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Kim Nguyen, entrevue avec le réalisateur du film Rebelle (ENTREVUE/VIDÉO)

Le film Rebelle est en salle

Entrevue questions-réponses avec Kim Nguyen, un jeune réalisateur Québécois qui n’a pas peur de repousser les limites dans son film, Rebelle, qui illustre la vie de Komona, une adolescente de 14 ans, qui raconte à l'enfant qu'elle porte sa vie depuis le début de la guerre et de son entrée forcée parmi les rebelles. Rencontre avec un homme doux et posé qui, paradoxalement, a produit un film d’une dure réalité.

Notons que le film, primé à la Berlinale cette année, sera disponible en salles à compter du 20 avril prochain.

À travers l’histoire de Komona, le film illustre la vie des enfants soldats. Certaines scènes sont difficiles à soutenir. Comment envisages-tu la réaction des gens?

Le film ne se veut jamais misérabiliste. Au contraire, c’est l’histoire d’une fille qui essaie toujours de s’en sortir. J’ai voulu faire un film sur la résilience et pas seulement un film sur les enfants soldats ou la guerre. Je ne veux pas qu’on les prenne en pitié; au contraire, je veux qu’on les prenne pour ce qu’ils sont, pour leur incroyable force de vie.

Rebelle est un film qui montre une réalité à mille lieues de la nôtre. Cela remet nos propres problèmes en perspective. Est-ce que le film a influencé ton cheminement personnel?

Quand j’ai commencé à faire ce film, ça a été l’éveil à tout un questionnement introspectif. Le plus difficile a été de prendre conscience à quel point notre mode de vie occidental dépend de l’exploitation des ressources du tiers-monde. D’ailleurs le coltan, que je présente dans le film mais que je n’explique pas, est un produit qui entre dans la fabrication de nos téléphones cellulaires. Quatre-vingt pour cent du coltan se retrouvent au Congo. Des compagnies minières exploitent cette matière et cette industrie contribue indirectement au financement des conflits dans la région. Ce fût difficile d’accepter que nous soyons en partie responsables des conflits dans ces zones-là, et le fait de travailler dans ce pays n'a fait que m’exposer davantage à la situation.

À la toute fin, est-ce que Komona réussit à aimer l’enfant?

J’ai voulu laisser aux spectateurs la liberté de se faire leur propre idée. D’autant plus que la situation de cette femme qui porte un enfant résultant d’un viol est très ambivalente. Il n’y a rien de tranché.

Les réalités du tournage

La plupart des personnages dans le film sont joués par des personnes sans aucune expérience dans le domaine. On est loin des acteurs professionnels. Pourquoi avoir fait ce choix?

On s’est vite rendu compte qu’il y avait quelque chose dans l’émotion des enfants de la rue qui n’était pas pareille. Ils ont une espèce de courage d’être, ce qui les pousse à y aller à fond lorsqu’ils jouent. Parfois les acteurs professionnels développent, au cours des années, un réflexe de retenue. Il a des zones où tu sens qu’ils n’y vont pas à cent pour cent envers et contre eux-mêmes. Les enfants de la rue n’ont jamais connu ça, ils n’ont donc pas cette préoccupation. C’est impressionnant! La différence est palpable.

C’est le cas de Rachel Mwanza qui joue Komona, la protagoniste principale du film. D’ailleurs, lors de la Berlinale, le jury lui a remis l’Ours d’argent de l’interprétation féminine. On peut dire que vous avez su voir juste. Comment avez-vous choisi Rachel pour ce rôle?

L’année passée, pour les besoins d’un documentaire, une équipe de tournage avait auditionné plus de mille enfants de la rue et ils en avaient sélectionné quelques-uns, dont cette fille. Puis, tout le monde m’a suggéré de prendre le temps de la rencontrer, qu’elle avait quelque chose de spécial. Je n’ai jamais travaillé avec une comédienne avec autant de talent! C’est étrange. Malgré le fait qu’elle n’ait pas lu le scénario, elle saisit exactement ce qu’elle a à faire. C’est du talent brut, ça dépasse le jeu.

Comment se préparait-elle pour son rôle?

Elle était super nonchalante. Elle n’avait aucune préparation, que de l’instinct pur. C’est flyé! Néanmoins, nous avons tourné le film de façon linéaire. C’est-à-dire que nous avons essayé autant que possible de tourner les scènes dans leur ordre d’apparition, pour ainsi faciliter le développement émotif des acteurs, ou plutôt des non-acteurs.

D’ailleurs, un autre personnage que j’apprécie particulièrement est le commandant qui montre sa cicatrice. Cet homme a fait la guerre dans la jungle pendant un an. Son histoire nous a aidé à réorienter le début du film. Par contre, il n’a jamais voulu nous révéler l’origine exacte de sa cicatrice.

Tu as passé plus de quatre mois au Congo pour le tournage. Est-ce qu’il y a eu des scènes qui ont été plus difficiles à réaliser?

Toutes les scènes tournées le soir ou la nuit ont été supportées par un système d’éclairage alimenté par une génératrice. Il est arrivé quelquefois que nous sentions que la situation devenait dangereuse, lorsque l’électricité tombait pendant qu’une masse de gens tournait autour de l’équipe et de l’équipement. Dès que la lumière s’éteignait, ils se ruaient pour essayer d’attraper tout ce qu’ils pouvaient trouver. Pour ma part, je n’ai jamais vécu ce moment, car j’étais toujours le premier à partir, dû à mon statut de chef qu’on m’attribuait malgré moi. En Afrique, il faut accepter de jouer le rôle.

En plus d’avoir souligné le travail exceptionnel de la jeune congolaise, Rachel Mwanza, le jury de la Berlinale a également attribué au film Rebelle le prix œcuménique afin de souligner l'humanisme qui émane de l'oeuvre de Kim Nguyen.

Bref, Rebelle est définitivement un film à voir pour s’ouvrir les yeux et l’esprit.

Le film, primé à la Berlinale cette année, sera disponible en salles au Québec à compter du 20 avril prochain.

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