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Grève étudiante: les blagues de Jean Charest ne passent pas

Les blagues de Jean Charest ne passent pas

MONTRÉAL - Le Palais des congrès de Montréal a été assiégé, vendredi, alors qu'une violente manifestation a fait rage dans les rues entourant l'édifice où se tenait le Salon Plan Nord, auquel participait le premier ministre Jean Charest.

Le rassemblement, qui se déroulait sous le thème «Non à la gratuité minière! Oui à la gratuité scolaire!», a rapidement dégénéré — dès les premières minutes de l'action de perturbation, des vitres volaient en éclats, des projectiles étaient lancés dans tous les sens et les policiers intervenaient.

Selon un bilan provisoire dressé par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en fin d'après-midi, 17 personnes ont été arrêtées et six personnes ont été blessées. Parmi les blessés, on dénombre quatre policiers, qui ont subi de légères blessures.

Sur le terrain, la situation était presque revenue à la normale en début de soirée. Le combat s'est plutôt transporté sur Internet, alors que le site du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) a été ciblé par des pirates informatiques. Vers 17 h 45, le site était toujours inaccessible.

Un dur lendemain de veille attend cependant les citoyens de la métropole, a prévenu l'un des porte-parole du SPVM, le sergent Ian Lafrenière.

«Les Montréalais vont avoir une mauvaise surprise. Il y a des débris partout dans les rues, des voitures ont été vandalisées et des méfaits ont été commis. La facture va être salée», a-t-il affirmé.

La Sûreté du Québec, qui avait été appelée en renfort par le SPVM, a plié bagages vers 16 h 30. Les policiers de Montréal avaient fait appel à leurs collègues de la force provinciale alors que certains manifestants installés sur le viaduc Saint-Laurent lançaient des roches sur des automobiles qui circulaient sur l'autoroute Ville-Marie.

Pendant ce temps, à l'intérieur du Palais des congrès, le salon où se trouvait Jean Charest était sous haute surveillance policière. Plus d'une vingtaine de policiers ont monté la garde devant la porte, qui avait été verrouillée pendant quelque temps au début de la manifestation après que des protestataires eurent tenté d'entrer de force dans le Palais des congrès.

Les activités prévues à l'horaire du Salon Plan Nord ont été retardées. L'allocution du premier ministre Charest a ainsi débuté environ 30 minutes plus tard que prévu. Sur un ton moqueur, Jean Charest a fait allusion au branle-bas de combat qui se déroulait à l'extérieur.

«Le Salon Plan Nord, que nous allons ouvrir aujourd'hui, est déjà très populaire; les gens courent de partout pour entrer», a-t-il lancé, déclenchant l'hilarité dans la salle où étaient réunies quelque 1200 personnes principalement issues des milieux d'affaires.

«À ceux qui frappaient à notre porte ce matin, on pourrait leur offrir un emploi — dans le Nord si possible —, ce qui va tous nous permettre à continuer de travailler fort», a-t-il conclu, sourire aux lèvres.

Ces propos ont suscité de vives réactions de la part des mouvements étudiants ainsi que des partis d'opposition.

En début de soirée, Jean Charest a émis un communiqué non pour s'excuser, mais pour justifier ses blagues. «Les propos que j'ai tenus lors de mon discours ont été cités hors contexte et interprétés par certains comme si je prenais la situation à la légère. Ce n'est pas le cas. Les gens dans la salle l'ont très bien compris. D'ailleurs, plusieurs d'entre eux ont été brusqués à leur arrivée.»

La présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins, a exigé des excuses publiques de la part du premier ministre Charest, qui, a-t-elle rappelé, est aussi responsable des dossiers jeunesse au sein du gouvernement.

«Franchement, d'avoir autant de mépris de la part d'un premier ministre dans les circonstances actuelles, c'est insultant», a-t-elle déploré.

«Ça fait déjà une journée que je demandais au premier ministre de reprendre le dossier, parce qu'on voyait bien que Mme Beauchamp (Line, ministre de l'Éducation) en avait fait une question d'ego, et je vous avoue qu'aujourd'hui, je me demande en fait qui peut reprendre le dossier de façon sérieuse», a-t-elle ajouté.

Selon le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Léo Bureau-Blouin, il est «insultant d'entendre notre premier ministre dire qu'il veut nous envoyer dans le Grand Nord».

«Monsieur Charest devrait retirer ses propos et travailler à dénouer la crise», a-t-il ajouté par voie de communiqué.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, ne s'est pas fait prier pour condamner, lui aussi, la réaction du premier ministre.

«Je considère que c'est totalement inacceptable ce que M. Charest a fait», a-t-il lancé en marge du congrès de fondation de son parti, qui se tient ce week-end à Victoriaville.

«Est-ce que vous en connaissez beaucoup, des chefs d'État qui font des blagues alors qu'il y a une émeute à l'extérieur? C'est triste à dire, mais je pense qu'aujourd'hui, le Québec n'avait pas de premier ministre», a-t-il ajouté.

Tout en assurant que «jamais» son parti ne serait allé aussi loin dans l'affrontement puisqu'il est en désaccord avec la hausse des droits de scolarité, la chef péquiste Pauline Marois a accusé M. Charest d'avoir attisé le sentiment de colère qui règne déjà dans les rangs des grévistes.

«Moi, je crois qu'il a envenimé le conflit. Il a, oui, mis de l'huile sur le feu et c'est complètement irresponsable», a-t-elle tonné lors d'un bref point de presse.

«On peut condamner toutes les formes de violence et ça demeurera toujours inacceptable. Mais c'est aussi inacceptable, l'attitude qu'a actuellement le premier ministre», a-t-elle ajouté.

En soirée, le premier ministre Charest a tenté calmer la tempête en diffusant un communiqué dans lequel il affirme que «les propos que j'ai tenus lors de mon discours ont été cités hors contexte et interprétés par certains comme si je prenais la situation à la légère. Ce n'est pas le cas. Les gens dans la salle l'ont très bien compris.»

«Le recours à l'intimidation et à la violence n'est justifiable dans aucune circonstance, a ajouté M. Charest. J'appelle les manifestants au calme et je réitère l'offre de la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, de s'asseoir avec les leaders étudiants afin que nous puissions dénouer cette situation qui dure depuis trop longtemps.»

Infiltration de groupes radicaux?

La Coalition large de l'association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE) avait invité les étudiants en grève à prendre part à cette action, mais des représentants d'autres groupes sociaux, dont quelque 200 militants de la CSN, s'y sont également greffés.

Peu avant le début de la manifestation, le coporte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, avait déclaré que l'objectif était de forcer l'annulation du Salon Plan Nord.

Selon le sergent Ian Lafrenière, une vaste majorité des casseurs qui ont commis des méfaits font partie de groupes radicaux qui ont profité du rassemblement de vendredi pour faire du grabuge.

«Je trouve que c'est presque insultant de dire que c'est des étudiants. J'étais sur place, j'ai vu les gens sur place et ce sont des groupes radicaux, des gens qui étaient masqués, qui ont lancé des projectiles sur les policiers, qui ont fait des incendies», a-t-il relaté.

«C'est très triste à voir et on est très loin du message que ces gens-là (étudiants et groupes sociaux) voulaient envoyer», a plaidé le sergent Lafrenière.

La CSN a pour sa part montré du doigt les forces de l'ordre pour expliquer l'escalade de la violence.

«La manifestation a été pacifique jusqu'à ce qu'un policier, sans raison, décide d'asperger un jeune avec des gaz lacrymogènes. Du coup, ils ont sorti l'artillerie lourde et s'en sont pris violemment aux manifestants pour les faire reculer, les tabassant à coups de matraque même s'ils reculaient sans résistance. Le comportement des forces policières n'a été que provocation», a dénoncé Jean Trudelle, président de la FNEEQ-CSN, par voie de communiqué.

Violents affrontements

La situation est vite devenue hors de contrôle, vers midi vendredi. Quelques minutes à peine après le début de la manifestation, des dizaines de protestataires avaient réussi à entrer dans un garage du Palais des congrès.

D'autres encore ont pénétré dans le hall d'entrée principal du Palais, mais ils ont été rapidement repoussés vers l'extérieur par les policiers. Ces derniers ont eu recours à des bombes assourdissantes et aux gaz irritants pour arriver à leurs fins.

Des fenêtres et des portes vitrées de l'édifice ont été brisées, une borne d'incendie a été ouverte et plusieurs objets, dont des poubelles, ont été lancés dans les rues. L'imposant contingent policier qui a été déployé aux alentours de l'édifice est rapidement intervenu.

L'escouade antiémeute a fait son arrivée sur les lieux, et aux alentours de 12 h 45, la manifestation a été déclarée illégale. Quelques balles de caoutchouc ont été tirées par les policiers, a pu constater La Presse Canadienne.

Environ une heure après le début des événements, la foule a commencé à se disperser dans les rues du Vieux-Montréal et du centre-ville. Des barricades de fortune ont été érigées à l'aide de matériaux de construction à l'intersection des rues Bleury et Dowd et des rues Saint-Antoine et Saint-François-Xavier.

Vers 14 h 30, des groupes de jeunes marchaient toujours dans le secteur, ramassant au passage tout ce qui leur tombait sous la main — tables, matériaux de construction, pavés d'asphalte — afin d'ériger des barrages ou de s'en servir comme projectiles.

Pendant un certain temps, à la demande du SPVM, le service de métro à la Place d'Armes avait été interrompu. Il a repris vers 16 h 15, a confirmé la porte-parole de la Société de transport de Montréal (STM), Marianne Rouette.

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