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Ne pas criminaliser, mais aider les prostituées, plaide le Conseil du statut de la femme

Ne pas criminaliser, mais aider les prostituées, plaide le Conseil du statut de la femme
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Le Conseil du statut de la femme (CSF) demande à Québec de faire pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il modifie le Code criminel en décriminalisant les prostituées, tout en continuant de punir les clients et les proxénètes.

Il s'agit d'une des recommandations visant à contrer la prostitution mises de l'avant par l'organisme dans un avis de 150 pages rendu public jeudi matin.

« Le Conseil croit que [la légalisation de la prostitution] ne ferait qu'amplifier tous les problèmes associés à la prostitution. [...]. De plus, le Conseil refuse le statu quo des lois actuelles qui criminalisent les femmes prostituées, car cela revient à les pénaliser doublement et à rendre plus difficile leur sortie de la prostitution. », peut-on lire dans le rapport.

La légalisation n'est pas une avenue, a soutenu la présidente du CSF, Julie Miville-Dechêne, au cours d'une conférence de presse. Elle se dit convaincue que la majorité des femmes ne font pas ce métier par choix et qu'elles continueraient d'être en danger et exploitées, même dans des maisons de débauche.

La criminalisation ouvre la porte à un « cercle vicieux », a-t-elle argué en entrevue à Radio-Canada. Une prostituée se retrouvant avec un casier judiciaire et des amendes risque davantage de chercher à se tourner vers des clients, a-t-elle soutenu.

Elle a par ailleurs expliqué que le Conseil s'inspire de ce qui se fait en Suède, qui a exclu la criminalisation, mais qui montre aux prostituées qu'une autre solution est possible. Une stratégie, dit-elle, qui « a fort bien fonctionné ». « Les estimations montrent qu'il y a deux fois moins de prostitués de rue qu'avant ». « On parle donc d'une baisse importante en une décennie », ajoute-t-elle, reconnaissant que les choses ne progressent que lentement.

L'organisme recommande également de mettre en place des services spécialisés, comme des maisons d'hébergement, des services en toxicomanie ou en réinsertion sociale, pour aider les prostituées à se sortir de ce milieu. Il plaide aussi en faveur d'une campagne d'information auprès du public afin de changer les mentalités et de cesser de banaliser la prostitution.

Présentes lors du point de presse, deux ex-prostituées ont exprimé leur accord avec les recommandations et ont témoigné des conséquences sur leur vie.

« C'est sûr que ça paraît glamour et beau de charger 1000 $ la nuit. Tu peux le faire un bout de temps, ça va bien », a commencé Mélanie. « Mais un moment donné, tu es exposée à tellement de choses et [tu as] le sentiment d'être tellement diminuée. On dirait que plus les hommes ont de l'argent et sont riches, plus ils demandent des choses barbares et dégradantes », a-t-elle expliqué.

Une « victimisation » critiquée par l'organisme Stella

Émilie Laliberté, coordonnatrice générale de Stella, un organisme qui vient en aide aux travailleuses du sexe, trouve « malheureux » que le Conseil du statut de la femme ait adopté une approche qui ne reconnaît pas le droit des prostituées à l'autodétermination. « D'être considérées comme des victimes, qui ne peuvent pas faire de choix éclairés, c'est extrêmement déplorable », a-t-elle commenté sur les ondes de RDI.

« Est-ce qu'on peut enfin laisser des adultes consentants échanger des services sexuels contre de l'argent et mettre nos priorités à lutter efficacement contre les vraies formes de violence? », affirmait Émilie Laliberté, coordonnatrice générale de Stella.

Si les travailleuses du sexe sont exposées à la violence, argue-t-elle, c'est justement à cause de la criminalisation actuelle. « C'est clair qu'elles ne vont pas dénoncer les violences » à la police, « qui les criminalise et les incarcère », explique-t-elle. « Leur crédibilité va être remise en question [...] si elles se rendent en cour », ajoute-t-elle. Ce qu'il faut, plaide Mme Laliberté, c'est de leur donner le droit de mettre en place des conditions qui les aideraient à assurer leur sécurité.

« On se pose des questions sur la neutralité du Conseil du statut de la femme », a ajouté Mme Laliberté. Elle dénonce que Julie Miville-Dechêne ait hérité d'un mandat clair visant à rédiger un avis contre la prostitution en vertu d'un vote unanime du Conseil tenu en mars 2010, et donc « avant même d'aller sur le terrain ». La recherche et la rédaction de l'avis a été faite par Yolande Geadah, une « fervente abolitionniste de la prostitution », a-t-elle également déploré.

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