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Festival de Cannes, «Gangs of Wasseypur»: Anurag Kashyap sur la Croisette avec son film policier indien de 5h20 (VIDÉO)

Vidéo: L'homme du jour: «le cinéma indien ne se résume pas à Bollywood»
AFP

Parmi les vedettes qui sillonnent la Croisette, Anurag Kashyap a débarqué de manière relativement anonyme. Le réalisateur indien, abonné aux films de séries B dont certains ne sont jamais sortis dans les salles obscure de New Dehli pour cause de violence exacerbée, est venu présenter Gangs of Wasseypur. Son dernier long-métrage, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs par Edouard Waintrop, a la particularité de durer 5h20.

Bande-annonce de Gangs of Wasseypur

"La Croisette, c'est la Mecque des réalisateurs." s'exprimait Kashyap devant la presse avant d'expliquer au Times of India que son film, scindé en deux parties à cause de la longueur, était probablement le plus grand public de ses créations. "Quand les gens vont voir qu'il est pris au festival, ils vont immédiatement penser qu'il est arty alors que c'est probablement le film le plus commercial que j'ai fait." Il revient également sur son séjour à Cannes:

"Si vous recevez un certificat à l'étranger, alors soudainement tout ce que vous faites à domicile est justifié. Dans la société indienne, nous sommes élevés de telle manière que nous faisons ce que nos parents ont fait avant nous. Personne ne s'attend à ce que tu tentes de rompre le status quo. Encore moins dans les films qui ont toujours été traditionnellement contrôlés par une poignée de familles."

Anurag Kashyap n'est pas un débutant. Né en 1972 à Gorakhpur, il raconte sa jeunesse entre les études et ses premiers émois cinématographiques. Il se distingue d'abord comme scénariste de Satya, un néopolar de Ram Gopal Varma, réalisateur prolifique qui bouscule de l'intérieur les codes bollywoodiens, sur une guerre des gans qui déchirent Bombay.

Son premier long-métrage, Paanch, tourné cinq ans après, est encore interdit en Inde pour des raisons de censure. Apologie de la violence, de la drogue, absence de personnages positifs, Kashyap rompt violemment avec les critères de Bollywood. Ce qui n'empêche pas le film de devenir culte via projections privées et liens torrent de téléchargement.

La reconnaissance vient l'année suivante avec Black Friday, fiction patibulaire et controversée sur les sanglants attentats de Bombay perpétrés en 1993 par Dawood Ibrahim, chef d'une organisation criminelle connue sous le nom de D-Company. La polémique enfle entoure du film dont le sous-titre, "Toutes la vérité sur les évènements", et les scènes de reconstitution font couler beaucoup d'encre.

Le réalisateur enchaîne avec No Smoking, une adaptation de Quitters, Inc de Stephen King tournée jusqu'en Sibérie. Kashyap fait partie d'une nouvelle vague de cinéastes locaux abandonnant les chorégraphies pop et les mélo guimauves pour un aspect réaliste et cru de la société indienne. Il continue de séduire un public de niche avec Dev D ou That Girl In Yellow Boots.

Comme il le souligne, Gangs of Wasseypur est à ce jour son film le plus ambitieux et le plus ouvertement commercial. Feuilleton épique de cinq heures, réalisé avec 340 acteurs, le film raconte six décennies de l'Inde, de 1941 à 2009, sur fond de vendetta. Dans l'arrière pays, Kashyap raconte le quotidien de plusieurs générations de petits malfrats grossissant les rangs de la mafia locale, sans éducation et obsédés par les stars bollywoodiennes qui les inspirent.

Interrogé par The Hollywood Reporter, le réalisateur indien explique que son film a coûté de l'argent même s'il ne comporte aucune star au générique. "En terme de storytelling et de divertissement, le film n'est pas un grand risque. S'il n'est pas bollywoodien dans ses formes, il l'est dans le fond."

"Cela a été dur de trouver des financements pour faire un film aussi long. J'ai encore un pied à Bollywood, dans l'industrie du mainstream. Mais les nouveaux réalisateurs vont faire beaucoup plus que moi pour changer le cinéma indien parce qu'ils prennent encore plus de risques."

Edouard Waintrop, délégué artistique de la Quinzaine des réalisateurs, confiait au Monde "l'émergence d'une couche moyenne urbanisée en Inde qui constitue le public d'élection de ce nouveau cinéma, qui aspire à être populaire tout en cultivant un démarquage auteuriste très net. Ces cinéastes innovent depuis le cœur du système". Avant de qualifier Gangs of Wasseypur de "coup de foudre."

Toujours dans Le Monde, Charles Tesson, directeur de la Semaine de la critique, et Thierry Frémaux jugeaient le dynamisme du cinéma indien, le premier constatant notamment un "désir très fort qui se manifeste depuis quelques années chez de jeunes réalisateurs de sortir du double carcan de Bollywood et des films villageois. On assiste à la naissance d'un cinéma urbain, novateur, qui ose des choses, sur le plan social et politique."

Anurag Kashyap est aussi présent sur la croisette en temps que co-producteur, par l'intermédiaire de sa société AKFPL, du film Peddlers, sélectionné à la Semaine de la critique et réalisé par son ancien assistant Vasan Bala. Ce film, tourné en vingt-huit jours, raconte deux liaisons parallèles dans les rues de Bombay, sous la forme d'un thriller urbain nerveux. Un troisième réalisateur indien est à Cannes, Ashim Ahluwalia , sélectionné par Un Certain Regard pour son Miss Lovely.

Anurag Kahsyap peut aussi se targuer d'être copain avec Danny Boyle. Le réalisateur britannique de Slumdog Millionaire a souvent fait référence au film Black Friday comme source d'inspiration. Le prochain film de Kashyap, Bombay Velvet devrait retracer une histoire d'amour dans les années 1960, montrant la ville indienne et sa scène jazz. "C'est un film noir, une fiction inspirée de faits réels. Dans l'esprit, Danny Boyle sera présent sur Bombay Velvet, mais les détails quant à sa participation ne sont pas encore connus."

Gangs of Wasseypur: récit de vengeance mettant aux prises deux gangs d'une ville de province sur six décennies. Wasseypur voit s’opposer trois générations de gangsters héritiers de deux clans. Celui de Shahid Khan qui le premier se lança dans le pillage de trains britanniques contre celui de Ramadhir Singh qui règne sur la ville.

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