sous-ministre a été incapable de nommer un seul projet qui a été avancé.

Marcel Carpentier, un ingénieur qui occupe le poste de directeur des contrats et des ressources matérielles au ministère, a ensuite été appelé à la barre des témoins. Il a commencé à expliquer comment les règles d'octroi de contrats en vigueur au ministère.

M. Carpentier a expliqué que les investissements routiers au Québec sont passés de 1,3 milliard de dollars en 2005-2006 à 4 milliards en 2010-2011.

En 2011-2012, le ministère a adjugé pas moins de 4662 contrats de 25 000 $ et plus, a-t-il aussi affirmé.

Le témoignage de M. Carpentier se poursuivra à compter de 14 h.

Sur l'importance des contrats accordés par Transports Québec

Transports Québec accorde plus de 1000 nouveaux contrats chaque année, et les prochaines années s'annoncent tout aussi fastes, puisque le gouvernement Charest a entrepris d'investir 16,2 milliards de dollars dans le redressement du réseau routier sur une période de cinq ans.

Selon ses propres données, Transports Québec accorde 40 % des contrats du gouvernement du Québec, pour une somme dépassant 55 % de la valeur de tous les contrats publics.

Le vérificateur général du Québec a révélé en 2009 que 10 firmes de construction se partageaient 39 % de tous les contrats de construction, et que 10 firmes se partageaient pas moins de 68 % de tous les contrats de services professionnels. Rappelons que ces derniers ne sont pas assujettis à la LCOP.

Les premiers jours d'audience à la commission ont permis d'expliquer qu'un ministère peut éviter de faire un appel d'offres public pour des contrats de plus de 100 000 $, comme cela est normalement requis.

Il peut accorder des contrats de gré à gré ou des contrats sur invitation dans certaines circonstances, notamment dans des situations d'urgence ou lorsqu'un seul fournisseur est jugé apte à remplir le mandat en question.

En attendant Duchesneau

Les témoignages de Mme Gingras et de M. Carpentier préparent le terrain pour celui de l'ex-patron de l'Unité anticollusion (UAC), Jacques Duchesneau, qui viendra expliquer par la suite les conclusions de son rapport , dévoilé par Radio-Canada l'automne dernier.

Si les interrogatoires et contre-interrogatoires des deux témoins à l'horaire se concluent aujourd'hui, M. Duchesneau témoignera dès mercredi matin.

Sur la foi de témoignages anonymes, Jacques Duchesneau avait conclu dans son rapport que des ingénieurs de firmes de génie-conseil et des employés de Transports Québec fournissent des informations privilégiées à des entrepreneurs.

Ces derniers peuvent ainsi remporter des contrats en présentant la meilleure soumission, mais font ensuite gonfler la facture grâce à des suppléments, aussi appelés « extras ». La perte d'expertise à Transports Québec, soulignait-il, crée un terreau fertile à de nombreuses dérives.

L'ex-policier affirmait en outre qu'un « grand nombre d'entreprises québécoises du domaine de la construction entretiennent des liens avec des organisations criminelles ». Le crime organisé, qu'il assimile à un véritable « acteur étatique », utilise, selon lui, l'industrie de la construction pour blanchir l'argent qu'il retire du trafic de drogues.

Au cours des deux premières journées d'audience, la commission Charbonneau s'est attardée à retracer l'évolution des marchés publics au Québec, puis plus spécifiquement à la LCOP, qui encadre actuellement ces marchés.

Un article de François Messier

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